Samedi 14 août 2021, alors qu’un séisme de magnitude 7.2 sur l’échelle de Richter venait de frapper le grand Sud en début de matinée, dans la plaine des Gonaïves, à Lakou Soukri, des vodouisants commémoraient la fête annuelle de ce haut lieu mystique dans la Cité de l’indépendance.
Lakou Soukri, qui est un héritage des captifs dont la plupart sont originaires du Congo, constitue un lieu de rendez-vous annuel entre des adeptes du vodou, des chercheurs en sciences humaines et sociales, des artistes, pour ne citer que ceux-là.
Revenons sur l’histoire de cet espace symbolique qui charrie tout un ensemble de traditions culturelles et historiques.
Carrefour de la résistance
Situé au nord-est de la ville des Gonaïves, à environ deux kilomètres de « Souvnans », Lakou Soukri est classé parmi les trois sanctuaires du vaudou les plus importants dans le département de l’Artibonite. C’est sous l’initiative de Zinzin Figaro (premier serviteur de Soukri) que ce Lakou aurait vu le jour.
Il importe de signaler que cet espace constituait pendant la guerre de l’indépendance un lieu de ralliement sûr pour les insurgés issus de la tribu Congo, bien avant que le premier serviteur s’y installe.
C’est ce qui explique que de nos jours on y vénère les loas Papa Bazou (père des « 101 lanchon » du panthéon vaudou), Zenga (spécialiste en recettes curatives à base de plante), Loufiatou Kanga, Loumba Zaroun etc… qui sont tous originaires du Congo.
Mis à part le rôle qu’il a joué lors du soulèvement des captifs en 1804, Soukri représentait un espace de résistance contre la dictature des Duvalier.
Selon la chercheuse Claire Payton, les adeptes de Soukri organisaient des cérémonies pendant plusieurs mois en vue de précipiter la chute du régime via des procédés mystiques. Donc, il y a lieu de dire que ce sanctuaire du vaudou, étant donné sa contribution dans des luttes populaires que ce soit en 1804 ou en 1986, constitue un patrimoine historique.
Espace familial et culturel
S’étendant sur environ deux carreaux et demi de terre, Lakou Soukri abrite plusieurs dizaines de familles partageant 200 petites maisons autour desquelles s’érigent un péristyle, une salle d’initiation aux rituels du vaudou, la maison de « Papa Bazou » et celle de « Grand Kenge ou Gran Gélika ».
Cette sage-femme, grâce à sa maitrise des plantes médicinales, s’occupait des malades, sans rien exiger en retour. C’est elle qui avait pour tâche d’organiser la fête traditionnelle de Lakou Soukri débutant le 14e jour du mois d’août. Les dépenses liées à l’organisation de ces festivités qui jouent un rôle crucial dans la transmission des traditions, dépendent de la contribution des héritiers du Lakou ainsi que de celle des « pitit fèy » (nom attribué aux initié-e-s venant d’extérieur). Donc, le vivre en commun, l’intérêt collectif constituent la base sur laquelle s’érige le Lakou Soukri Danache.
A côté du 14 août, la date du 6 janvier demeure essentielle pour l’espace. En début d’année, l’on organise des cérémonies en hommage à « Papa Bazou ». Le principal rite qu’on adopte à Soukri pour animer ces soirées est le congo.
Autre aspect important à signaler qui caractérise « Soukri Danache » est le lien qui existe entre les croyances populaires et les questions d’ordre environnemental.
Les arbres de grande taille (particulièrement les mapou) ainsi que les rivières qui se retrouvent à proximité du Lakou servent de résidence aux différents loas. Ce qui oblige les résidents du lakou à les protéger. Car ils servent d’intermédiaire entre les adeptes du vaudou et les esprits. En vrai, les croyances populaires sur les rapports entre les loas et les adhérent-e-s participent à la protection de l’environnement.
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