La nature m’a faite jolie et appétissante et moi j’ai construit tout le reste. Toute ma vie, j’ai choisi mes occupations de manière stratégique, dans le but de devenir irrésistible afin de mieux plaire aux hommes : études brillantes, lectures originales, voyages aux quatre coins du monde, danse orientale, danse burlesque, danse du ventre j’en passe…
En fait, d’aussi loin que remontent mes souvenirs, chacun de mes choix n’a été motivé que par un seul objectif: trouver mon âme sœur! Très tôt, j’ai appris à m’adapter à la plupart des comportements. Pas que je change le mien en fonction de celui avec qui j’interagis, mais je cerne très vite les hommes à qui je ne montre que les facettes de ma personnalité qui sauront me mettre en valeur. C’est en répondant à leurs attentes que je les séduis durablement. Il s’agit surtout de leur donner envie de faire un bout de chemin avec moi, pour augmenter mes chances de trouver
La vérité, c’est qu’au fond de moi, j’en ai marre de ne pas pouvoir me passer d’une douce moitié. Parce que je ne sais pas comment être sans hommes. Je suis moi par, pour et à travers leurs yeux. Pourtant je fais partie de celles que l’on qualifie d’indépendantes. J’aurais aimé pouvoir me débarrasser de ces sentiments car ils m’emprisonnent. Je suis à leur merci et souvent ils me jouent des tours. Entre mon désir d’émancipation et mon besoin de conformité, je me sens coincée et prise au piège car ce à quoi j’aspire m’enchaîne. Je sais que ce besoin malsain de plaire et de trouver celui qui me complètera m’enchaîne et, surtout, m’empêche de vivre ma vie comme je l’entends mais, en tant que femme, on m’a appris à être et à me définir à travers mes hommes. On m’a appris que seul
En tout cas, je ne compte plus le nombre de fois que je me suis fait dire que l’on ne se résignerait pas (oui, vous avez bien lu) avec des vieilles filles dans la famille. Je ne sais plus combien de fois j’ai rougi de honte en écoutant mes ainés aborder la question de mariage avec des donzelles fraîchement arrivées sur le marché qui, accrochées aux bras de leurs copains apeurés, étaient encore sous l’effet de la magie de Disney. Aujourd’hui, j’anticipe systématiquement les « Alors? » curieux qui accompagnent les « Bonjour » chaque lendemain de sortie comme si ces dernières n’étaient que prétextes pour se mettre en vitrine dans l’espoir de trouver son double. J’ai appris à ne plus être choquée quand on me rappelle gentiment — et assez peu subtilement — qu’il est temps pour moi de penser à mon avenir (ici, il faut plutôt lire à me mettre en couple, probablement en prévision d’une union qui devrait, si l’on se fie aux conventions, avoir lieu dans les prochains mois… Et ce, même si personne ne sait encore qui je retrouverai à l’autel).
Aujourd’hui, j’ai 20 ans et j’ai la vie devant moi… Mais on me parle déjà de « finir vieille fille » comme si une vie de célibataire était un pénible et regrettable châtiment. Vous me direz que ces commentaires sont lancés à la blague et que je suis trop extrémiste? Libre à vous de les
Dès le berceau, on nous façonne pour que nous nous croyions incomplètes sans nos hommes. Parce qu’au 21e siècle, le mythe d’Aristophane est (malheureusement) encore bel et bien vivant. Notre vision de l’amour et, par conséquent celle du bonheur, tourne autour de l’idée de retrouver notre moitié afin que finalement nous puissions retrouver notre unité et notre intégrité. Nous sommes conditionnées pour aspirer à une vie de conte de fées dans laquelle la belle et son prince charmant « vivent heureux et ont [trois beaux] enfants », modernité oblige. Il est vrai qu’on nous parle parfois d’indépendance, d’émancipation et d’affranchissement mais ces discours sont trop souvent teintés de la croyance selon laquelle on n’atteint le bonheur qu’en trouvant son âme sœur. L’idée, c’est de la trouver pour se retrouver
C’est bien beau de voir la vie en rose et de planer sur de jolis nuages mais c’est encore mieux de se rappeler qu’à minuit le sort sera rompu et que la magie disparaîtra. Et, avant que ces 12 coups ne sonnent, on aurait intérêt à avoir compris que dans la vraie vie, l’amour n’est pas un conte de fées et que, comme n’importe quelle autre relation, ça se construit et se travaille. Il faudra aussi avoir appris à recevoir l’amour de l’autre sans en devenir dépendante, à être ensemble sans s’étouffer, à être autosuffisantes sans devenir nombriliste ou égoïste, à se donner entièrement sans jamais s’oublier.
Trop souvent, cette quête obsessionnelle de fusion parfaite devient un poids qui nous garrotte et nous empêche de nous accomplir
En 2014, on ne sait pas être sans l’autre : tout le monde court après sa douce moitié, pour une nuit, pour la vie et à force de lui courir après, on en vient à s’oublier
À priori, je n’ai rien contre le principe de s’accomplir dans et par une relation et en théorie je ne condamne pas l’amour, les relations qui en découlent ou la vie de famille. Mais tout ça devient problématique quand on dédie toute son existence à la poursuite d’une âme sœur potentiellement mythique, quand on se perd dans cette quête de relation parfaite, quand l’amour devient co‑dépendance, quand on
Comments