Qu’est-ce donc qu’une rentrée scolaire dans un pays où le seul signe de distinction valorisé par les oligarchies, c’est l’éloignement ?
Qu’est-ce donc qu’une rentrée scolaire quand des écoles ne peuvent fonctionner sur de larges parties du territoire ; quand des politiques fantaisistes, mal pensées et autoritaires ont plongé un système déjà bancal dans la confusion et le marasme ; quand la pauvreté et la misère rendent l’apprentissage quasi impossible pour des milliers d’enfants ; quand la peur rôde et que le bruit des balles vient souvent troubler les lectures et les récitations ; quand il faut apprendre à lire dans le noir en ravalant sa soif parce qu’il n’y a ni électricité ni eau potable ?
Qu’est-ce donc qu’une rentrée scolaire dans un pays où pendant plus d’un siècle les oligarchies et l’État n’ont jamais, de façon élaborée et démocratique, œuvré pour la mise en place d’une école républicaine ?
Qu’est-ce donc qu’une rentrée scolaire dans un pays où le seul signe de distinction valorisé par les oligarchies, c’est l’éloignement ? Installer leurs enfants dans un ailleurs pas forcément plus performant sur le plan académique quand on constate le niveau de pensée et le déficit de phrases complexes, mais plus branché, plus proche du centre du capitalisme triomphant ?
Qu’est-ce donc qu’une rentrée scolaire dans un pays où l’école a servi à produire et reproduire exclusions et aliénations, confortée par des contenus dévalorisant la déshaïtianisation du nombre de « lettrés » ?
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C’est le spectacle affligeant du résultat de toutes ces pratiques, structures et conditions qui n’ont jamais offert à ce peuple le pain en vrai ni le pain d’une instruction digne de ce nom, et susceptible de faire des enfants des citoyens capables de s’aider dans la vie et inscrits dans une relation positive avec leur culture et leur communauté.
C’est aussi le miracle de l’héroïsme d’enseignants, d’élèves qui ont su, à force de dévouement et de sacrifices donner et prendre quelque chose qui les a rendus plus humains, moins féroces. Alors que tout, les conditions d’exercice de leur métier pour les uns, les conditions d’apprentissage pour les autres, oui tout était contre eux.
Au moins cette question de l’éducation à la citoyenneté commence à être posée. Le rapport du citoyen en devenir à sa ou ses langues, sa culture, sa communauté. Même si récemment des apprentis sorciers qu’on peut soupçonner d’avoir eu des intentions cachées en ont fait un prétexte à n’importe quoi.
C’est là, malgré le contexte défavorable, qu’on attend le ministère. Fédérer, rassembler. Ne pas s’installer dans cette routine du pire qui a fait des singes savants et des apprentissages bâclés.
Qu’est-ce qu’une rentrée scolaire dans un pays où les riches et les responsables politiques ont tout fait pendant si longtemps pour que grandissent ici des enfants perdus livrés à toutes les formes d’indigence ?
Par Lyonel Trouillot
Image de couverture : Le Premier ministre Garry Conille a visité le Lycée des Jeunes Filles, à Chemin des Dalles, à Port-au-Prince, le mardi 1er octobre 2024, à l’occasion de la rentrée académique 2024-2025. | © X/PrimatureHT
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