Peu connue du grand public, l’Unité hydrométéorologique est la source des prévisions. Elle fait aussi face à d’énormes difficultés
En Haïti, Chrisnette Saint-Georges incarne la météo. Mais derrière son omniprésence dans les médias se cache l’Unité hydrométéorologique (UHM). Cette entité, par le biais de son service de prévision, produit des informations climatiques pour alerter le grand public.
« Ces informations constituent un outil essentiel d’alerte, conçu pour prévenir des dangers, sauver des vies humaines et préserver les moyens de subsistance », souligne Jeantau Louis qui travaille au service de prévision au sein de l’UHM.
Cependant, certains citoyens comme Joël Albert Thélus se montrent sceptiques par rapport aux informations diffusées. « Les [bulletins] ne reflètent pas toujours la réalité atmosphérique et les alertes de pluie annoncées parfois en fin de journée ne sont pas toujours tenues », raconte ce citoyen de la commune de Carrefour.
Ces informations constituent un outil essentiel d’alerte, conçu pour prévenir des dangers, sauver des vies humaines et préserver les moyens de subsistance. – Jeantau Louis
Aux incertitudes climatologiques et météorologiques viennent s’ajouter les incertitudes de nature psychosociologique. Celles-ci expliquent les écarts dans la perception des risques et l’adoption de comportements visant à réduire la vulnérabilité. Certaines personnes vivant dans des endroits à risque sont parfois réticentes aux alertes des autorités lors des intempéries.
Pour sa part, le coordonnateur de l’UHM, l’ingénieur Marcelin Esterlin, défend la fiabilité des informations produites et relayées sur le territoire par cette entité. « Évidemment, ce sont des prévisions. Les conditions atmosphériques peuvent donc subir des changements et variations à tout moment. Mais les informations produites par l’UHM sont viables et proviennent de nos différents services : observation, prévision, eau, climatologie », dit-il.
Comment l’UHM obtient-elle les informations qu’elle relaie ?
L’UHM résulte de la fusion de deux entités de l’État. Il s’agit donc du Centre national de météorologie (CNM) et du Service national des ressources en eau (SNRE). Du coup, l’institution créée en 2015 devient l’entité par excellence de prévisions atmosphériques et aéronautiques. Elle intervient également dans la gestion des eaux de surface et souterraines.
La procédure d’anticipation des prévisions météo et des alertes est longue et minutieuse. Pour produire des informations, le météorologue Jeantau Louis explique qu’il fait des observations et des analyses en altitude comme au sol avant d’aboutir aux pronostiques qui sont à proprement dit les prévisions météorologiques.
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« Les observations décrivent l’état de l’atmosphère, siège des phénomènes météorologiques, et le temps qu’il fait. Cette connaissance permet de comparer le temps d’aujourd’hui à celui d’hier, et de prévoir le temps de demain », précise-t-il.
Plus loin, Louis déclare que les observations se font via les images satellites et les télémétriques installés sur le territoire haïtien dans des stations automatiques ; parfois le service se sert des informations partagées par les riverains. « Ces données permettent d’obtenir, après différents calculs, l’état futur de l’atmosphère comme la température, la pression, l’humidité, le nombre de nuages, la force du vent, la hauteur des vagues », relate le prévisionniste.
Des procédés numériques
Les météorologistes sont aujourd’hui aidés dans leur tâche par les modèles numériques de prévision. Selon Jacquet Jacson, chef de service de la prévision, l’observation météorologique fournit des informations qui sont captées par des serveurs au local de l’UHM.
Les données du serveur sont traitées sur une plateforme numérique dénommée synergie web qui gère et traduit ce volume croissant de données atmosphériques complexes venues de toutes les régions du territoire. Arrivées à cette phase, les informations sont donc analysées et traduites dans le langage formel pour être utiles au grand public.
La détection des cyclones se fait par le service météorologique de Miami.
Dans le bureau qui loge ce service, des écrans sont installés et affichent de manière codée l’état de l’atmosphère. Le traitement de ces informations et la préparation du bulletin météorologique par des prévisionnistes prennent environ deux à trois heures.
Par exemple, la synergie web (ou d’autres modèles numériques utilisés dans ce service) affiche sur la carte géographique du territoire, la vitesse du vent et sa direction, la masse d’air, la hauteur des vagues dans les villes côtières. Cette dernière information est prise en mètres puis convertie en pieds par les prévisionnistes avant la diffusion au grand public.
L’UHM est bien équipée, mais « les appareils disponibles ne peuvent pas identifier et diffuser des informations sur la formation des cyclones, prévient le coordonnateur de la structure, Marcelin Esterlin. La détection des cyclones se fait par le service météorologique de Miami. Ce service se charge donc de détecter les cyclones pour la région de l’Amérique centrale ».
Des informations produites en permanence
Quelles que soient les circonstances et la conjoncture du pays, affirme l’ingénieur Marcelin Esterlin, les services météorologiques de l’UHM fonctionnent. « L’UHM est en contact permanent avec les pilotes pour l’atterrissage et le décollage des avions », affirme le coordonnateur. Une mise à jour des conditions météorologiques se fait toutes les heures par l’UHM pour le compte de l’Office national de l’aviation civile (OFNAC).
Toutefois, le service de climatologie constitue la base des données au sein de cette unité. Les informations météorologiques produites sont toutes archivées et deviennent avec le temps des informations climatologiques. « Certaines institutions comme le ministère des Travaux publics recourent à ces informations pour optimiser la construction des égouts, des dalots, des routes et des ponts en fonction de la gamme des conditions météorologiques existantes », fait savoir Kettely Cantave, technicienne en climatologie.
Ces informations sont donc utiles dans le secteur de la pêche, dans l’agriculture pluviale pratiquée en Haïti et pour des entités comme Food for the poor, qui requiert des bulletins météorologiques spéciaux pour le stockage et la distribution de l’aide alimentaire dans le pays. La Direction de la protection civile (DPC) fait aussi usage de ces informations à des fins de sensibilisation dans la gestion des risques et des désastres.
Des interventions limitées
L’UHM n’a pas de frais alloués à son fonctionnement, faute de budget national depuis 2017. Les besoins de l’institution sont donc adressées par requête à son ministère de tutelle, le ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR).
Comme conséquence, les interventions du service sont extrêmement limitées. Alors que la gestion de l’eau en Haïti revient à l’UHM, elle dispose de données qui datent de 2017 sur certaines parties du territoire. « Les frais obtenus ne permettent pas de réaliser des travaux de terrain », relate l’hydrogéologue Frédo Élie.
Au total, 56 employés fournissent leurs services à l’UHM. Toutefois, une partie du personnel est rémunérée par le MARNDR et l’autre partie est à la charge de l’Office national de l’Aviation civile (OFNAC). « Ceci pose une question de disparité salariale très grave qui est loin d’être résolu », estime le coordonnateur de l’UHM qui dit avoir déjà signalé ce problème aux autorités concernées à plusieurs reprises.
Photo couverture: NYT : Orlando Barría/European Pressphoto Agency
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