Le législateur haïtien fait de la corruption une infraction pénale. Pourtant, Haïti est l’un des pays les plus corrompus au monde. L’ULCC est l’institution chargée de lutter contre la corruption en Haïti. En réalité, comment s’y prend-t-elle ?
La loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption, définit la corruption comme étant le fait par lequel un individu ou une personne morale, utilise sa fonction soit pour commettre des abus, soit pour garantir son propre profit ou celui d’autrui. Toutefois, Transparency international place Haïti comme le 23e pays le plus corrompu au monde, lors de son dernier rapport datant de 2017.
Pour combattre la corruption, des mesures ont été adoptées et introduites dans la législation haïtienne dès 1834. On peut citer ensuite la constitution de 1987, qui, en ses articles 238 à 243, établit le mode d’organisation de l’administration publique, ainsi que les différentes obligations des agents et fonctionnaires de l’Etat. Parallèlement, le code pénal haïtien réprime la corruption dans le secteur public en ses articles 137 à 144. Haïti a aussi ratifié respectivement en juin 2004 et juin 2007, la Convention interaméricaine contre la corruption et la Convention des Nations unies contre la corruption, auxquelles s’ajoutent d’autres textes légaux et réglementaires.
Il existe en outre plusieurs institutions de lutte contre la corruption. On peut citer par exemple : la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), l’Unité centrale de renseignements financiers (UCREF), la Commission nationale de marchés publics (CNMP), l’Inspection générale des finances (IGF), et l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC). Pour des raisons pratiques et méthodologiques, l’ULCC est l’institution que cet article vise à présenter.
L’ULCC a été créée par décret du 8 septembre 2004. Il s’agit d’un organisme à caractère administratif travaillant sous la tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances. Elle est dotée de la personnalité juridique, de l’autonomie administrative et financière. Si le Bureau Central de l’ULCC est à Port-au-Prince, sa compétence s’étend sur tout le territoire national. Elle dispose en outre de cinq (5) bureaux départementaux situés dans les villes suivantes: St-Marc, Cap-Haïtien, Miragoâne, Cayes et Hinche.
Structure de l’ULCC
L’ULCC est administrée par un conseil d’administration comprenant trois membres, dont le ministre de l’économie et des finances qui en assure la présidence. Un Directeur général gère les activités quotidiennes de l’ULCC. Il est assisté par un Directeur des Operations et un directeur administratif et financier. L’ensemble de ces Directeurs forment un conseil de direction. Les agents de l’unité sont nommés par le directeur général selon les règlements intérieurs. Ils doivent tous prêter serment par devant le Doyen du Tribunal de Première Instance. Ces agents ont un statut d’Officiers de Police Judiciaire (OPJ). Ainsi, ils peuvent mener des enquêtes conformément aux dispositions du Code d’Instruction Criminel. Le Conseil de direction a pour rôle de rechercher dans la législation tous les facteurs pouvant favoriser la corruption et recommander leur élimination. Il doit aussi conseiller toute personne ou tout organisme public ou privé en matière de prévention de la corruption. Le conseil a pour devoir d’expliquer à la population les dangers de la corruption et donc pourquoi il est nécessaire de la combattre. Il délivre sous demande un label de probité aux entités administratives du secteur public qui ont respecté les principes d’intégrité et de transparence.
Le ministère de l’économie et des finances peut décider de mettre en place un Comité consultatif. Ce comité aura pour but de favoriser une coopération entre les différentes entités de l’administration publique, les entreprises publiques et la société civile. David Basile est l’actuel Directeur général de l’ULCC. Il a été nommé par arrêté présidentiel pris en conseil des ministres, le 7 juillet 2017. Monsieur David Basile remplace ainsi, Lionel Constant Bourgoin, ancien secrétaire général du CSPJ.
Mission de l’ULCC
L’ULCC a pour mission de combattre la corruption dans ses multiples formes, au sein de l’administration publique en particulier et dans la vie publique en général. En outre, elle tend à la protection des biens publics et collectifs. En ce sens, elle s’assure que les mesures prises dans le but de prévenir, sanctionner et éliminer les actes de corruption soient efficaces. L’ULCC a également pour rôle de faciliter la transparence dans la gestion de la chose publique. Dans le but de favoriser l’investissement privé, de moraliser l’administration publique et la vie publique en générale, l’ULCC est tenue d’établir un climat de confiance dans le pays.
Comment mettre en branle l’ULCC ?
L’ULCC peut être saisi par des dénonciations ou des plaintes. Toute victime, tout témoin, ou toute personne ayant connaissance d’actes de corruption peut faire une dénonciation à l’ULCC. A noter que la dénonciation n’est pas une plainte. La plainte est portée par la victime, tandis que la dénonciation est faite par des témoins ou par toute personne au courant de l’acte répréhensible. La dénonciation peut être faite soit par téléphone en composant 5656. Soit par courrier électronique à info@ulcc.gouv.ht. Il est également possible d’adresser une correspondance Directeur général de l’ULCC. Finalement, on peut se présenter en personne soit au bureau central de l’ULCC à Pacot, soit à l’un de ces 5 bureaux départementaux.
Comment procède concrètement l’ULCC pour combattre la corruption ?
C’est le Conseil de direction de l’ULCC qui donne suite aux plaintes qu’on lui a soumises. Pour ce faire, il exploite les informations reçues et effectue des enquêtes. Quand le conseil estime que les faits découverts sont susceptibles de constituer une infraction de corruption, le conseil saisit les autorités judiciaires pour les poursuites légales. Il collabore aussi avec les organismes nationaux et internationaux de lutte contre la corruption. Chaque trois mois, le conseil adresse un rapport sur le fonctionnement de l’ULCC au Ministre de l’Economie et des Finances.
Le Directeur général et les agents de l’ULCC ont le même pouvoir que les inspecteurs fiscaux. Toutefois, ils ne doivent pas dévoiler les résultats de leurs enquêtes tant que l’affaire n’est pas bouclée.
Force juridique des enquêtes de l’ULCC
Si l’ULCC semble être une institution importante dans la lutte contre la corruption, il est quand même sensé de s’interroger sur la validité de ses enquêtes. Apres qu’elle ait transmit un dossier à l’autorité judiciaire compétente, son travail prend fin. En cas de mauvaise gestion des deniers publics, seul un arrêt de débet émis par la Cour supérieure des Comptes et du contentieux administratif peut sanctionner le comptable fautif. Dans certains cas, les deux institutions en question aboutissent même à des conclusions différentes.
Il peut donc être temps de penser à doter l’ULCC de nouveaux moyens lui conférant d’une part un pouvoir effectif, et lui permettant d’autre part d’aboutir à un résultat satisfaisant. L’harmonisation des différentes institutions de lutte contre la corruption est surement la premiere tâche à accomplir.
Par Patrick Michel
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