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Lyonel Trouillot | Roublardise, irrespect et désinvolture

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L’horreur dans ce pays, ce n’est pas que cette forme sauvage qu’elle prend avec les gangs, la pire et la plus meurtrière. C’est aussi la perte de toute notion de respect des obligations contractuelles. Les administrés et les clients, les partenaires sociaux ne sont rien que des pigeons envers qui les « chefs » et des entrepreneurs malhonnêtes ne se reconnaissent aucune obligation

Un hôpital privé qui charge la nuitée à un tarif exorbitant. La clim ne fonctionne pas. Pire, coupure d’électricité. C’est la nuit, l’infirmière utilise la lampe de poche de son téléphone pour faire une piqûre. Il n’y aura ni excuses ni déduction. C’est comme ça.

Un Ministère qui s’engage auprès d’une association pour tel montant sur tel projet. Le projet est exécuté avec succès par l’association avec l’implication de jeunes qui attendent. C’est mieux de rentrer quelques sous en servant l’intérêt public plutôt que de verser dans le banditisme armé ou la corruption organisée. Le Ministère ne tient pas ses engagements. Désinvolte, le ministre crache sur leurs attentes. C’est comme ça.

Des centaines de personnes engagées par l’État, un Ministère ou une institution autonome. Ils attendent leur salaire ou le paiement de leur contrat. Passent des semaines, des mois, des années parfois. Ils manifestent. Lacrymogènes. C’est comme ça.

Mais le Ministère ne sera pas avare de subventions pour des projets bidon. Cela dépend de qui vient la demande. Comme l’hôpital se vantera d’être au service de la communauté. Comme les organismes qui engagent des contractuels ou des salariés sans savoir comment ils vont les payer ne manquent pas d’argent quand il s’agit de dépenses, primes et privilèges, pour assurer le confort de leurs dirigeants.

Roublardise, irrespect et désinvolture. Voilà comment des entreprises privées, pas toutes heureusement, et surtout l’État, traitent les usagers, consommateurs, contractuels, la population en général.

Jamais, dans l’histoire récente de ce pays, même dans les années dures du duvaliérisme, on a vu tant de mépris des engagements pris de la part des responsables politiques. Engager l’État, le Ministère, l’organisme qu’on dirige n’oblige à rien. Surtout pas à respecter les engagements pris par l’institution. Comment, dans un tel climat, ces responsables politiques pourraient-ils exiger des institutions privées qu’elles tiennent leurs engagements !

C’est la notion même d’engagement qui a disparu. Le seul engagement, c’est de se maintenir ou de s’enrichir. Ne pas perdre son pouvoir. Ne pas diminuer ses avoirs. Le reste : le client, le salarié, le respect des termes du contrat, la loi, les droits, cela ne compte pas.

Roublardise, irrespect et désinvolture. Voilà comment des entreprises privées, pas toutes heureusement, et surtout l’État, traitent les usagers, consommateurs, contractuels, la population en général.

Pour qu’une structure républicaine fonctionne, il faut cependant un minimum de respect de ces choses-là. Et un certain nombre de choses qu’on ne peut pas faire, même si certains s’arrangent pour tricher. Ici, tout peut se faire en toute tranquillité, en toute impunité. Et si des discours revendicatifs viennent troubler cette tranquillité, on a le recours à la corruption ou à la répression.

Inhumain que de voir des citoyens ayant été engagés par un quelconque service public se faire agresser par les forces « de l’ordre » parce qu’ils réclament le paiement de mois d’arriérés. Inhumain de voir des ministres et des administrateurs tourner en bourrique des jeunes qui leur ont fait confiance et ont voulu servir. Inhumain de voir une famille qui se saigne pour sauver un des siens se faire couillonner par une institution dont le devoir est de fournir des soins loin d’être gratuits en plus.

Inhumain que de voir des citoyens ayant été engagés par un quelconque service public se faire agresser par les forces « de l’ordre » parce qu’ils réclament le paiement de mois d’arriérés.

L’horreur dans ce pays, ce n’est pas que cette forme sauvage qu’elle prend avec les gangs, la pire et la plus meurtrière. C’est aussi la perte de toute notion de respect des obligations contractuelles. Les administrés et les clients, les partenaires sociaux ne sont rien que des pigeons envers qui les « chefs » et des entrepreneurs malhonnêtes ne se reconnaissent aucune obligation. C’est la mort de la parole contractuelle au sommet de l’État comme dans la vie économique. Je me suis engagé envers toi à ci ou à ça. Ce n’était que parole. C’est comme ça, et va-t-en voir ailleurs.

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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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