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Pourquoi l’embouteillage ne cesse pas à Port-au-Prince

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La plupart des feux de circulation de la capitale ne fonctionne pas. Plus qu’une simple panne, les feux éteints mettent en évidence un secteur délaissé.

 

L’embouteillage fait définitivement partie du lot des Port-au-Princiens. Automobilistes, motocyclistes et passagers endurent le même calvaire tous les après-midi.  De longues files de voitures immobiles ou avançant lentement font peine à voir. Les feux de circulation, utiles pour réguler le trafic et diminuer les bouchons existent mais ils ne fonctionnent pas. Dans de nombreuses intersections, ils sont absents.  Au Carrefour de l’aéroport par exemple, sous le viaduc qui a coûté environ 17 millions de dollars à l’État haïtien, les feux de signalisation ne fonctionnent pas.

Une question d’argent… comme toujours

« Avant l’afflux des ONG dans le pays, explique Alexis Lucson, ingénieur à Axxium, l’Etat était le seul responsable de l’installation et de la maintenance des feux de circulation« .

Axxium, la première entreprise à offrir ce service à l’État haïtien affirme que le dysfonctionnement des feux de signalisation est dû à un manque de maintenance. La plupart des feux de circulation actuels fonctionnent à l’énergie solaire et exigent un entretien régulier. Axxium a abandonné la poursuite de nombreux travaux parce que l’État haïtien a une dette envers l’entreprise, qui jusqu’à date est restée impayée.

Des fournisseurs isolés

Pour résoudre le problème, certaines communes, dont celle de Delmas, ont contracté les services d’autres fournisseurs. C’est le cas d’Energitek, firme qui est responsable, entre autres, des feux de circulation à l’intersection du boulevard Toussaint Louverture et de l’avenue Maïs gâté.

« Nous travaillons à faire fonctionner les feux en réseau, nous a confié un technicien d’Energitek, joint au téléphone. Nous allons bientôt remplacer ceux du carrefour Gérald Bataille. Ils ne fonctionneront pas à l’énergie renouvelable. Nous utiliserons l’électricité produite par l’EdH et le courant que nous produisons nous-mêmes.

Engager plusieurs fournisseurs semble être une solution idéale. Mais c’est une solution apparente parce qu’installer des feux de signalisation ne peut suffire. Il faut un plan global pour moderniser la circulation. Par exemple il n’y a aucun moyen de pénaliser un conducteur qui grille un feu, sauf si des policiers sont sur place. Nous n’avons pas de système de caméras qui permettraient une traque efficace des véhicules qui décident d’enfreindre la loi.

Pourquoi pas des initiatives citoyennes?

En 2003, le Collège Catts Pressoir a conduit une expérience pour la gestion des feux de signalisation. En guise de projet de fin d’année, une expo-science de physique, des élèves du 3è secondaire ont fait fonctionner ceux qui sont placés à l’intersection Lalue/Avenue Martin Luther King.

« Les enfants ont cotisé entre eux, nous dit fièrement Guy Etienne, directeur du collège. Ils ont commandé de nouvelles ampoules moins énergivores, et ont installé des batteries et un inverter à l’école. Ils ont peint des passages piétons, réglé la minuterie automatique des feux, et les ont installés eux-mêmes. Pendant près de 5 ans, ces feux ont fonctionné grâce au collège. »

Les élèves, à l’époque, avaient contacté d’autres entreprises situées dans certains carrefours importants de l’aire métropolitaine. Ils voulaient répliquer leur idée dans d’autres intersections mais ces entreprises ont refusé. L’école a décidé d’abandonner le projet à cause de l’instabilité politique que connaissait le pays en 2004, et des multiples sabotages contre leur réseau de câbles.

Une responsabilité partagée

Le parc automobile haïtien devient de plus en plus ancien. C’est une autre cause des bouchons. Une voiture datant des années 80 dont l’entretien n’est pas régulier est une « panne ambulante ».

Ces automobiles, pour la plupart, sont utilisées pour le transport en commun de personnes et de marchandises. Comme les chauffeurs du transport public ont tendance à enfreindre systématiquement les règles de la circulation, les embouteillages sont inévitables. Les conducteurs, privés ou publics, sont les premiers responsables des bouchons, et aussi ses premières victimes.

Souvent, l’embouteillage est le résultat de chauffeurs qui ignorent les règles de priorité et de courtoisie. Il n’est pas toujours une conséquence de l’absence de feux de circulation.

Des routes principales trop étroites, des routes secondaires en mauvais état, l’absence de panneaux de signalisation et un problème criant d’urbanisme ont également une grande responsabilité dans cette situation. Pour un Port-au-Prince sans embouteillage, la voie n’est pas encore libre.

Journaliste. Éditeur à AyiboPost. Juste un humain qui questionne ses origines, sa place, sa route et sa destination. Surtout sa destination.

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