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Lyonel Trouillot | Et la violence annoncée se matérialise

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Cette violence qui nous terrifie et nous tue est un construit. Les riches et l’État ont tout fait pour qu’on en arrive là.

Le comble : une bataille pour représenter les signataires de l’accord dit du 21 décembre qui avait promis des élections pour le 7 février 2024. Une bande qui réunit les politiciens les plus corrompus et les resquilleurs les plus notoires de la chose publique.

Déjà que leur présence suffit à décrédibiliser la mise en place d’un Conseil pour une tentative de sortie de crise, sans honte, sans gêne, ils se battent entre eux. Parmi eux, de prétendus chefs de parti qui ont tout trahi, dit chaque chose et son contraire.

Si on parle de justice transitoire, il faudra bien enquêter sur qui a profité financièrement dans la violation de la loi de son adhésion à la farce macabre du non regretté gouvernement de facto.

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Le comble. Les diplomates et responsables politiques ont changé cette chanson : «ce sont les Haïtiens qui doivent trouver une solution». Il leur a fallu deux ans, quatorze ans si l’on compte les années Michel Joseph Martelly et Jovenel Moïse, pour arriver à cette conclusion. Les Haïtiens ne leur avaient pas dit cela ? Les Haïtiens ne leur avaient-ils pas dit que la folie Ariel Henry était justement une folie qui n’aurait d’autre effet que d’envenimer la situation ?

Ces mêmes diplomates et responsables politiques qui ont appris à dire «une solution haïtienne» s’appliquent pourtant à dire qui doit participer à cette solution haïtienne, comment les futurs responsables devront approuver tel projet ou proposition des «amis étrangers d’Haïti». Une solution haïtienne sous ma dictée. Une ancienne ambassadrice qui avait été une groupie du pouvoir «Tèt kale» va même jusqu’à révéler un intérêt particulier pour un chef de gang.

Le comble. Entre les plaintes légitimes des personnes ayant perdu leurs parents, leurs proches, leurs avoirs, leurs logis et la peur de ceux qui craignent que la violence des gangs vienne les traquer dans leurs antres qu’ils croyaient protégés par leur richesse et la distance sociale, il y a un écart. Les écrivains le disaient. Les chercheurs en sciences humaines le disaient.

Ces mêmes diplomates et responsables politiques qui ont appris à dire «une solution haïtienne» s’appliquent pourtant à dire qui doit participer à cette solution…

Le peuple lui-même le disait : sur le trop-plein d’injustice sociale et son maintien par un État et des pouvoirs servant exclusivement à enrichir ses dirigeants et perpétuer l’exploitation, la domination et l’exclusion, allait éclater une situation de quasi-ingouvernabilité. Discours authentiques de revendications légitimes. Perversion des discours revendicatifs. Spectacle de la richesse et du luxe versus spectacle de la misère inhumaine. Appauvrissement de la paysannerie. Massification des populations des quartiers populaires urbains. Perte ou absence de repères républicains dans tous les groupes sociaux : «je prends ce que je veux pour moi, et le reste je n’en ai rien à faire ».

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Les riches et l’État ont tout fait pour qu’on en arrive là. Cette violence qui nous terrifie et nous tue est un construit. Oser penser cela et le dire, ce n’est pas lui donner son appui, c’est au contraire penser les moyens d’en sortir, qui ne peuvent se résumer en quelque opération militaire ou policière.

II y a dans et autour de ce pays un niveau de sans-gêne à égalité avec la violence.

Par Lyonel Trouillot

Image de couverture éditée par AyiboPost illustrant la violence en cours en Haïti depuis le 29 février 2024. | © Photo : Jean Feguens Regala/AyiboPost


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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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