POLITIQUE

Marchés publics, état d’urgence sanitaire et efficacité des dépenses publiques en Droit haïtien

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Le mythe selon lequel l’état d’urgence a vocation à être une source de gabegie administrative et de corruption en ce qui concerne les marchés publics est à déconstruire. Qu’il s’agisse des marchés à conclure à l’occasion de la crise ou des marchés antérieurs affectés par la crise, la Loi établit diverses sortes de mécanismes permettant de garantir l’efficacité des dépenses publiques

Dans les Etats démocratiques, les politiques publiques définies par le gouvernement sont contrôlées tant dans leur contenu que dans leur mise en œuvre.

Dans le premier cas, ce contrôle se rapporte à l’opportunité de celles-ci et s’exerce par le parlement à travers le vote de censure ou par le vote de confiance. En revanche, le contrôle de la mise en œuvre des politiques publiques, appelée activité administrative, veille à ce que les ressources mises à la disposition du gouvernement à cette fin soient utilisées dans l’intérêt de la collectivité. Ce contrôle est exercé à travers le principe de la légalité administrative qui consiste en l’assujettissement de l’action administrative au Droit. L’action administrative prend juridiquement la forme d’un acte unilatéral ou d’un contrat. A cet égard, le respect de la légalité administrative suppose que les actes unilatéraux et les contrats passés par les autorités administratives doivent être conformes à la Loi, elle-même censée incarner l’expression la plus éloquente de l’intérêt général. Tel est le cadre dans lequel s’inscrit notre propos qui aura particulièrement pour objet l’encadrement juridique du recours aux marchés publics par les autorités administratives en état d’urgence.

Contrat public par détermination de la loi, le marché public est un contrat passé à titre onéreux entre une personne publique ou dans certaines conditions, une personne privée, et un opérateur économique en vue de répondre à ses besoins en matière de services, de travaux et de fournitures. Il fait partie des contrats dits de la commande publique régis notamment par la Loi du 10 juin 2009 fixant les règles générales de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics ainsi que de ses divers arrêtés d’application.

Mobilisant des sommes importantes, le détournement de ces contrats à d’autres fins que l’intérêt général peut engendrer pour la collectivité des pertes énormes notamment sur les plans matériels et financiers. L’intérêt général dans le contexte des marchés publics est notamment traduit par le souci d’efficacité des dépenses publiques défini à l’article 1 de la loi du 10 juin 2009. Dans les circonstances normales de l’Etat de droit, le régime juridique applicable aux marchés publics permet de limiter les risques de dérives par plusieurs mécanismes de contrôle. Cependant, comme dans bon nombre de branches du Droit, l’urgence n’est pas sans effet sur le droit des marchés publics.

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En droit public, l’état dit d’urgence est instauré « dans le cadre de catastrophe naturelle avérée ou imminente qui, en vue de la protection des biens et des personnes, requiert l’adoption de mesures immédiates, exceptionnelles ». Il justifie à ce titre une extension des pouvoirs de l’Exécutif et un amenuisement du contrôle exercé sur les décisions qu’il met en œuvre. De ce fait, en état d’urgence, il est appliqué aux marchés publics un régime exceptionnel qui allège les contraintes normalement imposées aux autorités administratives.

Dès lors, dans un contexte où la méfiance des gouvernés est à son comble, il se pose la question de savoir dans quelle mesure l’état d’urgence sanitaire déclaré en Haïti en 2020, puis renouvelé en 2021 a-t-il juridiquement affecté les mesures promptes à garantir l’efficacité des dépenses publiques en matière de marché public.

A cette problématique, deux types de considérations s’imposent.

Tout d’abord, la question de l’efficacité des dépenses publiques doit se poser au regard des marchés conclus durant la période de l’état d’urgence. Nous verrons que les procédures spéciales prévues à cet effet tendent vers un certain équilibre entre l’efficacité et le contrôle de l’action administrative (I).

Puis, doit aussi être questionné le sort des marchés en cours, notamment ceux dont l’exécution aura été affectée par la crise. Tel sera l’objet de la seconde partie de notre propos (II).

