La plupart des hommes interrogés dans le cadre de cet article semblent ne pas être conscients que faire boire leur sang aux nouveau-nés peut entraîner des infections mortelles
Lorsque la copine de Wilfrid Sima lui apprend en 1988 qu’elle était enceinte et qu’il en était le père, le jeune homme a instantanément nourri des doutes sur la paternité de l’enfant.
En réalité, la future mère était déjà en couple à Delmas 4 avec quelqu’un d’autre. Raison pour laquelle Wilfrid Sima dit avoir immédiatement pris contact avec un oncle à Saint-Louis du Sud pour savoir comment adresser la situation.
L’homme du Sud fait alors deux recommandations à Sima : il devait se piquer un doigt et donner son sang à boire au nouveau-né, ou envelopper le bébé dans des vêtements imprégnés de sa sueur.
Wilfrid Sima ne voulait laisser aucune place pour l’incertitude : il déclare avoir utilisé les deux méthodes simultanément. «Au bout de deux jours, on m’a appelé pour me dire que l’enfant était mort», révèle-t-il à AyiboPost, lors d’une interview téléphonique.
Il devait se piquer un doigt et donner son sang à boire au nouveau-né, ou envelopper le bébé dans des vêtements imprégnés de sa sueur.
Plusieurs pères haïtiens, aux prises avec le doute, utilisent des méthodes similaires pour infirmer des paternités.
Or, ces techniques ne fonctionnent pas. Seul un test ADN fait en laboratoire permet de rejeter ou d’affirmer avec précision la paternité, selon les spécialistes.
Les méthodes de «grand-mère» mettent inutilement la vie de l’enfant en danger, selon le médecin Lovelyne François. «Ingérer du sang peut être dangereux pour l’enfant», affirme la spécialiste. «Si le sang est contaminé, continue-t-elle, le nouveau-né peut attraper tout type d’infection transmissible par contact sanguin s’il a des lésions au niveau de la bouche».
Plusieurs pères haïtiens, aux prises avec le doute, utilisent des méthodes similaires pour infirmer des paternités.
Depuis juin 2014, les lois haïtiennes permettent à un père de contester la paternité d’un enfant dans le cadre d’une procédure judiciaire. Cependant, cette procédure qui fait usage des tests ADN semble manquer de popularité notamment dans les zones reculées du pays.
Selon le responsable de communication du ministère de la Santé publique et de la population (MSPP), le docteur Jeanty-Fils Exalus, l’État haïtien ne dispose d’aucune structure de santé qui offre le test de paternité.
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Les tests ADN — disponibles dans les institutions privées uniquement à Port-au-Prince et au Cap-Haïtien — demeurent hors de portée pour beaucoup de pères potentiels.
À Medlab, un grand laboratoire de la région métropolitaine, il faut 35 000 gourdes pour un test ADN. Le tarif s’élève à 450 dollars américains à Biomed, une autre structure médicale de la capitale.
À la clinique «La Maternité du Cap-Haïtien», l’analyse coûte 400 dollars américains régulièrement et 500 dollars américains sur requête de la justice.
L’État haïtien ne dispose d’aucune structure de santé qui offre le test de paternité.
35 ans après les faits, Wilfrid Sima, qui vit depuis deux ans au Brésil pense que c’est «la mère qui a tué son propre enfant». Il révèle avoir d’autres progénitures «vivants» sur lesquels il a utilisé ces mêmes méthodes. Il pense que la mort du nouveau-né est «un miracle de Dieu» qui lui a «empêché de répondre à une responsabilité qui n’était pas la sienne».
Ces fausses croyances traversent la société haïtienne.
Dickenson Saint-Paul, 36 ans, ne s’est pas contenté de faire boire son sang à trois de ses six enfants quand sa concubine lui a déclaré qu’il n’en était pas le père lors d’une dispute en 2017, il a aussi essayé une deuxième méthode conseillée, dit-il, par sa grand-mère : mettre sous le dos de la mère une feuille de «musa paradisiaca» (fèy bannan poban) accompagnée d’une prière. Si l’enfant est d’un autre homme, c’est la mère qui mourra, déclare à AyiboPost le natif des Nippes.
La mère et les enfants de Saint-Paul ont survécu à ses méthodes non scientifiques et inefficaces.
