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Photos | Ouanaminthe : tout en ébullition, tous unis pour finaliser le canal

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Les ouvriers se relaient. Ils estiment qu’il est désormais impératif de terminer au plus vite, maintenant que l’ouvrage est devenu un enjeu diplomatique

La reprise des travaux de canalisation sur la Rivière Massacre il y a deux semaines, suite aux protestations publiques des autorités dominicaines, est devenue un motif d’orgueil à Ouanaminthe. Pour rappel, cet ouvrage, qui devrait servir à irriguer des champs dans deux communes, avait été entamé en 2021 sous la présidence de Jovenel Moïse.

Le canal doit irriguer plus de 3000 hectares de terres dans la plaine de Maribaroux, dans le département du Nord-Est. Cette initiative s’inscrit dans un puzzle complexe de défis auxquels les paysans de la localité font face. Selon Milostène Castin, un militant local en première ligne dans cette bataille, la pénurie d’eau pour l’irrigation des terres s’ajoute au manque d’outils agricoles, de semences, d’herbicides, d’insecticides et d’engrais, ainsi qu’à un manque de ressources financières pour valoriser les terres.

De plus, l’insécurité foncière sévit dans la zone. Des bandits liés à certaines autorités politiques et également au niveau de la justice menacent et expulsent arbitrairement les paysans de leurs terres. Castin et des organisations locales parlent de plus de 400 paysans victimes.

D’un autre côté, la Compagnie de Développement Industriel S.A. (CODEVI) qui se trouve dans la zone cherche à s’étendre sur 165 hectares de terres supplémentaires. Entre février et mars 2023, selon Castin, plusieurs dizaines de paysans ont reçu 500 000 gourdes de la compagnie dirigée par le Dominicain Fernando Capellan en échange de leurs terrains.

Plusieurs paysans refusent de coopérer et d’abandonner leurs terres, selon Castin. La plupart de ces paysans se placent en première ligne pour défendre la construction du canal qu’ils ont eux-mêmes initiée. Ils redoutent, selon Castin, que le mouvement local soit récupéré par des politiciens cherchant à redorer leur image politique.

Vue de la Rivière Massacre, avec le Codevi à gauche et une extension de la ville de Ouanaminthe (quartier Village Verrière) à droite. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Déjà en 2021, la république voisine, par l’entremise de sa chancellerie, avait fait valoir ses réserves et ses reproches concernant l’initiative. Le projet avait été mis à l’arrêt bien avant l’assassinat de Jovenel Moïse. Aujourd’hui, des particuliers de la ville de Ouanaminthe décident de le relancer.

Des personnes soutenant le Canal d’irrigation sont venues constater tôt le matin l’état d’avancement des travaux de la veille. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost 

Vue aérienne du Canal d’irrigation de Ouanaminthe en cours de finalisation par des résidents locaux.  | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Sur les rives du canal, de nombreux curieux se sont rassemblés pour soutenir l’initiative ou simplement pour observer. C’est l’attraction du moment. Ils filment, se font prendre en photo. Ils publieront ensuite les photos sur les réseaux sociaux avec des commentaires qui ne manqueront pas d’être acerbes envers leurs voisins dominicains.

Des résidents locaux sur les rives du canal pour assiter aux travaux. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Ouvriers bénévoles au travail dans le creusement du canal d’irrigation en construction, avec le soutien de la population de Ouanaminthe sur les rives. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Malgré les conséquences qu’elle subit de plein fouet depuis une semaine en raison de la fermeture de la frontière, la population de Ouanaminthe est venue en nombre pour soutenir les ouvriers travaillant sur le canal. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Les ouvriers, quant à eux, se relaient. Ils estiment qu’il est désormais impératif de terminer au plus vite, maintenant que l’ouvrage est devenu un enjeu diplomatique. Tous ont en tête la date du jeudi 14 septembre, soit l’expiration de l’ultimatum fixé par le Président dominicain Luis Abinader lors du Conseil National de Sécurité de ce lundi.

Les outils s’alternent au gré de la fatigue. Les instructions quant aux détails sont données par un ingénieur sur place. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Les ouvriers maçons, qui travaillaient principalement sur des chantiers de construction en République dominicaine, ont saisi l’opportunité de venir apporter leur aide à l’initiative du canal d’irrigation de Ouanaminthe après la fermeture de la frontière il y a une semaine. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Ouvriers bénévoles au travail dans le creusement du canal d’irrigation en construction, sous la direction d’un ingénieur sur place. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Les outils utilisés pour achever le Canal sont empruntés à des particuliers ou prêtés par des ouvriers qui travaillent bénévolement sur le chantier. En cas de besoin, les ouvriers improvisent avec ingéniosité. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Personne ne sait trop bien ce qui se passera après l’ultimatum fixé par Luis Abinader, mais pour l’heure, sur les bords du Canal, c’est une veillée permanente dans une ambiance festive.

Des ouvriers bénévoles s’entraident pour acheminer le béton vers le canal d’irrigation. Durant le travail, la discussion et le débat politique ne sont jamais loin. Ça parle de souveraineté d’Haïti sur la Rivière Massacre qui borde ces terres et de l’affront de cet ultimatum de la République Dominicaine. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

La foule ne diminue pas avec la tombée de la nuit. Une infrastructure d’éclairage complète et une économie florissante sont mises en place, permettant ainsi la poursuite du chantier. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Des ouvriers bénévoles s’affairent à préparer le béton. La nuit ne fait pas obstacle au chantier du canal d’irrigation, initié par les résidents de Ouanaminthe. Les bénévoles se relayent avec leurs outils, travaillant sans relâche jusqu’à ce que les matériaux, en particulier le ciment, viennent à manquer. Cette image témoigne de la quête de souveraineté d’Haïti sur la Rivière Massacre, qui longe ces terres, et de l’affront que constitue l’ultimatum de la République Dominicaine. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Vue nocturne de la population de Ouanaminthe, unie autour des travaux près du canal d’irrigation en construction. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Tout le monde semble résolu et déterminé à aller à ce bras de fer, et ceci malgré les conséquences pour la ville dont la fermeture des frontières prise comme mesure de rétorsion par le Conseil National de sécurité dominicain.

Les agents de la Police Nationale Haïtienne (PNH), spécialisés dans la surveillance de la frontière (Polifront), ont tenu à marquer leur présence aux abords du Canal lors d’une brève visite. La population présente a interprété cette visite comme un signe de soutien. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Agents de la Police Nationale Haitienne (PNH), spécialisés dans la surveillance frontalière (Polifront) en réunion non loin du canal d’irrigation. La population présente a interprété leur présence comme un soutien. Leur arrivée a été vivement applaudie. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Les Agents responsables de la surveillance des aires protégées (BSAP) veillent à la sécurité et préviennent que, parfois, l’enthousiasme de la population ne déborde pas vers les limites frontalières haïtiennes qui se trouvent à proximité de la Rivière Massacre. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost

Par Pierre Michel Jean

Widlore Merancourt a participé à ce reportage.

Image de couverture : Ouvriers bénévoles au travail dans le fond du canal d’irrigation en construction et la population de Ouanaminthe venue soutenir sur les côtes. | © Pierre Michel Jean/AyiboPost


Découvrez notre reportage réalisé avec des résidents de Ouanaminthe en 2022 sur l’initiative du canal :


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Pierre Michel Jean est un photographe documentariste et réalisateur haïtien

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