La consommation du chou palmiste et l’usage du bois de palmier dans la construction mettent en péril l’arbre qui fait partie des éléments constitutifs des armes de la République D’Haïti
Le palmiste se mange en Haïti, mais les consommateurs accordent peu d’importance à la régénération de l’espèce.
Le palmier local est le seul à produire un chou consommable.
« La consommation met en péril cet arbre puisque les gens ne pensent jamais à sa plantation », confirme Jean Fritzner Clervéus.
Le responsable en chef de la production végétale au ministère de l’Agriculture des Ressources naturelles et du Développement rural relate qu’il n’y a pas encore eu de recensement pour dénombrer la quantité de palmiste existant en Haïti.
Le palmiste est un arbre de la famille des palmiers qui regroupe le cocotier, le palmier dattier, etc.
L’arbre, présent dans le bicolore haïtien, peut mesurer jusqu’à 12 mètres de hauteur. Il comprend un bourgeon terminal appelé chou palmiste ou cœur de palmier. Ce « chou » est très apprécié dans la gastronomie du pays.
Originaire des Cayes, Claudette Jocelyn vit dans une communauté qui se situe dans les mornes non loin de la commune du Saint-Jean du Sud.
La paysanne vivant de l’agriculture proclame sa passion pour le délicieux légume fait de chou palmiste. « Cela n’arrive pas assez souvent, mais j’ai l’habitude d’en consommer avec joie », dit-elle.
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Traditionnellement, le chou palmiste est beaucoup plus consommé durant les périodes pascales. « Je ne sais pas pour les autres régions du pays, mais dans le Nord, la consommation du chou palmiste appelé aussi cœur de palmier est une pratique très répandue chez les paysans », révèle l’agronome Emmanuel Jean Louis, cadre du MARNDR et responsable de la protection végétale dans le nord du pays.
Cru ou cuit, le chou palmiste représente un élément clé dans un plat véritablement exquis. L’arbre est aussi utilisé à d’autres fins. Dans certaines sections communales, le bois de palmier est souvent l’un des matériaux utilisés dans les charpentes en bois et les poteaux des maisonnettes.
« Les murs de ces abris sont faits en clissages de palmistes, poursuit l’agronome. Fort souvent, la consommation de chou palmiste se fait par le même paysan qui abat l’arbre pour la construction. En ce sens, il est rare de voir le cœur de palmier dans les marchés. »
Plusieurs variétés
L’agronome Jean Fritzner Clervéus, responsable en chef de la production végétale au MARNDR, estime à près de six les variétés de palmiste du pays.
Il y a le palmier du chili, le palmiste nain qui constitue un arbuste de décoration et le palmier royal des Antilles. Cette dernière, de son nom scientifique Roystonea regia, est celle qui figure parmi les armes de la république. Elle demeure une variété indigène propre à Haïti, selon Clervéus.
Le palmier est une plante qui vit avec un seul méristème, le bourgeon permettant la production des feuilles. « Dans le cas du palmiste, c’est le chou qui représente son méristème. Son enlèvement met pratiquement fin à la survie de la plante », fait savoir le généticien Gaël Pressoir.
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La naissance du palmiste dans beaucoup de régions du pays se fait notamment grâce à la dispersion des graines par les oiseaux. C’est ce qu’on appelle la régénération naturelle.
Il fut un temps, la plupart des paysans ne voyaient pas d’un bon œil la présence d’un palmiste dans les parages de leur jardin.
« C’est un arbre qui attire les oiseaux. Certains planteurs les abattent afin d’éloigner les oiseaux pouvant dévaster leur jardin », raconte l’agronome Emmanuel Jean Louis. C’est surtout à ce moment que les gens enlèvent le chou.
Culture du palmier
Vu que le palmiste n’a pas une valeur marchande, les paysans accordent peu d’importance à cette plante. « Le palmiste n’a pas la même importance qu’un cocotier aux yeux des paysans », relate l’agronome Emmanuel Jean Louis.
Abattre les palmiers du pays n’est pas nécessairement une mauvaise idée. « Il y a une façon de le faire, dit l’agronome Gaël Pressoir. Tout arbre a un âge moyen. L’essentiel c’est qu’il faut en planter constamment », dit-il.
Après une année et demie, le jeune palmiste aura déjà un chou avec une taille commerciale et apte à la consommation. « J’avais déjà visité des plantations de palmiste au Costa Rica, continue Pressoir. Les planteurs costaricains font le choix d’un palmier à croissance relativement rapide pour la production du chou palmiste. »
Valeur symbolique
Le palmiste surmonté du bonnet phrygien compte parmi les éléments constitutifs des armes de la république. Selon l’historien Jean Ledan Fils, le symbole du palmiste dans le drapeau haïtien représente le gardien du territoire national.
Le palmiste a aussi une valeur sacrée. « Il est présent dans le vodou haïtien à travers son symbole dans le vèvè illustrant le lwa Ayizan », explique l’historien. La feuille du palmiste est aussi utilisée durant la période pascale. Les catholiques portent des rameaux (feuille de palmiste) qui, une fois bénis, sont tenus en main par les fidèles qui se mettent en marche (procession).
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Parallèlement, l’écrivaine Odette Roy Fombrun écrit dans son ouvrage : « Le drapeau et les Armes de la République d’Haïti », que le palmiste surmonté du bonnet phrygien symbolise la liberté.
Malgré un symbolisme certain, aucune politique publique ne vient mettre en avant cet arbre. « L’État devrait décréter le palmiste comme un arbre symbolique sur le territoire », suggère l’agronome Emmanuel Jean Louis.
Le responsable de la protection végétale dans le Nord déclare que le palmiste n’avait pas été abordé même durant sa formation à la Faculté d’agronomie et de médecine vétérinaire.
Emmanuel Moïse Yves
Les photos sont de Widlore Mérancourt
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