Depuis la semaine dernière, par des posts sur Twitter et sur Facebook, des citoyens demandent que la justice se saisisse du dossier de PetroCaribe (voir l’article Ayibopost « PetroCaribe pour les nuls »pour bien comprendre le sujet). En témoigne la popularité des mots-clés #PetroCaribe #PetroCaribeChallenge et #KotKobPetroCaribea sur ces réseaux. Au 22 août 2018, 13h15 : 267 898 omptes sont touchés sur Twitter avec le mot-clé #PetroCaribe (pour 643 702 impressions), 260 744 comptes touchés par le mot-clé #KotKobPetroCaribea (pour 560 152 impressions), et près de 168 882 comptes touchés par le #PetroCaribeChallenge ( pour 989 373 impressions). C’est-à-dire pour le #PetroCaribeChallenge seul, 168 882 comptes individuels ont vu passer le mot clé ou l’ont twitté; en y ajoutant leurs nombres d’abonnés, 989 373 comptes peuvent l’avoir vu à cause des retweets et de nouvelles apparitions sur les murs des abonnés. C’est donc une vraie campagne qui prend forme.
D’abord, il faut se rappeler que le 16 février dernier, le président Jovenel Moïse a publié dans le journal officiel Le Moniteur, la résolution du Sénat de la République confiant « le dossier de l’utilisation des fonds PetroCaribe à la Cour supérieure des comptes » (1). L’on peut avoir ses doutes ou ses réticences sur l’acceptation de la résolution et sur la procédure de l’Exécutif, mais n’empêche que le dossier existe bel et bien. À moins d’une nouvelle directive de l’Exécutif, c’est la CSCCA (cliquez ici pour voir les Conseillers de la Cour) qui doit prendre les rênes, mener ses enquêtes et déférer à la justice car la CSCCA n’a pas juridiction sur les ministres. Mais une telle enquête demande de gros moyens, et c’est là que les trois pouvoirs rentrent en jeu, et vous aussi si vous participez dans le #PetroCaribeChallenge. À malin, malin et demi.
#PetroCaribe #PetroCaribeChallenge et #KoteKobPetroCaribe
Loin de mettre du plomb dans l’aile des internautes haïtiens, l’efficacité d’un mouvement avec les mots-clés susmentionnés va reposer non seulement sur une mobilisation des cercles individuels mais aussi, et surtout un appel à responsabilité des trois pouvoirs (Exécutif, Législatif et Judiciaire). C’est-à-dire qu’il faut indexer directement ceux chargés de faire respecter les lois haïtiennes : au lieu de dire que Monsieur X ou Madame Y « demande que lumière soit faite sur PetroCaribe » et veiller les retweets, il faut poster sur les murs des autorités, des ministères appropriés, s’adresser aux trois pouvoirs. Donc au président Jovenel Moïse, au premier ministre nommé Jean Henry Céant, aux présidents des deux chambres le sénateur Joseph Lambert et le député Gary Bodeau, au président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, Jules Cantave ; et au président de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, Arol Elie. À eux s’ajoutent les ministères de la Justice et de l’Intérieur.
Il ne suffit pas d’attendre que la CSCCA se prononce, il faut constamment qu’elle se rappelle que les citoyens veillent. Car même la CSCCA aurait des éléments impliqués dans le dossier de corruption. « Arold Elie, membre de la Cour supérieure des comptes est indexé dans le rapport de Latortue. Comment lui demander de travailler sur un dossier dans lequel il est impliqué?, selon Evallière Beauplan» a rapporté le journaliste Robenson Geffrard dans un article publié dans Le Nouvelliste (1). Arold Elie, ne devrait-il pas alors démissionner puisque son nom est cité dans la résolution?
« This is a celly, that’s a tool » | C’est un téléphone, c’est un outil.
La mobilisation citoyenne classique à l’américaine s’étend à la publication de lettres aux représentants (députés, sénateurs, gouverneurs, maires), aux appels téléphoniques à leurs bureaux. Vous ne voulez pas imiter les Américains en téléphonant? Vous ne voulez pas imprimer des lettres ? Alors, envoyer également des courriels. Bombardez-les-en au risque qu’ils ne se retrouvent pas dans leurs propres échanges, puis mettez comme objet du message #KotKobPetroCaribea. Et tant qu’une déclaration officielle ne soit publiée, n’arrêtez pas. Au fond, qu’est-ce que cela peut bien vous coûter ? Vous avez payé votre forfait Internet et vous payez par vos taxes ces représentants. Il est tout à fait légitime de demander des comptes. Quand Childish Gambino (Donald Glover) dit aux jeunes Américains dans This is America, « This is a celly, that’s a tool », il ne s’adresse pas qu’aux Américains. Le #PetroCaribeChallenge est un exemple de mobilisation réelle que vous pouvez initier avec votre « outil».
Entendons-nous : vous et moi, nous voulons la même chose, vos cercles aussi veulent probablement la même chose. Ce n’est pas à nous qu’il faut dire « Où est passé l’argent de PetroCaribe ? » mais aux autorités. En partageant sur les murs des responsables, nous aussi nous pourrons le voir, et reprendrons la relève jusqu’à ce que fatigués qu’ils ne peuvent pas communiquer leur propre agenda ils fassent une déclaration publique. Tant qu’il n’y a pas de déclaration publique résultant du mouvement, il ne faut pas s’arrêter. Et enfin, s’attendre que tout mouvement virtuel doive se transformer en un mouvement social réel dans l’espace public. Car ce serait trop facile de rester chez soi et bombarder les gens de messages, vous n’êtes pas des « trolls » (des robots).
Yvens Rumbold
Candidat a la maîtrise en communication.
Michigan State University (Michigan, USA)
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