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Une entreprise israélienne fantôme surveille les frontières d’Haïti

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En octobre 2015, l’Etat haïtien engage la firme HLS International LTD pour surveiller les frontières du pays. Cette firme difficile à localiser, est impliquée dans plusieurs scandales internationaux.

 

Le 23 octobre 2015, sous la présidence de Michel Joseph Martelly, le gouvernement haïtien signe un accord avec une firme israélienne dénommée HLS International Ltd (HSLI). C’est le ministre de l’Économie et des Finances de l’époque, Wilson Laleau, et Eva Peled présentée comme la vice-présidente de la firme qui apposent leurs signatures sur le contrat.

Selon les termes de cet accord, HLSI est responsable de la surveillance des frontières maritimes, terrestres et aériennes d’Haïti pendant une période de dix ans. La firme devra aussi former les employés de la douane au maniement des appareils électroniques qui seront utilisés. HLSI, selon le ministre Wilson Laleau, avait à investir environ 49,3 millions de dollars dans l’acquisition d’équipements pour les frontières, et la restructuration de neuf postes douaniers. Des drones et un hélicoptère seront aussi achetés pour les opérations de surveillance.

En février 2016, l’ancien sénateur du Nord-Est, Jean Baptiste Bien-Aimé, dénonce un virement « illégal » de 20 millions de dollars au profit de la HLSI. Wilson Laleau dément. Le ministre explique que c’est une lettre de crédit qui a été octroyée à la firme, et non un virement qui a été effectué. Une lettre de crédit est une promesse de paiement quand toutes les conditions d’un contrat sont satisfaites. Wilson Laleau affirme que le contrat est régulier, approuvé en conseil des ministres et de gouvernement. Selon le ministre, le contrat est aussi visé par la Commission nationale des marchés publics et la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif.

Favoritisme, Panama Papers et Trafic d’armes

Il est difficile de traquer la firme HLSI sur internet. Déjà, des organisations de la société civile haitiano-dominicaine dénonçaient cette opacité. Le nom HLSI, s’il est un sigle, correspond à plusieurs entreprises ou organisations internationales. Aucune d’entre elles n’est spécialisée en technologie de surveillance, sauf la HLSI Security systems and technologies Ltd pour laquelle il n’y a aucun site internet. Cette entreprise a été en 2017 au cœur d’un scandale au Nigeria. Elle avait obtenu un contrat pour la surveillance des frontières maritimes nigérianes. Le contrat a été jugé partisan, à cause des présumés liens entre le gouvernement et la firme HLSI Security systems and technologies ltd, subsidiaire de HSL International Ltd.

L’entreprise HLS international Ltd est liée aux Panama Papers. Dans le registre des entreprises épinglées dans ce scandale, il est indiqué que HLS International Ltd est enregistrée aux Seychelles, un paradis fiscal très connu. Elle est la propriété de cinq autres compagnies, toutes enregistrées aux îles vierges britanniques, autre paradis fiscal.

Avant de s’appeler HLS International Ltd, l’entreprise avec laquelle l’État haïtien s’est engagé s’appelait LRD International Limited. LRD International Ltd est une branche d’une autre entreprise appelée LR Group. LR Group a été formé par trois anciens militaires israéliens, dont Eytan Stibbe. Cette entreprise a vendu des armes et des équipements militaires au gouvernement angolais durant la guerre civile (1975-2002).

Après des années dans ce trafic juteux, LR Group a changé de nom pour devenir Mitrelli Group. Le groupe Mitrelli veut être une entreprise plus diversifiée, évoluant dans des domaines moins polémiques comme l’éducation, l’agriculture, etc.

Eva Peled, le lien qui unit tout

Lors de la signature du contrat, Eva Peled était désignée comme la représentante de HLS International Ltd. Cette ancienne militaire israélienne indique sur son compte LinkedIn qu’elle est vice-présidente de Mitrelli Group. Sur ce même compte LinkedIn, elle liste les entreprises pour lesquelles elle a travaillé. Nulle part, on ne trouve son nom associé à HLS International Ltd, cette entreprise fantôme dont on arrive difficilement à suivre les traces.

Ce n’est pas la première fois que le groupe Mitrelli, dont Eva Peled est une dirigeante, cherche des opportunités sur l’île d’Haïti. En 2012, la vice-présidente de l’entreprise était en République Dominicaine, pour financer un projet de logement pour des victimes affectées par des inondations.

Plus loin d’Haïti, en 2009, Eytan Stibbe, fondateur du LR Group devenu Mitrelli Group, a pris l’engagement de financer à hauteur de 24.8 millions de dollars un projet de la Fondation Clinton, pour l’éducation en Angola. Ces liens avec la fondation de l’ancien président américain Bill Clinton, décriée en Haïti, soulèvent des questions quant au contrat signé par HLS International Ltd et le gouvernement haïtien.

Journaliste. Éditeur à AyiboPost. Juste un humain qui questionne ses origines, sa place, sa route et sa destination. Surtout sa destination.

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