I – La passation des marchés publics en état d’urgence

En état d’urgence, la conclusion de marchés publics peut être une démarche essentielle à la gestion de la crise. L’autorité administrative doit en effet « couvrir des actions immédiates constituant des mesures de sauvegarde pour prévenir ou atténuer les effets de la catastrophe». L’efficacité de l’action administrative suppose ici la mise en œuvre de procédures peu contraignantes (A) qui ne font pas cependant disparaitre les mécanismes de contrôle (B).

A) L’assouplissement de la procédure de passation des marchés publics.

La conclusion des marchés publics a lieu en principe par appel d’offre. Il s’agit d’une procédure qui consiste en la mise en concurrence des offres de différents soumissionnaires et d’attribuer le contrat, sur la base de critères objectifs préétablis au soumissionnaire qui présentera l’offre la « mieux-disante ».  Elle restreint la liberté contractuelle de l’acheteur public quant au choix de son cocontractant, garantissant ainsi pour la collectivité le choix de l’opérateur économique capable d’assurer le meilleur service au meilleur prix.

Eu égard à cet objectif, la mise en œuvre de la procédure d’appel d’offre prend du temps. Elle se déroule en effet en deux grandes étapes séparées entre elles par un délai supérieur ou égal à trente jours pour les appels d’offre nationaux et 45 jours pour les appels d’offre internationaux. La première consiste en la publication d’un avis d’appel à concurrence par l’autorité contractante dans un quotidien national à grand tirage, un journal local ou un journal international. A l’échéance du délai susmentionné, les offres reçues seront analysées par le comité d’ouverture des plis et d’évaluation des offres. Le choix de l’offre la « mieux-disante » aura lieu à la fin des travaux de ce comité. C’est la seconde étape. Concrètement, il faudrait compter au moins deux mois uniquement pour un choix provisoire du cocontractant. En effet, ce choix devra encore être validé par la Commission nationale des marchés publics.  Il faut donc en déduire qu’une telle procédure ne serait pas pratique en situation de crise.

A cet égard, la loi du 15 avril 2010 portant amendement de la loi du 9 septembre 2008 sur l’état d’Urgence reconnait au gouvernement confronté à l’état d’urgence le pouvoir de passer outre la procédure de principe. Il peut en effet passer les contrats qu’il juge nécessaire selon les procédures célères prévues dans la règlementation sur les marchés publics. Nous référant à la règlementation relative aux marchés publics, deux types de procédures célères sont à considérer : la procédure d’urgence et la procédure de gré à gré, décrites respectivement aux articles 48 et 34-1 de la loi du 10 juin 2009.

La procédure dite d’urgence consiste en une simple réduction du délai entre la publication de l’avis et le délai de la réception des offres. Ce délai est alors réduit à quinze jours. Cette première procédure ne peut avoir lieu que dans le cadre des appels d’offre nationaux. Le choix de cette procédure n’est pas réellement pertinent en état d’urgence car substantiellement, elle ne diffère pas de la procédure de principe. Malgré la réduction de délai, il faut compter le temps de la publication de l’avis, de la réception des offres, de l’analyse des offres et du choix provisoire de la Commission d’ouverture des plis.

De ce fait, la procédure de gré à gré est sans aucun doute la procédure célère la plus appropriée dans un contexte d’état d’urgence. Elle a en effet l’avantage de soustraire l’autorité contractante aux obligations de mise en concurrence et de publicité, ce qui permet d’économiser du temps. Sa mise en œuvre est prévue dans les cas « d’urgence dues à des circonstances imprévisibles ou de force majeure ne permettant pas de respecter les délais prévus dans les procédures d’appel d’offre».

