SOCIÉTÉ

3 à 4 cadavres «sans famille» par jour… des hôpitaux de P-au-P exténués

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Drame humain mis à part, les malades et morts abandonnés pèsent lourd sur le budget déjà maigre des hôpitaux publics

Les hôpitaux publics de Port-au-Prince croulent sous les malades et morts abandonnés par leurs proches et familles.

La situation s’avère critique à l’hôpital universitaire de la Paix à Delmas 33. Le jeudi 30 mars dernier, six cadavres «non réclamés» ont été constatés dans une chambre réfrigérée de l’établissement. Une vingtaine d’autres corps – des bébés, des nouveau-nées – sont entassés de l’autre côté dans un congélateur en attente d’être transportés et enterrés au cimetière de Port-au-Prince.

Des cadavres abandonnés dans une chambre froide à l’Hôpital la Paix à Delmas 33 | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

«Des malades abandonnés se trouvent à tous les niveaux des services de l’hôpital, mais la pédiatrie reste le service où l’on enregistre beaucoup plus de cas», révèle le directeur général de l’hôpital, le Dr Paul Junior Fontilus, à AyiboPost.

Dans un congélateur de l’hôpital La Paix à Delmas 33, des bébés morts abandonnés en avril 2023 | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

L’hôpital Sanatorium accompagne particulièrement les personnes souffrant de tuberculose. «Il ne se passe pas un mois sans qu’on n’enregistre trois ou quatre malades abandonnés», déclare le directeur général du centre, le Dr Jean Ardouin Louis-Charles.

Sanatorium comptait une dizaine de cas de malades abandonnés à l’hôpital au début du mois d’avril, selon les responsables.

Le même panorama se déroule à l’hôpital de l’université d’État d’Haïti, mais le nouveau directeur, Dr Jude Milcé, ne souhaite pas fournir des données. «C’est dans le service de pédiatrie qu’on enregistrait beaucoup plus de cas», rapporte cependant la Dre Jessy Colimon, ancienne directrice de l’institution.

Drame humain mis à part, les malades et morts abandonnés pèsent lourd sur le budget déjà maigre des hôpitaux publics.

Un bébé abandonné qui n’est pas malade par exemple coûte à l’hôpital en moyenne 1 500 gourdes par jour, d’après le Dr Paul Junior Fontilus, directeur général de l’hôpital. Ce coût grimpe rapidement si l’on se trouve en face d’une pathologie ou s’il s’agit d’un adulte.

La porte d’entrée de la morgue de L’Hôpital La Paix

Un avis mentionnant les frais de morgue de l’Hopital la Paix à Delmas 33 – Avril 2023 | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

Parfois, les malades sont déposés puis abandonnés au sein de l’HUEH. Dans d’autres circonstances, ils sont abandonnés lorsque leur situation dégénère. «Les parents disparaissent de l’hôpital, laissant les malades seuls», continue d’expliquer Dr Paul Junior Fontilus qui dit faire par exemple des chèques de 50 000 gourdes ou 85 000 gourdes pour payer l’enterrement d’une quarantaine de bébés.

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L’hôpital universitaire de la Paix enregistre en moyenne trois ou quatre malades abandonnés par jour. Entre janvier et février 2023, la Paix a enregistré six enfants dans le service de pédiatrie et neuf adultes abandonnés. Trois décès ont été comptabilisés dans le service d’urgence.

Régulièrement, cet hôpital emballe des cadavres pour les enterrer au cimetière de Port-au-Prince.

Ce centre hospitalier enregistre beaucoup plus d’enfants abandonnés que d’adultes. L’infirmière en chef affectée au service de pédiatrie, Malène Herard, remarque généralement un pic neuf mois après l’organisation du carnaval.

Dans ces situations, c’est typiquement l’Institut du Bien-Etre Social et Recherches (IBESR)  qui prend les enfants en charge  pour les placer dans des crèches ou dans  des familles d’accueil.

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«Les enfants considérés comme abandonnés sont ceux qui n’ont pas été réclamés après deux mois d’hospitalisation dans un hôpital », fait savoir Vanel Benjamin, chef service des œuvres sociales au niveau de l’IBESR.

Cependant, l’institution ne prend pas en charge des malades adultes abandonnés. Si l’enfant meurt à l’hôpital, c’est l’administration de l’institution qui prend en charge son enterrement, après l’érection d’un constat légal par un juge de paix.

Les cadavres non réclamés sont généralement transportés au cimetière de Port-au-Prince pour être enterrés dans une fosse commune.

Par Fenel Pélissier

Photo de couverture : L’entrée de l’Hopital la Paix à Delmas 33 | © Jean Feguens Regala/AyiboPost



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Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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