L’institution évolue sans une mission réellement définie
Le nouveau ministre des Travaux publics des transports et de la Communication veut se débarrasser du Centre national des équipements (CNE).
Depuis sa création il y a 23 ans par l’ancien président René Garcia Préval, l’institution fonctionne sans loi-cadre et est considérée comme une doublure du MTPTC. Après sa suppression, « l’on prendra des mesures pour rebâtir l’institution avec une mission clairement définie », soutient l’ingénieur Joicéus Nader.
De son côté, l’actuel directeur du CNE voit la structure comme un renfort du MTPTC. Kenton Louis dit avoir proposé au ministère une loi pour encadrer les actions de l’institution qu’il dirige.
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La position rigide de Joicéus Nader vient dans un contexte où le président Jovenel Moïse s’est beaucoup appuyé sur le CNE pour son programme phare, la Caravane du changement. En 2017, l’élu du PHTK a même renforcé la flotte d’équipements du CNE pour accélérer des travaux entrepris dans le cadre de son initiative.
Il ne s’agit pas d’une première d’ailleurs. Des administrations successives ont utilisé l’institution pour honorer des promesses de campagne. Durant les mandats du président Préval, le CNE était vu à pied d’œuvre dans des travaux de constructions de routes, de ponts ou d’assainissement.
Dans les faits, le CNE faisait ce que techniquement, le MTPTC devrait entreprendre. « Mais avec un budget nettement plus important », rapporte André Dumay Mellon, actuel responsable de communication au CNE. Selon Mellon, les actions du CNE étaient alimentées par une caisse noire du palais national.
Une proposition de loi-cadre
Joicéus Nader, ne désarme pas. Il estime que le CNE est une institution à problème qui n’a pas de loi organique clarifiant sa mission ou son fonctionnement. « La masse salariale du CNE est trop élevée », dit l’ingénieur qui affirme ne pas être au courant des actions du CNE. « Le CNE devrait être une institution rattachée au MTPTC. Si tel est le cas, l’institution doit opérer en fonction de ce que lui a confié le MTPTC et ne peut en aucun cas décider selon sa volonté. »
Le CNE est une direction générale et son directeur a un pouvoir décisif et une capacité d’action, admet pour sa part, Kenton Louis. Alors que le DG reconnait que son entité doit un rapport au MTPTC pour ses interventions, il soutient que sa proposition de loi-cadre définit un ensemble d’obligations pour le CNE. « Le CNE a la mission de renforcer les travaux d’infrastructures de l’État. L’institution est aussi considérée comme le garage national des engins lourds de l’État qui investit dans la formation de techniciens pour la réparation de ces équipements. »
Une institution de substitution
Le CNE a vu le jour en 1997. Il a fallu attendre le décret du 7 juillet 2004 pour que l’État prenne acte de l’existence de l’entité.
Si ce décret n’a pas indiqué la mission ni l’organisation de ce service techniquement déconcentré, il le rattache au MTPTC. « L’institution a pris naissance dans des conditions douteuses. L’ex-président René Préval a créé le CNE dans l’objectif d’affaiblir le ministère des Travaux publics », lance le ministre des Travaux publics, Joicéus Nader.
De l’avis du responsable de communication du CNE, André Dumay Mellon, la structure a pris naissance sous forme d’un petit projet de la présidence sous l’administration de René Garcia Préval.
À l’époque, le MTPTC n’était pas en mesure de répondre aux exigences du président en termes d’infrastructures routières, entre autres. « Le MTPTC agissait lentement dans ces actions vues que ses employés étaient mal payés et des difficultés de carburant, d’équipements se dressaient sur leur route », explique l’ingénieur Nader.
De lourdes dépenses
Durant l’année 2008, un montant de 80 millions de dollars était alloué au CNE pour l’acquisition de nombreux matériels et équipements. Jude Celestin, qui était aux commandes de cette entité, avait été entendu au parlement pour ces dépenses dans le cadre de l’enquête de la commission éthique et anti-corruption du Sénat sur la gestion des fonds PetroCaribe.
Des engins lourds sont aussi confiés au CNE par le président Jovenel Moïse qui avait aussi ordonné la réparation des matériels en panne dans les locaux de cette entité, dans le cadre de la Caravane du changement. « Personne ne sait véritablement la quantité de matériel que détient le CNE. On n’a ni le contrôle ni une idée sur la quantité de matériels endommagés ou détruits », remarque le ministre des Travaux publics.
Le salaire des employés du CNE n’émane pas du MTPTC, mais du ministère des Finances qui octroie à l’institution une enveloppe budgétaire d’environ 300 millions de gourdes, rapporte Kenton Louis. Selon ce dernier, le palais national a cessé d’octroyer des sommes importantes au CNE pour son fonctionnement.
Rendement non satisfaisant
Les dépenses consenties par le CNE sont loin d’être proportionnelles à son rendement, se plaint l’ingénieur Nader. L’efficacité de l’institution doit être évaluée, poursuit-il. « Avec la somme des moyens financiers et techniques qu’a obtenue le CNE, il est carrément inadmissible de produire si peu de résultat ».
Son de cloche différent du côté du CNE. Parlant des routes non construites dans le pays, André Dumay Mellon rapporte qu’il y a « des attributions qui sont exclusivement réservées aux travaux publics. Si le MTPTC n’autorise pas, le CNE ne peut agir malgré son parc d’équipement de 700 matériels. »
Le CNE a de très bons techniciens reconnait l’ingénieur Nader qui exige que les matériels du CNE soient confiés à des directions départementales des travaux publics. « C’est inconcevable que les équipements du CNE soient au service de la plupart des élus et proches du pouvoir », raconte Nader qui dit avoir le contrôle des directions départementales des travaux publics de son ministère et non du CNE.
Emmanuel Moïse Yves
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