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Et si l’action de nos gouvernements était le pur reflet de nos revendications ?

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Quand nous parlons de démocratie – tout au moins, selon son acception en tant que forme de gouvernement –, nous voyons en premier lieu et pour l’essentiel : « le peuple ». À titre d’exemple, la définition de la démocratie proposée par Abraham Lincoln met le peuple au centre de la vie politique. Il s’agit selon lui d’un gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple. Et les politiques ont compris, mieux que le peuple lui-même, que ce dernier constitue l’ultime instrument ouvrant le chemin vers le pouvoir ; d’où l’apparition de divers concepts plaçant le peuple au cœur des tendances comme l’électoralisme, le populisme, l’opportunisme politique, ou encore la démagogie politique.

Les politiciens de chez nous ont vite compris l’équation entre le pouvoir et le peuple (Pouvoir = Peuple), bien plus vite que le peuple ne l’ait compris. Ils savent qu’ils doivent, dans la mesure du possible, s’ils veulent être élus ou réélus, défendre l’intérêt du peuple, ou du moins donner l’impression de le faire. Et tout gouvernement, pour diriger et rester stable, sait qu’il doit s’efforcer d’être à l’écoute des besoins, des désirs et des demandes du peuple. Chose comprise, chose appliquée. Les réponses de nos gouvernements, l’action politique en général, est le pur reflet de la demande populaire.

Une affirmation prétentieuse, diriez-vous ? Demandez-vous alors si le carnaval ne répond pas à un besoin exprimé par le peuple. Le parlementaire qui, au lieu de légiférer, défend la construction d’une école dans sa communauté sans s’interroger sur la qualité de l’enseignement, n’est-il pas en train de répondre aux attentes de son peuple ? L’augmentation de salaire pour le médecin et une cargaison d’intrants pour l’hôpital, la distribution de semences aux agriculteurs, une campagne de nettoyage des rues, la mise en place d’un bureau d’emploi des jeunes pour des emplois qui n’existent pas, ne répondent-ils pas à nos revendications actuelles ? Cet édifice public flambant neuf pour des services qui ne sont pas délivrés, l’installation de cet escalier roulant à l’aéroport qui, faute d’électricité, n’est jamais en marche, ne sont-ils pas perçus comme des signes de modernisation et de développement ? Il n’est même pas nécessaire de mentionner la « caravane du changement » vendue comme la panacée qui viendra à bout de tous nos maux.

La qualité de l’action politique dépend de la qualité de la demande sociale. Autrement dit, à des besoins superficiels, des actions superficielles ! À des revendications simplistes, des réponses faciles ! Dans une société où seuls le tangible et l’effet produit à court terme comptent, où règne la prééminence de la forme sur le fond, nous incitons nos hommes et femmes politiques à tendre vers la facilité. L’homme ou la femme politique n’a aucune raison de réfléchir sur des réformes, des stratégies et des politiques alors qu’il ou elle est évaluée uniquement dans une dimension tangible et quantifiable. Pourquoi initier une réforme du système de l’éducation, alors qu’on est évalué sur le nombre d’écoles construites, le nombre de cantines installées, et le taux d’augmentation du salaire des professeurs ?

« Chaque peuple a les dirigeants qu’il mérite » affirme le dicton. Devrait-on y ajouter que chaque société a les réponses qui correspondent à ses préoccupations ? L’action politique prend la forme de la demande sociale. Tant que nos besoins, nos revendications et nos mobilisations resteront superficielles ; tant qu’on fera primer le court terme au dépend du long terme, qu’on préfèrera la forme au fond, tant qu’on exigera et acceptera le strict minimum, l’action politique, restera soumise à une approche superficielle, réactive, populiste et opportuniste. Ainsi, notre aspiration à un changement social et économique restera vaine, car les vrais changements ne passent pas par « une caravane », mais plutôt à travers des actions issues de véritables plans stratégiques et réformes bien pensés, touchant le fond de nos problèmes et préoccupations.

Jeffsky Poincy

Image: Reuters

Économiste, spécialiste en développement et politique publiques, Jeffsky Poincy se passionne pour la politique, l'économie, les finances et l’entrepreneuriat social. Observateur du monde, il est serviteur de sa communauté et entrepreneur.

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