Le son d’une sirène m’a réveillé de ma torpeur. En ouvrant les yeux, j’ai réalisé que j’étais dans une chambre d’hôpital. J’ai remarqué que le visage de ma mère était baignée de larmes. Mais qu’est ce qui a pu bien m’arriver ? Puis, tout d’un coup, je me suis rappelée. Mon mari m’a encore battue. Et cette
Même dans mes pires cauchemars, je ne me voyais pas vivre une telle relation. Qui aurait cru que ce bel homme dont j’étais follement amoureuse deviendrait mon bourreau ? Il y a dix ans de cela, j’étais étudiante en première année de comptabilité, il était mon professeur de droit. Cet avocat faisait craquer presque toutes les filles avec sa carrure parfaite, son charisme et son beau sourire. Son charme ne m’avait pas épargné… Quelques mois après une relation passionnée, j’étais tombée enceinte de lui. Il a décidé de m’épouser sans contrainte. J’étais aux anges ! Parmi toutes ces filles, c’est moi qu’il a choisie. Dans mon innocence, je croyais avoir remporté le gros lot.
Mais, une fois mariée, mon paradis s’est transformé en enfer. Ses conquêtes féminines ont multiplié. On dit que les hommes mariés et les prêtres sont beaucoup plus attirants ; j’en ai eu la confirmation. En plus de cela, j’ai découvert son extrême jalousie. Notre belle maison était devenue ma prison, et il contrôlait mes moindres faits et gestes. Même mon téléphone et mon ordinateur étaient censurés. Après la naissance de mon premier enfant, j’ai voulu continuer mes études. Il a refusé catégoriquement, sous prétexte que le rôle d’une mère est uniquement auprès de son enfant. Mais en réalité, il ne voulait pas que je côtoie d’autres hommes.
De mon côté, je n’avais pas le droit d’etre jalouse. Chaque fois que je lui parlais de ses maitresses, il s’énervait. En plus, il se mettait en colère pour un rien. Dès qu’il était contrarié, il m’injuriait et me prenait à coups de pied et coups de poing. Notre chambre où était censé régner l’amour s’apparentait plutot à un terrain de guerre où la raison du plus fort était la meilleure. Je retenais mes cris pour ne pas perturber les enfants et le voisinage. Je ne voulais pas que mon fils devienne comme ce despote, ou que mes deux filles grandissent avec cette mauvaise conception du mariage. Je ne disais mot à personne, j’avais trop honte de ma situation, et surtout je voulais continuer à projeter l’image d’une famille parfaite. Mon journal intime était mon seul confident et mes larmes mon réconfort.
Après chaque bastonnade, il m’apportait des fleurs et des bijoux de grande valeur. Les jours de fête, comme la fête des mères, il me couvrait de cadeaux. C’est ainsi qu’il se purifiait de sa culpabilité. Il me redisait combien il m’aimait et que ce n’était pas de sa faute, qu’il n’arrivait pas à se contrôler. Quand je menaçais de le quitter, il me disait qu’il ne pourrait pas vivre sans moi. Et moi, je gobais ses paroles, je pardonnais son machisme, parce qu’en dépit de tout, je l’aimais encore. J’étais accro à lui, telle une drogue dont on connait les effets néfastes, mais dont on veut toujours plus malgré soi…
Plusieurs fois j’ai voulu partir, mais j’avais peur. Peur de lui, peur de la solitude, peur de perdre mes enfants, peur du jugement et de la critique de la société, peur de vivre dans la misère, dans la crasse. Et en compromis, j’acceptais une vie où j’étais bafouée, manipulée et maltraitée. J’ai perdu ma dignité, mon estime. J’ai enterré tous mes rêves.
Ma mère m’a tiré de mes sombres pensées, en prenant ma main dans la sienne. Elle a toujours été ma plus grande force. A mes yeux, elle est à la fois symbole de tendresse et de courage. Elle a plongé son regard dans le mien. Nos doigts entrelacés, nous nous sommes tout dit sans ouvrir la bouche. Dans son regard, j’ai puisé le courage qu’il me fallait pour tourner cette page violente de ma vie. Pour cette fête des mères et les autres à venir, je ne recevrai pas de cadeaux de mon geôlier. Néanmoins, je m’offrirai le plus beau des cadeaux, celui de prendre ma vie et celle de mes enfants en main et de réaliser mes rêves.
Bendarlie
Image: Kathy Kiefer
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