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En droit français, cette urgence se distingue de la première en ce qu’elle est dite « impérieuse ». En droit haïtien, elle est liée à l’avènement d’une situation de force majeure ou de circonstances imprévisibles. Il faut préciser qu’il se pose ici une confusion terminologique délicate. En effet, le législateur semble reconnaitre ici deux justifications à la mise en œuvre de la procédure de gré à gré : « l’avènement de circonstances imprévisibles » d’une part et « la force majeure » d’autre part. Les deux expressions ne sont pas en effet synonymes car l’imprévisibilité n’est qu’un des trois éléments de la force majeure. Cette dernière n’est caractérisée que si l’évènement est également extérieur aux parties et surtout, irrésistibles dans ses effets. Cela sous-entendrait-il que l’avènement de circonstances imprévisibles quoique n’étant pas irrésistibles justifierait la mise en œuvre de cette procédure ? A notre sens, il est peu envisageable que ce soit l’interprétation retenue par le juge administratif, d’autant plus que l’article 34.2 interdit la mise en œuvre de l’urgence en cas de négligence ou d’imprévoyance de l’autorité contractante.

Quoiqu’il en soit, les « catastrophes naturelles au sens de l’article 2 la loi sur l’état d’urgence » peuvent constituer des situations de force majeure légitimant la passation de marchés publics sans appel d’offre. Nous pouvons citer à titre d’exemple le contrat signé entre le MSPP et la société étrangère IBT LCC dans le cadre de l’état d’Urgence déclaré par suite de l’ouragan Sandy en novembre 2012. Il importe néanmoins de souligner que contrairement à l’opinion populairement répandue, l’état d’urgence ne devrait pas donner lieu à la conclusion arbitraire de marchés publics par le gouvernement. Il ne fait pas disparaitre les mécanismes de contrôle.

B) La survie de certains mécanismes de contrôle

Si le gouvernement est doté de prérogatives spéciales quant à l’affectation des dépenses publiques en état d’urgence, il n’est pas dispensé pour autant de la reddition de compte. En matière de passation des marchés publics, l’autorité contractante a la prérogative du choix d’un cocontractant sans passer par une procédure d’appel d’offre. Cependant, la conclusion de ce marché fait l’objet de contrôles tant à priori qu’à posteriori.

Le premier contrôle à priori est exercé par la Commission nationale des marchés publics (ou le cas échéant la Commission départementale des marchés publics) à travers le mécanisme de validation de la procédure de passation du marché. La validation est donnée sous forme d’avis dans un délai de dix jours et pouvant aller, suivant la complexité du marché, jusqu’à vingt jours. En cette matière, le silence de l’organe de validation vaut acceptation (Article 62-3 de la Loi du 10 juin 2009 sur la passation des marchés publics). Cette validation confirme non seulement l’opportunité de la conclusion du contrat mais surtout la pertinence du choix du cocontractant et la régularité de la procédure. La loi ne fait aucune distinction particulière en ce qui a trait à l’exigence de la validation : « Tout marché relevant de la compétence de la CNMP qui ne lui a pas été soumis pour validation est nul de plein droit ». Elle est dès lors applicable tant aux marchés assujettis à la procédure de principe qu’aux marchés faisant l’objet d’un régime juridique exceptionnel.

A notre sens, le maintien de cette balise est fondé. Néanmoins, le Législateur aurait dû adapter cette phase de la procédure au contexte de l’état d’urgence, notamment par la réduction du délai au terme duquel l’organe de validation est censé rendre son avis.

Un second contrôle à priori est exercé par les organes d’approbation des marchés publics. Il est toutefois important de souligner que le contrôle exercé par les autorités d’approbation ne porte pas sur la régularité de la procédure. Il répond simplement à des impératifs budgétaires. Ainsi, le marché validé, c’est-a-dire celui dont la procédure de passation aura été déclarée conforme, est dit approuvé lorsque le crédit budgétaire alloué à son exécution est disponible. Dans les circonstances normales, ce contrôle permet de suivre les dépenses mises en œuvre dans le cadre de la conclusion des marchés publics. Cependant, en état d’urgence, le gouvernement est autorisé à désaffecter tous les crédits budgétaires, à l’exception des salaires et des fonds de pension. Il s’agit donc d’un mécanisme de contrôle très peu efficace en état d’urgence, laissant libre cours aux dépenses opaques, incontrôlées et abusives. D’où l’importance du dernier mécanisme de contrôle susceptible d’être mis en œuvre, l’avis de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA).

