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Voilà pourquoi il fait si chaud en Haïti

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La quasi-totalité de la planète fait l’expérience de températures plus élevées que la moyenne depuis quelque temps. Cette tendance n’est pas nouvelle, mais elle bat des records au cours de l’année 2019. En plus du réchauffement global qui est une cause directe de tant de chaleur, d’autres facteurs plus ou moins importants ont un effet délétère sur la température, surtout en Haïti

Les thermomètres s’affolent autour du monde, depuis quelques années. Les températures ne cessent d’augmenter. C’est un constat : il fait de plus en plus chaud. Le mois de juillet 2019 a même été désigné « le plus chaud de tous les temps », du moins depuis que les températures mondiales ont commencé à être enregistrées.

Des vagues de chaleur inédites ont frappé çà et là, dans diverses parties du monde. Ainsi la France a par exemple connu des températures extrêmes, en juillet, dans des villes comme Paris, ou encore Montpellier. Ce pays connait souvent des épisodes de canicule, de chaleur intense, qui a déjà causé des morts en grand nombre dans le passé. Par exemple en 2003, 15 000 cas de décès en France ont été attribués à la chaleur.

Haïti, pays au climat tropical, n’est pas épargné. Depuis plusieurs mois, le pays connaît une forte chaleur. Port-au-Prince et Cap-Haïtien, deux des principales villes du pays affichent des températures moyennes élevées. Pendant les mois de juillet et d’août, par exemple, le thermomètre n’est presque jamais descendu en dessous de 32 degrés Celsius, au cours de la journée, et 23 degrés Celsius en soirée. Ces températures élevées ne sont pas près de disparaître, selon Marcelin Esterlin, coordonnateur de l’Unité hydrométéorologique d’Haïti (UHM). Il faudra attendre le mois de novembre.

Si le réchauffement climatique peut être pointé du doigt, il est loin d’être le plus grand responsable des hautes températures que l’on connaît dans le pays, d’après les spécialistes.

Les îlots de chaleur urbains

En général, il fait plus chaud dans les villes qu’à la campagne, surtout la nuit. Les différences de températures peuvent aller jusqu’à 9 ou 10 degrés avec les aires rurales. C’est l’effet îlot de chaleur urbain. De grandes agglomérations comme Port-au-Prince sont presque intégralement construites en béton.

D’après Rudolph R. Victor (Rudy Météo), météorologue, c’est la principale cause des élévations de température, dans la capitale du moins. « Le béton absorbe la chaleur pendant la journée, dit-il, et la rejette la nuit. Plus il y a de béton, moins il y a d’espaces verts, plus la chaleur prend du temps à évacuer. Comme ce temps est long, le soleil se lève avant même que l’évacuation soit complète. Cela a pour conséquence d’augmenter la chaleur pendant la journée. Surtout s’il n’y a pas eu beaucoup de pluie. »

Ce constat est partagé par Marcelin Esterlin. « Les matériaux utilisés dans nos constructions sont coupables. De plus, le bitume, les pierres, les climatiseurs sont autant d’agents qui rejettent de la chaleur dans l’air ambiant. Dans une ville comme Port-au-Prince, il y a certaines zones qui ne permettent pas à l’air de circuler librement, à cause de la promiscuité et le manque d’espace entre les maisons. »

Rose-May Guignard est urbaniste au Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT). Selon elle, ces constats sont légitimes, mais il y a d’autres facteurs à prendre en compte, surtout la manière de construire. « On n’oriente plus les maisons de façon à jouir de la brise, explique-t-elle. Et nous ne construisons plus de galeries, alors qu’elles permettaient d’isoler les murs principaux des rayons directs du soleil. Les bidonvilles surtout sont dans une situation compliquée ; les maisons sont basses, en béton, et ont des fenêtres trop petites. »

Plus d’arbres, moins de chaleur

« Des études récentes montrent que planter des arbres en ville diminue la chaleur, dit Rose-May Guignard. » Depuis longtemps, c’est le contraire qui a été fait : abattre des arbres pour construire des routes et des maisons.

Selon Marcelin Esterlin, le déboisement est une cause majeure de tant de chaleur. Les arbres, quand ils sont là, nous protègent de l’ensoleillement direct, dit-il. Mais quand ils disparaissent, le béton de nos maisons reçoit le soleil de plein fouet. « Dans les années 1980, il ne faisait pas aussi chaud, parce qu’on avait une meilleure couverture végétale. »

« Je me souviens que quand j’étais enfant, poursuit-il, les matins on enfilait des vêtements chauds ou on se mettait devant un feu pour se réchauffer. C’était au Plateau central. C’est pour cela que je crois que le déboisement et notre manière de construire sont les deux principales causes de la chaleur. »

Beaucoup de villes au monde commencent à planter des arbres pour lutter contre la canicule. Les températures, en dessous et aux alentours des arbres, diminuent de 2 à 4 degrés Celsius.

Cela est possible grâce à un phénomène appelé évapotranspiration, dû à la transpiration des plantes. Au contact de l’air chaud, l’eau de transpiration des plantes, concentrée dans les feuilles, s’évapore et fait diminuer ainsi la température de quelques degrés.

Brises et courants marins, tous coupables

Pendant le mois de juillet, un autre élément a joué sur l’augmentation des températures dans le pays. De l’avis de Rudolph R. Victor, il s’agit du phénomène El Niño, encore appelé enfant Jésus qui survient environ tous les deux à sept ans. C’est un courant marin chaud, qui prend naissance près des côtes de l’Indonésie et au nord de l’Australie.

Dans certaines conditions particulières, toute cette eau chaude accumulée vient s’étaler près des côtes d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale. Par évaporation, cette eau chaude se mélange à l’air. Mais au lieu de provoquer de la pluie, elle provoque plus de chaleur parce que l’air devient plus sec. « Même s’il est faible, El Niño est encore là, dit le météorologue. Il est plus fort en décembre d’où son nom, mais ses traces restent. Il rend la température encore plus élevée. »

Selon Marcelin Esterlin, il y a aussi la brise d’est qui souffle sur Port-au-Prince. Pour abaisser la température, le vent doit transporter des particules d’eau, ce qui humidifie l’air. Mais à l’est de la capitale, à part l’étang Saumâtre, il n’y a pas beaucoup de courant d’eau. La brise est donc sèche et ne transporte pas ou presque pas d’eau. Lorsque le vent d’est arrive, comme l’air n’est pas humide, il fait plus chaud.

Entre 1 degré de plus ou 1 degré de moins, il y a beaucoup de différences. Même la plus légère élévation de température peut avoir des répercussions catastrophiques pour l’environnement ou le corps. La Pan American Health organization (PAHO) conseille d’éviter une exposition directe au soleil entre 11 heures et 4 heures PM, et de boire de l’eau toutes les deux heures.

Journaliste. Éditeur à AyiboPost. Juste un humain qui questionne ses origines, sa place, sa route et sa destination. Surtout sa destination.

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