L’argument majeur en faveur du Haut Conseil de la transition est qu’il faut sortir le pays du merdier. Donc, pour le sortir du merdier il faut refaire les choses qui l’ont enfoncé dans la situation actuelle !
Concédons, même s’il est permis d’en douter, une part de bonne foi à quelques-uns parmi la bande qui s’engouffre dans la régression politique instituée autour de la fusion gouvernement de facto/Haut conseil de la transition. La bonne foi, quand elle existerait, n’est pas un argument face à ceux de l’analyse sociale.
Ce qui se joue-là, avec cette fusion entre un exécutif illégitime et contesté, incompétent et raillé et ce Haut conseil de la transition, c’est la mise en œuvre de la logique de continuité International/PHTK/oligarchies, pour mettre hors-jeu le sujet collectif populaire, les forces politiques progressistes et enterrer les revendications majeures que demeurent la sanction des crimes de sang et des crimes financiers des années PHTK, l’amélioration des conditions d’existence de la majorité auxquelles est venue s’adjoindre la lutte contre le banditisme.
En suivant certains médias, certaines déclarations, la remise en service de vieux propagandistes désargentés, les railleries et injures dont certains journalistes et éditorialistes ne se privent pas quand il s’agit de porteurs de propositions par exemple (les protagonistes de l’accord du Montana par exemple) et de leur complaisance témoignant d’une adhésion à peine voilée envers les porteurs de la fusion Henry/Haut Conseil, on ne peut douter que la réaction est passée à l’offensive. Pour en finir avec l’idée d’une transition de rupture. Tenter de refaire le coup d’élections contestées par les forces progressistes, valorisées par « l’international ». Faire venir des forces étrangères pour lutter contre les gangs peut-être, mais réprimer aussi les mouvements revendicatifs.
La bonne foi, quand elle existerait, n’est pas un argument face à ceux de l’analyse sociale.
Si de telles forces débarquent en Haïti et que j’exerce mon droit de demander leur départ et que je demande les sanctions méritées contre les crimes de sang et les crimes financiers caractérisant les différents gouvernements PHTK et que je joins à cela la dénonciation des odieux mécanismes d’exploitation, d’exclusion et de domination qui condamnent les masses populaires à la misère, serai-je gazé, voir abattu comme membre d’un gang ?
Quand des jeunes ou des formations politiques progressistes voudront se réunir, s’exprimer, qu’est-ce qui garantira leur liberté de le faire ? Depuis quelques décennies, les pouvoirs utilisent contre des forces progressistes ce que certains ont appelé la « judiciarisation » des conflits politiques. Ici, voilà qu’on veut créer les conditions pour un amalgame banditisme – discours revendicatifs.
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Exclure le sujet populaire, les organisations proches de lui, ses revendications. Continuer le jeu à l’ancienne. Le choix de deux membres du Haut conseil de transition exprime clairement cette volonté.
Quand des jeunes ou des formations politiques progressistes voudront se réunir, s’exprimer, qu’est-ce qui garantira leur liberté de le faire ?
Avec tout le respect que l’on doit à sa carrière de professeur et ses compétences académiques, voilà bien une figure qui semble, à de nombreux égards, sortie ou de préférence pas sortie du XIXe siècle. État laïc ? Réponse, ma foi chrétienne. Féminisme ? Seconde je suis et ne fais rien sans l’accord de mon défunt mari. Communication avec les masses populaires ? Condescendance et incapacité de convaincre. On se souvient de la désastreuse prestation au débat avec Michel Martelly, d’autres déclarations et propos ridicules ou sonnants faux, dans tous les cas « outdated ».
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On se souvient aussi qu’ayant la grosse tête et incapable d’analyser la situation politique, elle était allée, avec la naïveté d’une collégienne de chez les bonnes sœurs, légitimer un 2e tour gagné d’avance par Martelly. Condition populaire ? Ni dans ses programmes ni dans ses discours, cela n’a jamais été une priorité. Madame Mirlande Manigat est une figure de ce qu’on a pu considérer un temps comme une droite austère, sans lien aucun avec les percées du féminisme engagé socialement, peut-être du féminisme tout court, sans lien aucun ni intelligence avec des formes d’expression des revendications populaires en général et en temps de crise en particulier.
Le choix d’un membre du secteur patronal est aussi révélateur de cette volonté d’exclusion du populaire. Le secteur patronal s’est toujours montré hostile aux propositions haïtiennes venues des milieux progressistes (21 août, Montana…). Au cours des discussions on a entendu certains de ses représentants se lâcher en disant que « les peuples pauvres ne sont pas prêts pour la démocratie ». On l’a vu à l’œuvre dans ses efforts pour ne rien concéder, pas même un salaire minimum décent, face aux revendications sociales et économiques des masses. Et voilà donc que c’est ce secteur patronal qui n’a produit aucun discours, aucune réflexion à caractère républicain ou humaniste qui est appelé à diriger la transition.
La sortie du merdier passe par la reconnaissance des revendications populaires, la rupture.
Qui appuie ce Haut conseil ? Des individus et des formations politiques qui ne peuvent se prévaloir d’aucun lien organique avec les masses populaires et d’aucune idéologie politique visant à la transformation des rapports sociaux dans l’intérêt des masses ?
L’argument majeur en faveur du Conseil est qu’il faut sortir le pays du merdier. Donc, pour le sortir du merdier il faut refaire les choses qui l’ont enfoncé dans la situation actuelle ! A-t-on déjà entendu pareille bêtise ? Conseil ou pas Conseil, qu’on réussisse à produire un faux-semblant d’élections, d’accalmie, ce qui semble peu probable, la sortie du merdier passe par la reconnaissance des revendications populaires, la rupture. Le même ne peut pas, ne peut plus produire d’adhésion.
Le même ne peut pas, ne peut plus produire d’adhésion.
C’est pour cela que la réaction veut occuper les espaces médiatiques, réduire au silence les voix qui dénoncent cette volonté de faire sans le peuple. C’est pour cela aussi que ces voix ont pour devoir de se faire entendre en assumant leur radicalité. La réaction n’a aucune peur à s’assumer. Pourquoi aurions-nous peur ?
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