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Une décharge publique accueille les visiteurs de Jacmel

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À l’entrée de Jacmel se trouve un site de décharge publique, près de la rivière de La Gosseline, qui représente un danger pour les habitants de la zone, pour ceux qui utilisent l’eau de la rivière et tous ceux qui empruntent cette voie à longueur de journée.

« Notre santé n’est pas protégée dans cette ville. Les agents de la mairie ramassent les fatras dans les rues et les jettent ici, tout près de la rivière », tel est le cri d’une habitante de la zone.

Photo prise derrière la place Pétion-Bolivar. Les détritrus déversés dans la rivière Gosseline reviennent dans cette zone après la pluie. Photo: Snayder Pierre Louis/Ayibopost

Non loin de la station des minibus faisant le trajet « Jacmel et Port-au-Prince » s’étendent des cultures de banane et de maïs. Pourtant, la mairie de Jacmel a décidé d’en faire un lieu de décharge pour les éboueurs. Toutes sortes de résidus solides y sont déversés : matières en verre, en plastique, en foam, cadavres d’animaux, tissus, déchets alimentaires, métaux, etc. Ce vaste espace reçoit tout.

Âgé d’une trentaine d’années, Junior collecte les déchets pour la mairie de Jacmel. Il demande l’anonymat pour ne pas perdre son emploi. « Nous les déversons actuellement dans un site provisoire près de la rivière de la Gosseline, à l’entrée de la ville, sous l’ordre des responsables de la mairie, en attendant de pouvoir disposer d’un site permanent à Monchil », confirme-t-il.

Clébert Joseph, habitant de la zone, atteste que des camions-poubelles estampés du label “ mairie de Jacmel” assurent la sale besogne. Outre l’odeur nauséabonde qui se dégage aux alentours de cette décharge, la combustion régulière de ces ordures libère de grandes bouffées de fumée nocive. « On organise parfois des combites de nettoyage, mais les gens continuent à jeter leurs ordures en amont », dit-il.

Pourtant, ces détritus sont considérés comme fumier, et l’espace est utilisé comme espace cultivable. « Moi, je cultive des bananiers. Le sol est majoritairement constitué des déchets que les agents de la mairie ont jetés ici. Moi, je les utilise comme engrais », déclare Michelet Scintil, les yeux rivés sur sa plantation.

Détritus déversés près de la rivière Gosseline. Photo : Snayder Pierre Louis / Ayibopost

Nettoyer la ville, un exercice inutile

À chaque pluie, une bonne partie des détritus que la mairie a déposée près de La Gosseline revient dans les rues de la ville, sur les plages, près de la place et du Boulevard Pétion-Bolivard.

La Gosseline est une rivière qui coule dans le département du Sud-Est et l’arrondissement de Jacmel. Elle est un affluent de la rivière de la Cosse qu’elle rejoint au nord de la ville portuaire de Jacmel.

L’ancienne vice-présidente du Bureau électoral départemental (BED) en 2014, Ericarme Joassaint, relate : « Quand la rivière est en crue, elle rapporte à la mer tous les déchets vidés à proximité. À Jacmel comme partout, nettoyer les rues coûte à l’État, mais on travaille sans un plan. On pourrait économiser une partie de cet argent et l’utiliser à d’autres fins, si réellement les autorités géraient la situation en amont ».

Viergela M. François, ancienne maire de la commune en 2006, reconnaît que la situation est préoccupante près de la rivière. Elle affirme que c’est un cycle proprement infernal sur lequel les autorités ferment encore trop souvent les yeux.

Détritus déversés près de la rivière Gosseline. Photo : Snayder Pierre Louis / Ayibopost

Problème de santé

« Les enfants ont toutes sortes de problèmes de santé », confirme une mère de famille d’une quarantaine d’années, occupée à faire la lessive dans La Gosseline.

Stanley Milien, un habitant de la zone, estime que cette décharge est la source de nombreuses maladies dont souffrent les habitants du village, tels la filariose et le paludisme, provoqués par la piqûre d’anophèles provenant des détritus. « Cette décharge favorise un accroissement considérable des moustiques au niveau du village », avance Stanley, qui a en outre lancé un appel aux autorités locales et nationales en vue de prendre des mesures urgentes pouvant éliminer cette situation dite inhumaine.

« Des mouches provenant de la décharge nous embêtent à longueur de journée », déplore pour sa part Martine Pierre. Selon elle, les résidents de la zone vivent dans des conditions déshumanisantes.

Les démarches d’Ayibopost pour interviewer le maire principal de Jacmel, Marky Kessa, son assesseure, Lourdie César, ainsi que le sénateur du sud-est, également habitant de Jacmel, Joseph Lambert n’ont pas abouti.

Snayder Pierre Louis

Photo Couverture: Place Pétion – Bolivar, Jacmel | Source: Long Run Haiti

Journaliste à Ayibopost. Je m'intéresse à la politique et à la culture.

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