ART & LITERATURESOCIÉTÉ

Maurice Sixto : un humoriste en avance sur son temps

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Le 12 mai 2019 marque le 35e anniversaire de la mort de Maurice Sixto. Celui que l’on considère comme le plus célèbre humoriste haïtien a laissé un patrimoine culturel constitué d’environ 60 œuvres. Retour sur la vie de ce personnage historique.

Classées dans la catégorie de « lodyans », ses créations continuent de marquer la vie socio-culturelle haïtienne. La voix tantôt rauque, parfois aiguë de Sixto dépendamment du personnage incarné, anime toujours des retransmissions des matchs de foot, des débats politiques à la radio. « Ba li, boulva ! Mouche sa son lwijanboje » sont extraits de lodyans très présents dans l’espace médiatique haïtien.

Le génie est né

Arrière-petit-fils de Baron de Vastey qui fut lui-même précepteur du Roi Henry Christophe, Maurice Alfredo Sixto est né le 23 mai 1919 aux Gonaïves, soit quatre ans après le début de l’occupation américaine d’Haïti. Il a fait ses études classiques respectivement chez les frères de Cyr Guillo dans sa ville natale et à l’Institution Saint-Louis de Gonzague à Port-au-Prince. Après son baccalauréat, l’auteur de « Léo kokoye » a passé trois mois à l’académie militaire. De 1945 à 1948, il a étudié les sciences juridiques à la Faculté de Droit de l’Université d’Haïti.

Une riche carrière d’enseignant

 Maurice Sixto est reconnu pour ses Lodyans. Par contre, son parcours en tant que journaliste et professeur de littérature, d’histoire et de français est rarement évoqué. L’ancien rédacteur au journal Le Matin a passé environ 32 ans dans l’enseignement, de 1938 à 1970. Pendant qu’il exerçait le métier d’interprète à l’ambassade des États-Unis à Port-au-Prince, Maurice dispensait également des cours dans des établissements scolaires. En 1961, il a laissé le pays sous l’initiative de l’UNESCO pour aller s’établir à Congo Kinshasa. À cette époque, on était en pleine période de décolonisation du continent africain et en Haïti plusieurs intellectuels fuyaient déjà la dictature de François Duvalier. C’est dans ce contexte sociopolitique que Sixto a vécu 9 ans en Afrique à enseigner le latin, l’anglais, l’histoire. En 1970, sa perte de vision due au glaucome a précipité la fin de sa carrière d’enseignant. Par la suite, il allait s’installer aux États-Unis.  Il est mort d’une crise cardiaque suite à des brûlures, le 12 mai 1984 à Philadelphie. L’histoire rapporte qu’il fumait une cigarette quand ses vêtements ont pris feu accidentellement.

Léa kokoye, Tisentaniz : deux œuvres classiques de Maurice Sixto

Les lodyans de Sixto sont regroupés en 8 volumes sous le titre « choses et gens entendus ». Certains ont été publiés après sa mort.

De Tisentaniz à Léa koko, plusieurs thématiques en lien direct avec le réel haïtien ont été traitées. Le premier lodyans met en évidence les conditions de vie inhumaines des enfants placés en domesticité dans des familles d’accueil.  En 2016, on en dénombrait plus de 207 000.

Maurixe Sixto, à travers son chef-d’œuvre Tisentaniz parue à la fin des années 70, avait déjà pointé du doigt ce fléau de la société haïtienne.  Léa kokoye dénonce d’autres problèmes délicats comme la corruption, le clientélisme et les transactions sexuelles pour l’octroi d’un emploi dans l’administration publique. Le personnage principal du récit est une jeune fille diplômée qui doit affronter dans sa quête d’emploi, un ministre de l’éducation nationale, véritable prédateur sexuel. Dans le confort de son bureau, celui-ci s’abreuve d’images pornographiques, en attendant que sa nouvelle proie arrive.

Toutes ces questions restent d’actualité 35 ans après le décès de l’auteur de «Gwo moso ». N’a-t-on pas encore besoin de créateurs de la trempe de Maurice Sixto pour continuer à interroger les travers de notre société ?

Feguenson Hermogène est journaliste et cinéaste. Il a intégré l’équipe d’Ayibopost en décembre 2018. Avant il était journaliste à la radio communautaire 4VPL (Radyo Vwa pèp la, 98.9 FM) de Plaisance du Nord.

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