« J’ai eu le temps de prendre deux vêtements, mais je n’avais pas d’argent en ce moment », se désole une commerçante qui habitait à Carrefour Pernier
Depuis une offensive des gangs d’une extraordinaire violence survenue le 30 janvier dernier à Pernier, une localité de Pétion-Ville, plusieurs milliers de personnes fuient la zone, constate AyiboPost.
Le conflit met en scène deux bandes rivales. Fuyant les exactions des hommes armés de Kraze Barye et de 400 Mawozo, la plupart des déplacés internes se réfugient au Lycée Technique Joseph C. Bernard à Frère, puis dans l’enceinte du lycée Jean Marie Vincent de Caradeux.
« Ils ont brûlé puis pillé nos maisons », témoigne à AyiboPost Chrismène Paul depuis un établissement à Frère.
« Nous avons fui sans rien emporter avec nous », poursuit la dame.
Originaire de la localité Galèt Wòch Blanch, Paul avait emménagé à Pernier en novembre 2023 pour cause d’insécurité.
Edwidge Eustache vit une situation similaire. La commerçante habitait à Carrefour Pernier. Elle a dû fuir la zone le même jour.
« J’ai eu le temps de prendre deux vêtements, mais je n’avais pas d’argent en ce moment », se désole-t-elle.
Pour l’instant, cette dame est hébergée chez sa sœur dans la localité de Frère, alors que des dizaines de ses voisins trouvent refuge dans des abris provisoires.
C’est le cas de ce sexagénaire, père de cinq enfants habitant à Pernier depuis environ 40 ans. L’attaque l’a surpris au jardin, dit-il à AyiboPost.
Depuis, il a quitté la zone pour se réfugier dans un établissement à Frère dans des conditions d’hébergement précaires. « Nous ne dormons pas bien ici, car je suis obligé de me recroqueviller pour passer la nuit », se plaint-il.
Cette violence des gangs à Pernier survient par suite d’une attaque de la bande 400 Mawozo dans la zone, spécifiquement à Fatima.
L’attaque a fait des victimes et de nombreux déplacés. Et depuis lors, la localité devient un camp d’affrontement entre les deux groupes rivaux : 400 Mawozo de la Croix-des-Bouquets et Kraze Baryè de Pernier.
En janvier 2023, la bande « Kraze baryè » sous la houlette de Vitelhomme Innocent a détruit le commissariat de Pernier avec des engins lourds.
Contrôlant la route nationale numéro 8, les bandits du groupe 400 Mawozo multiplient les cas de pillage, d’extorsions et de détournement de camions de marchandises.
Les Mawozo s’impliquent également dans la contrebande le long de la frontière entre Haïti et la République Dominicaine pour acquérir des armes à feu et des munitions, peut-on lire dans la résolution 2653 (2022) de l’Organisation des Nations-Unies.
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Pour le défenseur des droits humains, Gédéon Jean, « les gangs entrent dans une logique de conquête de territoire parce que ces endroits peuvent être lucratifs ».
Il n’y a pas que le côté économique, c’est également une lutte de pouvoir en prélude aux nouvelles élections, poursuit Gédéon.
Depuis l’expansion des gangs dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, de plus en plus de personnes sont dépourvues de logements, dans un contexte de hausse des meurtres.
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L’année dernière, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a recensé plus de 8 000 victimes directes de la violence, soit une hausse de 120 % par rapport à 2022.
Selon les évaluations de l’Organisation internationale pour les Migrations, ces attaques survenues à Pernier ont causé le déplacement de 1 398 personnes.
Le CARDH évalue à 800 le nombre de personnes présentes au lycée Joseph C. Bernard de Frère. Le Lycée de Jean Marie Vincent compte près de 400 personnes, selon l’organisation qui estime le nombre de déplacés internes provenant de cette zone à 5 000.
La plupart de ces personnes ayant laissé Pernier sont logées chez des proches dans plus d’une vingtaine d’endroits tels que : Vivy Mitchel, Delmas 105, Jalousie, Meyotte, Morne Hercule, Boutilier, Puits-Blain, etc.
Si les affrontements s’intensifient dans les environs de Pernier entraînant un déplacement massif d’habitants dans des abris aux conditions sanitaires difficiles et précaires, il n’y a toujours pas d’assistance de la part de l’État, selon une organisation de terrain contactée par AyiboPost.
Par Jérôme Wendy Norestyl et Jean Feguens Regala
Image de couverture : Une femme évacuant la zone avec un bébé. Mardi 30 janvier/devant l’Eglise Sainte Claire| © Jean Feguens Regala/AyiboPost
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