Le projet lancé par l’ancien président Jean Bertrand Aristide se trouve délaissé
Au Champ-de-Mars, à quelques mètres du Palais national, la Tour 2004 se trouve à l’abandon. Cette structure inachevée n’attire l’attention des autorités qu’en période de fête de fin d’année, lorsqu’il faut la parer de lumières.
Pourtant, selon les concepteurs du projet, cette tour devait retracer l’histoire du pays. « La Tour devait raconter les 200 ans d’indépendance d’Haïti, de 1804 à 2004 », dévoile dans l’anonymat un architecte ayant travaillé sur le projet.
L’édifice comprend quatre niveaux qui devaient représenter chacun une tranche de 50 ans d’histoire du pays à travers des sculptures, des tableaux, des affiches et des vidéos, selon l’architecte qui a parlé à Ayibopost depuis les États-Unis. Quant aux 200 marches menant au sommet de la structure, elles symboliseraient chacune une année d’histoire.
Un petit restaurant aurait trôné en haut du monument et l’on prévoyait de placer un flambeau au sommet de la structure. Lancé par Jean Bertrand Aristide pendant son second mandat en 2001, ce projet devait être inauguré le 1er janvier 2004.
Cependant, les événements politiques qui ont chassé l’ancien prêtre du pouvoir, le 29 février 2004, ont stoppé la construction de cette œuvre qu’aucun des gouvernements successifs n’a tenté de finaliser.
Un projet à abandonner
L’idée de reprendre la construction de la Tour ne fait pas unanimité. Il faut tout bonnement déplacer la structure qui n’a pas sa place dans l’espace vert du Champ-de-Mars, analyse l’historien Georges Michel qui critique le fait que l’ouvrage se trouve trop près du Palais national.
Le travailleur de l’histoire n’est pas le seul à exprimer pareille idée. Elle fut reprise entre 2009 et 2010 lors d’une série de réflexions réalisée au nom du Plan directeur Tourisme (PDT). Il était question de doter la Tour 2004 d’un espace de restauration et d’un observatoire.
L’architecte Robert Stenley Figaro a pris part aux débats sur ce projet d’aménagement de l’aire du Champ-de-Mars. Il se rappelle avoir émis des doutes sur la possibilité d’avoir un bâtiment aussi haut à proximité du Palais national, siège du pouvoir exécutif.
Une vingtaine d’années après, l’architecte proche du régime « Lavalas » cité plus haut estime que la structure existante doit être révisée. « Après 16 ans sans entretien, les métaux de ce travail inachevé peuvent représenter un danger avec les effets du temps et de la houille, puisqu’ils n’ont pas reçu la dernière couche protectrice. »
Le plan introuvable
Même quand une certaine volonté politique se manifesterait pour finir l’édifice au sein ou en dehors du Champ-de-Mars, son plan demeure introuvable aujourd’hui.
Selon l’architecte proche de « Fanmi Lavalas », qui a requis l’anonymat, les plans de la Tour 2004 n’étaient pas publics. Ils se trouvaient au niveau de la présidence, « question de garder l’effet de surprise pour l’inauguration qui n’a jamais eu lieu malheureusement ».
Selon le directeur de communication actuel du Palais, Emmanuel Jean François, si ce plan était dans l’espace, il est fort possible qu’il se trouve dans un container puisque c’est ainsi qu’on a gardé les documents du Palais après le séisme de 2010.
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L’ingénieur Clément Belizaire dirige depuis juin 2015 l’Unité de Construction de Logements et de Bâtiments publics (UCLBP). Dans le cadre de cette mission, l’UCLBP pouvait bien se pencher sur le sort de la Tour 2004. Mais, Belizaire affirme n’être jamais tombé sur le projet de construction de la Tour 2004 qui aurait pu permettre une continuation des travaux.
Le directeur général du Ministère des Travaux publics, Transport et Communication, Wilson Edouard, souligne aussi n’avoir trouvé aucune trace de ce projet au MTPTC.
Au Ministère du Tourisme et des Industries créatives, la ministre Myriam Jean n’a pas su confirmer si l’institution détient ou non, les plans de la tour 2004. En interview à Ayibopost, Mme Jean a promis de divulguer le plan au cas où elle les retrouverait. Ce qui n’a pas été fait jusqu’à la publication de cet article.
Un pied de nez politique ?
L’avenir de la Tour 2004 est incertain dans le contexte actuel de crise économique et politique. « On l’a laissé à l’abandon pour ne pas terminer une œuvre dont un adversaire politique aura la paternité », analyse le DG du MTPTC, Wilson Édouard.
Même sentiment au niveau de la famille politique de Jean Bertrand Aristide. « Les pouvoirs qui ont suivi les évènements de 2004 ont été dirigés par des anti-Aristide », tranche l’architecte Lesly Voltaire qui a été ministre dans l’administration du prêtre défroqué et qui a travaillé sur le plan de la structure.
Ne pas continuer la construction de la Tour est synonyme d’un mépris pour l’indépendance du pays, conclut Jodson Dirogène, porte-parole du parti politique « Fanmi Lavalas. »
Samuel Celiné
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