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Marié depuis seize ans avec sa femme, Yves Joanel Valentin habite à Saint-Michel du Sud. S’il fait boire son sang à l’ensemble de ses trois enfants avec sa compagne, ce n’est pas parce qu’il a des soupçons. «On ne sait jamais ce qui peut arriver», confie-t-il à AyiboPost.
Christophe Noël est moins prosaïque. Ses six enfants, dont le dernier qui a dix-huit ans actuellement, ont tous subi le test. «Je ne fais confiance à personne, encore moins aux femmes parce qu’elles ont tendance à ne pas respecter leur engagement», déclare le quadragénaire de Bocco dans les Nippes.
Ces méthodes demeurent dangereuses, et n’offrent aucune information utilisable, disent les experts.
Les tests ADN — disponibles dans les institutions privées uniquement à Port-au-Prince et au Cap-Haïtien — demeurent hors de portée pour beaucoup de pères potentiels.
Dans le cas de l’ingestion de la cuticule de l’ongle, l’enfant peut développer une gastro-entérite à l’ingestion des microbes parce qu’il va ingérer les microbes qui séjournent en dessous des ongles, explique docteure Lovelyne François, interniste à l’Hôpital Saint-Boniface de Fond-des-Blancs.
D’ailleurs, «il est possible qu’un enfant n’ait pas le même groupe sanguin que ses parents», rappelle docteure François.
Envelopper l’enfant comporte aussi ses risques. Selon le médecin, si le processus dure assez longtemps, cela peut provoquer des lésions cérébrales irréversibles chez l’enfant due à l’hypoxie, qui est une diminution de l’oxygène dans son organisme.
Le corps du nouveau-né est vulnérable et la croute de l’ongle peut faire obstruction à l’intérieur de l’appendice et provoquer une appendicite, selon le médecin généraliste Mackensy Dornevil.
Dans le cas de l’ingestion de la cuticule de l’ongle, l’enfant peut développer une gastro-entérite à l’ingestion des microbes parce qu’il va ingérer les microbes qui séjournent en dessous des ongles.
La législation haïtienne permet à un père en doute de vérifier la paternité d’un enfant.
Selon l’avocat Caleb Deshommes, cette vérification doit se faire d’après les procédures de la loi du 14 juin 2014. Le test ADN est le seul moyen légal : «Les méthodes archaïques sont illégales», précise l’avocat. «Ces pratiques remettent en cause le droit à la vie. L’État en tant que protecteur des droits humains ne cautionne pas ces pratiques», ajoute le spécialiste.
Administrer une substance à un nouveau-né sachant sciemment qu’il peut en mourir est un assassinat et un infanticide, selon l’article 241, 245, 246 du Code pénal. Toutes ces infractions sont punies de travaux forcés à perpétuité, selon l’article 247 du même code.
Pour aborder ce problème, maitre Deshommes pense qu’il faut entamer une politique de sensibilisation et de formation juridique pour ces pères sur les risques engendrées par ces méthodes sur la vie des bébés. Ils doivent comprendre, selon l’avocat, que ces agissements constituent une violation pénale et peuvent conduire à des condamnations.
Administrer une substance à un nouveau-né sachant sciemment qu’il peut en mourir est un assassinat et un infanticide, selon l’article 241, 245, 246 du Code pénal.
La plupart des hommes interrogés dans le cadre de cet article semblent connaitre les conséquences de leurs actions.
Yves Joanel Valentin ne conteste pas que commettre un acte attentatoire à la vie d’un enfant soit un crime, mais selon lui, seule la mère est responsable. «Si l’enfant est de moi, tout ce que je fais n’aura aucune incidence sur sa vie. La véritable criminelle, ajoute l’homme, c’est la mère.» Et même si l’enfant venait à décéder, poursuit Valentin, «je n’éprouverais aucun regret.»
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Dickenson Saint-Paul porte une opinion moins radicale. Il déclare à AyiboPost qu’il recommencerait s’il avait à le refaire, cependant il aurait été peiné. En cas de décès de l’enfant, il n’aurait pas laissé la mère en vie, dit-il. « Heureusement pour elle, l’enfant a survécu », conclut Saint Paul sur un ton ferme.
Par Tchika Joachim
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