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Que sait-on de la campagne de nettoyage de Magalie Habitant ?

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Des travailleurs embauchés par Magalie Habitant se plaignent à AyiboPost de non-paiement parfois pendant plusieurs semaines

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La sulfureuse Magalie Habitant parcourt depuis début juillet les rues du bas de la ville dans le cadre d’une campagne publique de nettoyage critiquée par le maire de Port-au-Prince.

Des travailleurs embauchés par l’ancienne directrice du Service National de Gestion des Résidus solides (SNGRS) se plaignent à AyiboPost de non-paiement parfois pendant plusieurs semaines.

Malgré l’emprise des gangs, l’ancienne directrice du SNGRS – condamnée en 2021 pour détournement de fonds et mauvaise gestion – se rend dans des zones contrôlées par les bandits sans dommage apparent.

Magalie Habitant

Magalie Habitant entourée de son staff entre la rue Nicolas et l’avenue Magloire Ambroise. 23 juillet 2024

Contactée par AyiboPost le 23 juillet, Habitant maintient le mystère sur les bras financiers de cette initiative.

Elle revendique des soutiens du « secteur privé » et affirme disposer de six camions pour ramasser les détritus.

Malgré sa réputation sulfureuse et ses incursions médiatisées dans des zones contrôlées par les gangs, Habitant obtient la collaboration d’autorités établies pour sa campagne de nettoyage.

Le maire assesseur de Pétion-Ville, Staco Amazan, révèle à AyiboPost qu’un chargeuse-pelleteuse de la municipalité avait été prêtée à Habitant pour le premier jour de la campagne.

Le conseil présidentiel a annoncé le 20 mai 2024 un programme d’assainissement visant à nettoyer les rues de la zone métropolitaine avec un budget d’un milliard de gourdes.

La municipalité de Pétion-Ville attend une réponse de la Primature après avoir déposé un projet dans le cadre de cette initiative, déclare à AyiboPost le maire Amazan.

Sur cinq camions que possède la mairie de Pétion-Ville, seulement trois sont opérationnels, se plaint le responsable.

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À Port-au-Prince, la mairie affiche son scepticisme face au projet des conseillers-présidents. L’État n’apporte « aucun appui à la mairie de Port-au-Prince » et ce projet « n’a aucun avenir », maintient le magistrat Lucsonne Janvier.

Janvier dénonce l’accompagnement reçu par Magalie Habitant, en lieu et place de la mairie.

« Pourquoi le secteur privé et l’État qui soutiennent ce projet d’assainissement de Magalie Habitant n’accompagnent-ils jamais la mairie de Port-au-Prince ? », s’interroge Janvier.

Le Centre National d’Équipements (CNE) poursuit ses activités et ne collabore pas avec Magalie Habitant, assure à AyiboPost son directeur, Kineton Louis.

« Nous continuerons à travailler dans les zones accessibles en attendant que l’État rende accessibles les autres zones », déclare-t-il.

Lire aussi : Les Kényans disent avoir repris l’hôpital général. Faux, répondent des policiers.

Les travailleurs de la campagne controversée proviennent en grande partie des multiples abris provisoires et camps éparpillés à Port-au-Prince.

Le mardi 23 juillet, deux camions-bascule de plaques d’immatriculation privée et un backhoe-loader sont remarqués sur l’avenue Magloire Ambroise.

Ces équipements sont suivis d’une voiture de location blanche.

Magalie Habitant

La voiture de Magalie Habitant et ses travailleurs à l’avenue Magloire Ambroise. 23 juillet 2024

« C’est la voiture de Magalie Habitant », lance un habitant de la zone sur place.

Les deux camions ramassent des déchets pour les déposer au bas de la ville, dit-il.

Magalie Habitant

L’un des camions ramassant des déchets au bas de la ville de Port-au-Prince.

Charles travaille depuis déjà dix jours dans cette campagne de nettoyage. Bien que le travail soit prévu pour durer quinze jours, il ne sait toujours pas quel sera son salaire.

Père de trois enfants, il vit dans un camp d’abris dans la capitale haïtienne depuis que les bandits de Grand Ravine ont attaqué le quartier de Carrefour-Feuilles. Il compte sur ce travail pour payer la scolarité de ses enfants.

Pelle à la main, le septuagénaire traverse l’avenue Magloire Ambroise pour se rendre à la rue Nicolas, où se trouve un tas d’immondices qu’il doit ramasser.

Il est midi, mais il a l’air épuisé par une journée qui s’annonce très longue. Il affirme travailler depuis ce matin sans avoir mangé. Il ne sait pas non plus quand il sera payé.

Un autre travailleur rencontré sur le chemin, Alexis, partage les mêmes difficultés pour obtenir son salaire.

Il explique avoir déjà travaillé pendant vingt-deux jours sans recevoir de paiement.

Magalie Habitant

Les travailleurs de la campagne de nettoyage de Magalie Habitant rassemblent les détritus à la rue Magloire Ambroise. Photo prise le23 juillet 2024

En juillet 2021, la Cour des comptes et du contentieux administratif avait condamné Habitant et des cadres du Service Métropolitain de Collecte des Residus Solides (SMCRS) à restituer plus de 38 millions de gourdes au Trésor public dans une affaire de détournement de fonds et de mauvaise gestion.

Le 4 février 2022, Magalie Habitant était invitée à comparaître au Parquet de Port-au-Prince en vertu de l’arrêt de débet émis par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif contre sa gestion.

Mais Habitant avait boudé cette invitation.

Depuis lors, il n’y a eu aucun suivi sur le dossier.

Il n’est pas clair si les poursuites contre l’opératrice politique vont se poursuivre et si elle restituera les montants mal dépensés à l’État haïtien.

Par Fenel Pélissier

Image de couverture : Magalie Habitant donnant des indications sur les travaux de nettoyage au bas de la ville de Port-au-Prince | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

Les photos dans l’article sont de Fenel Pélissier


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Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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