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Lyonel Trouillot | Choses du temps présent

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Le bavardage national tourne autour des sanctions qui frappent un ancien président. Ceux qui l’avaient élu ou nommé, choyé, protégé, le dénoncent aujourd’hui et l’acculent

Le malheur court si vite qu’ils ont vite oublié ces quarante anonymes morts dans un mélange d’eau et de feu, alors qu’ils tentaient de migrer vers des lieux improbables pour y trouver une vie. La mort est devenue cette triste routine dont parlait le poète, sauf que l’injustice sociale n’offre même pas aux pauvres le luxe d’un cimetière.

Le bavardage national tourne autour des sanctions qui frappent un ancien président. Ceux qui l’avaient élu ou nommé, choyé, protégé, le dénoncent aujourd’hui et l’acculent.

Qui a changé ?

Ni lui, ni eux. Tout ce qu’on veut faire semblant de découvrir aujourd’hui, tous le savaient depuis longtemps.

La corruption des uns, le cynisme des autres. Rien de nouveau sous le soleil. Tu me sers, je te couvre. Tu ne me sers plus, je ne te couvre plus.

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Solino. Les gangs veulent s’installer. La population proteste, manifeste. C’est la seule arme qu’il lui reste contre le laxisme et les armes. Elle perd ses logements, ses maigres revenus. Il ne lui reste que sa voix. Un maigre espoir : se faire entendre.

La police charge à coups de bombes lacrymogènes. Alors que le conseil présidentiel et le gouvernement n’arrivent pas (encore ?) à convaincre qu’ils sont vraiment engagés contre la criminalité. C’est le pire des signes négatifs que les institutions, la police et le pouvoir politique ont donné à la population, cette répression d’une manifestation, plus que légitime.

Le peuple doit-il souffrir sans avoir droit à la colère ? Quel génie pense ce genre de bêtise et comment empêcher la population de penser que le pouvoir est contre elle après de tels actes ! Jovenel Moïse avait fait pareil. Ariel Henry avait fait pareil. Est-ce l’image de la continuité dans la répression contre la population et l’impuissance contre les gangs que le pouvoir actuel veut donner ?

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Conseil électoral en perpétuelle gestation, désignations et contestations… Des dignitaires de la débâcle Ariel qui osent réclamer des postes… Des responsables politiques qui s’affairent, d’autres qui semblent souffrir d’endormissement… Sur le plan social, l’enfoncement des uns dans la défense de leur privilège, les autres qui essaient de survivre, d’autres encore qui essaient par tous les moyens de se procurer quelque privilège. Jamais, dans ce pays, on a autant eu peur de l’autre. Jamais on n’a été aussi loin d’un « nous ».

A Port-au-Prince et sans doute dans d’autres villes, nous ne sommes plus que les lieux où nous n’allons pas, les choses que nous ne faisons pas, les personnes que nous ne fréquentons pas, parce qu’à perdre la nôtre dans les interdits et la méfiance, nous ne pouvons pas supposer une humanité aux autres.

Resterait l’art. Non pour nous éloigner de nos obligations citoyennes, mais pour leur donner une expression qui en atteste et les déborde. Mais là encore, les routes sont barrées, les écarts trop grands, les vilains réflexes trop puissants.

Le paysage haïtien aujourd’hui, un pays qui risque de perdre son chemin et son chant.

Par Lyonel Trouillot

Image de couverture éditée par AyiboPost.


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Poète, romancier, critique littéraire et scénariste, Lyonel Trouillot a étudié le droit.

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