Depuis le Décret du 9 novembre 2020 fixant les conditions dans lesquelles la CSCCA donne son avis consultatif, le contrôle exercé dans le cadre de la conclusion des marchés publics est principalement a posteriori. Sous réserve des questions ayant trait à son inconstitutionnalité, ce Décret abroge les dispositions de l’Arrêté de 2009 qui établissait l’exigence d’un avis conforme de la CSCCA avant la conclusion du contrat. Aux termes du nouveau texte, si la Cour est consultée sur les projets de marché public, l’autorité administrative n’est pas liée par son avis car seul prévaut en cette matière, l’avis de la CNMP. La CSCCA enregistre les contrats qui lui sont communiqués pour exercer son contrôle ultérieurement au regard des dépenses engendrées par ceux-ci, pour paraphraser les dispositions des articles 3 et 5 du texte. Il s’agit donc d’un contrôle purement financier qui concerne les marchés publics de toutes sortes et qui, nous soulignons, n’a pas pour objet le respect de la procédure de passation.

Au regard de ces considérations, force est de constater qu’en état d’urgence, la passation des marchés publics doit être prompte, sachant que les besoins d’intérêt général auxquels ils répondent se rapportent à la survie même de la collectivité.

Cependant, cet impératif ne justifie pas un usage abusif du dispositif. C’est en tout cas, malgré ses imperfections, la philosophie qui se dégage de la règlementation applicable aux marchés publics dont la toile de fond demeure l’efficacité des dépenses publiques.

Outre les marchés conclus au cours de la période de l’état d’urgence, cette problématique doit aussi être analysée par rapport à l’exécution des marchés antérieurs.

II-L’exécution des marchés publics en état d’urgence.

Les marchés conclus durant la période l’état d’urgence ne sont pas concernés par ce second aspect de la réflexion. En effet, étant conclus en vue de répondre aux besoins créés par la crise, leur exécution doit logiquement être immédiate et spontanée. Cependant, la question est toute autre pour les marchés conclus antérieurement et dont l’exécution aura été affectée par les circonstances ayant donné lieu à l’état d’urgence. Nous interroger sur l’efficacité des dépenses publiques en matière d’exécution des marchés publics dans ce contexte suppose de considérer d’une part la question de la force majeure qui affecte les marchés en cours (A) et d’autre part, de la nécessaire mutabilité de ces derniers (B).

A) L’état d’urgence sanitaire comme cause de force majeure affectant les marchés en cours.

Au début de l’année 2020, en Haïti comme dans plusieurs pays du monde, la qualification de la pandémie en situation de force majeure a suscité de vifs débats parmi les juristes. Les enjeux de cette qualification étaient en effet déterminants à plusieurs égards : relations de travail, relations commerciales, versement de pension alimentaire….

En matière de marché public, la question doit se poser notamment au regard des cocontractants défaillants de l’Administration. Ces contrats ayant été conclus pour répondre à des besoins, des dépenses publiques ayant été engagées, le cocontractant est tenu de respecter ses engagements, sauf cas de force majeure. La solution appropriée au problème de la qualification de la pandémie ne saurait être générale. Il convient plutôt de déterminer au cas par cas la possibilité d’invoquer la force majeure.

Cette notion fait partie de ces emprunts du droit administratif au droit commun des contrats (Voir article 938 du Code Civil). Cependant, le droit administratif en a fournit une meilleure définition, plus précise, mieux élaborée si bien qu’aujourd’hui la formulation de celle-ci est reprise dans beaucoup de contrats privés. Aux termes de la loi du 10 juin 2009, elle s’entend d’un « fait indépendant de la volonté des parties et du fait de l’homme qui rend l’exécution du marché impossible et non d’un fait qui rend cette exécution plus onéreuse, sans être imputable à la faute ou à la négligence des parties ». On en déduit la trilogie des éléments de la force majeure telle que traditionnellement présenté par la doctrine : l’imprévisibilité, l’extériorité et l’irrésistibilité.

En ce qui concerne l’état d’urgence sanitaire, la condition de l’imprévisibilité et de l’extériorité n’étant pas discutable, seuls les marchés dont l’exécution est rendue impossible du fait de la pandémie, devront être affectés par la force majeure. Le critère de l’irrésistibilité sera avant tout apprécié souverainement par les juges du fond. Cependant, la force majeure étant une question de droit, sa qualification peut être contrôlée par la Cour de Cassation.

