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Privilèges et impacts des zones franches en Haïti

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Ganthier, Lafito, CODEVI, Palmier, SISA, Digneron, E-Power, GMC sont entre autres, les différentes zones franches qui existent en Haïti.  Zoom sur leurs fonctions, privilèges et impacts économiques.

Une zone franche est une partie du territoire d’un pays délimité et consacré à la création d’entreprises destinées à l’exportation. Ces établissements sont couverts par un régime fiscal et douanier spécifiques. Autrement dit, ils jouissent d’avantages non offerts aux autres entreprises du même pays.

En Haïti, l’État garantit aux zones franches 15 ans d’exonération d’impôts sur le revenu et la franchise douanière sur l’achat de matériels et d’équipements. Ces entreprises, en contrepartie, contribuent au développement économique du pays en créant des emplois et en le lançant sur le marché international. En général, les activités qui se tiennent dans ces industries ne requièrent pas d’importantes qualifications, puisque l’ouvrier répète la même tâche au quotidien.

Des entorses au cadre légal 

Les zones franches sont instituées par la loi du 9 juillet 2002 et réglementées par l’arrêté d’application du 24 juillet 2012. Pour cela, il est créé une commission interministérielle, le Conseil national des zones franches (CNZF) avec son secrétariat, la Direction des zones franches (DZF). Cette dernière vise à faire respecter les règlements du conseil dans l’établissement et le fonctionnement des zones franches. La Direction des Zones Franches a une mission d’ordre administratif, technique et de contrôle.

Pour établir une zone franche en Haïti, il faut passer par le Conseil national des zones franches. Le CNZF détermine après l’étude des dossiers fournis par le promoteur de la zone franche, s’il convient ou non d’approuver la demande. Si la demande est approuvée, un arrêté présidentiel est pris au conseil des ministres pour l’accréditation de cette zone franche. Cependant, il peut arriver qu’une zone franche ne soit pas opérationnelle même après avoir franchi toutes ces étapes. Le projet Nourribio qui devait être la première zone franche agricole en Haïti est resté lettre morte. Créée sous le mandat de Michel Martelly en 2012, cette zone franche devait créer 3 000 emplois directs et 10 000 emplois indirects à Trou du Nord. Le porteur du projet a été Jovenel Moïse, actuel président de la République.

En Haïti, la première zone franche a pris naissance en 2002. Il s’agit de la Compagnie de développement industriel S.A (CODEVI) située à Ouanaminthe à proximité de la frontière haïtiano-dominicaine. L’actionnaire majoritaire de cette zone a été une compagnie dominicaine, la Caribean Industriel Park. Cette première initiative a violé l’un des principes du CNZF. Pour le respect du plan national d’aménagement du territoire, la loi du 2 août 2002 en son neuvième article prescrit que les zones franches doivent être localisées dans des endroits désertiques. Pourtant, CODEVI a été placée sur un sol fertile.

Beaucoup de privilèges … peu d’impacts

Les zones franches sont des enclaves. L’espace dans lequel elles se trouvent constitue un territoire étranger pour les habitants qui y vivent. Selon le Programme d’ajustement structurel du Fonds Monétaire International, quand un pays est endetté, il doit offrir ses produits à de faibles coûts sur le marché international. Plus l’entreprise offre ses produits à meilleur marché, plus elle sera compétitive, mais cela favorisera la dévaluation de la monnaie nationale.

En Haïti, les bénéfices des entreprises situées dans les zones franches peuvent être dépensés à l’extérieur selon le désir du promoteur (article 22 de la loi portant sur les zones franches). Alors que l’État pourrait au contraire exiger que les entrepreneurs participent à des projets sociaux.

Dans les zones franches, beaucoup d’entreprises ne garantissent pas les conditions décentes de travail à la main d’oeuvre (souvent sous-payée) qu’elles mobilisent. Dans de telles circonstances, les ouvriers sont souvent obligés de se résigner de peur d’être licenciés.

Photo couverture: Rendu du Port Lafito / Challenges News

Laura Louis est journaliste à Ayibopost depuis 2018. Elle a été lauréate du Prix Jeune Journaliste en Haïti en 2019. Elle a remporté l'édition 2021 du Prix Philippe Chaffanjon. Actuellement, Laura Louis est étudiante finissante en Service social à La Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti.

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