La force majeure, si elle est caractérisée, est une cause exonératoire de la responsabilité du cocontractant défaillant. Cependant, dans ce cas, le cocontractant doit obtenir de l’autorité administrative une décharge de ses obligations. Ainsi, le cocontractant, dont l’inexécution contractuelle n’aura pas été justifiée par une cause de force majeure, et qui à cet égard n’aura pas obtenu la décharge de ces obligations, pourra faire l’objet des sanctions définies aux articles 81 et suivants de la Loi de 2009. En fonction de la gravité des circonstances, le contrat pourra être suspendu ou résilié.

B) La nécessaire mutabilité des marchés en cours

Dans certains marchés en cours, la force majeure n’est pas caractérisée. Cependant, ils peuvent être affectés autrement par l’état d’urgence qui peut, au nom de l’intérêt général, en justifier la modification, voire la résiliation unilatérale. En effet, le marché public est conclu dans le but de répondre à un besoin d’intérêt général. A cet égard, l’arrêté du 26 octobre 2009 établit la nécessité pour l’autorité administrative de déterminer avant tout appel à concurrence « l’étendue des besoins à satisfaire ». Ainsi, mettant en œuvre des fonds publics, l’opportunité de la passation d’un marché ainsi que ses clauses doivent toujours être fonction de leur intérêt pour la collectivité. En état d’urgence, si un marché antérieur ne correspond plus aux besoins d’intérêt général, il n’a pas plus de raison d’être.

En effet, l’immutabilité des contrats définie par le droit civil n’est pas envisagée avec la même rigueur en droit des contrats publics. Si la Loi prévoit la possibilité pour les deux parties de s’entendre sur les modifications à apporter au marché, cette disposition n’est pas à considérer comme étant d’application générale. L’Administration a le pouvoir de modifier unilatéralement le contrat. Il s’agit d’ailleurs de l’une des prérogatives de puissance publique qui font la particularité des contrats administratifs. A titre d’exemple, au regard des dispositions de l’article 80 de la loi du 10 juin 2009, la passation d’un avenant, c’est-a-dire d’un accord signé par les deux parties entérinant une modification apportée au contrat, n’est obligatoire que pour certaines modifications du contrat. A contrario, les modifications non visées par cet article n’ont pas à faire l’objet d’un avenant.

La loi prévoit également la possibilité pour l’autorité contractante d’ordonner l’ajournement de l’exécution du contrat. Par ailleurs, rappelons que la mutabilité des contrats publics est aussi un corollaire du principe de la mutabilité du service.  Il faut donc en déduire que l’autorité administrative jouit de la prérogative de modifier unilatéralement les marchés en cours et de les adapter aux besoins du moment.

Si le contrat ne peut être adapté, si les dépenses publiques qu’il occasionne ne correspondent pas aux priorités définies au titre de l’intérêt général, le marché peut tout simplement être résilié unilatéralement. Cependant, nous soulignons qu’au regard du principe du droit à l’équilibre financier reconnu au cocontractant, cette modification ou cette résiliation donnera certaines fois lieu au paiement d’une certaine indemnité.  Quoiqu’il en soit, il reviendra à l’autorité administrative de décider dans ce contexte d’état d’urgence quel est le sort approprié au marché en cours.

En définitive, le mythe selon lequel l’état d’urgence a vocation à être une source de gabegie administrative et de corruption en ce qui concerne les marchés publics est à déconstruire. Qu’il s’agisse des marchés à conclure à l’occasion de la crise ou des marchés antérieurs affectés par la crise, la Loi établit diverses sortes de mécanismes permettant de garantir l’efficacité des dépenses publiques. Néanmoins, encore faut-il que chaque institution de contrôle fasse sa part et que les dépositaires de l’autorité administrative agissent véritablement dans le respect de la légalité, ce dans l’intérêt général.

Farahd Krystie Thoby
Avocat, LLM Droit économique

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