À vingt minutes de la ville des Cayes, cette petite ville grandit à une vitesse vertigineuse. Mais l’extraction agressive du sable de ses plages représente pour elle une menace environnementale
Pelles en main, les ouvriers creusent et érigent sur la plage des piles de sable imbibé d’eau de mer en ce vendredi étouffant du mois de mars.
Chaque jour de la semaine, ils fournissent, contre paiement, la matière première pour la confection de blocs de construction dans la localité balnéaire de Torbeck.

Piles de sable sur la plage de Granbouchi, le 10 mars 2025. Photo : Jabin Phontus pour AyiboPost
À vingt minutes de la ville des Cayes, cette petite ville grandit à une vitesse vertigineuse. Mais l’extraction agressive du sable de ses plages représente pour elle une menace environnementale.
Cette extraction peut provoquer l’érosion du littoral, affecter les mangroves et les récifs coralliens – des écosystèmes qui jouent un rôle important dans la stabilisation du littoral et la pêche vivrière.
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« Cette activité peut également détruire la biodiversité de l’écosystème marin tout en entraînant la salinisation des terres agricoles proches du littoral », explique à AyiboPost l’agronome Emmanuel Sildor, spécialiste en environnement.
La plage Granbouchi de Torbeck, l’un des espaces les plus prisés du département autrefois, a disparu.
Un entrepreneur de la localité révèle avoir abandonné la construction d’un restaurant aux abords du rivage, « à cause de la dégradation de la plage due à l’exploitation du sable », témoigne Joseph Jean Renard à AyiboPost.
Mais rien ne semble pouvoir arrêter l’exploitation du sable de mer.
Même le juge de paix de la zone, Emmanuel Vanté, entre dans ce business lucratif avec son entreprise de fabrication de blocs.
Cette activité peut également détruire la biodiversité de l’écosystème marin tout en entraînant la salinisation des terres agricoles proches du littoral, explique l’agronome Emmanuel Sildor
L’existence de cette entreprise semble violer l’article 179 de la Constitution, selon lequel les fonctions de juge sont incompatibles avec toutes autres fonctions salariées, sauf celle de l’enseignement.
Contacté par AyiboPost, le juge Vanté confirme posséder l’entreprise. Il révèle payer 7 500 gourdes par camion de sable, dont l’origine lui est inconnue.
« Tant qu’ils vendront [du sable], j’en achèterai », soutient le magistrat, rejetant la responsabilité du contrôle de l’exploitation sur les autorités de l’administration communale.
Certaines autorités locales refusent d’aborder ce problème pour des raisons politiques, selon une source au sein de l’administration environnementale. L’atelier de fabrication de bloc du magistrat profite de cette inaction, poursuit la source.
Le sable marin produit un bloc de mauvaise qualité, contrairement aux granulats retrouvés dans le lit des rivières, selon les professionnels de la construction. À cause des algues, des coquillages et du sel, « ces blocs ne sont pas résistants et se dégradent facilement », explique l’ingénieur Gedena Pierre Mussard, professeur de matériaux de construction à l’université.
Les exploitations à Torbeck s’apparentent à une violation du décret-cadre sur l’environnement de 2006. Selon ce texte juridique, l’exploration et l’exploitation des ressources minérales sont soumises à l’obtention d’une concession émise par le Bureau des Mines et de l’Énergie. Ce décret prévoit la création d’une institution dénommée Conservatoire du Littoral. Près de deux décennies après, celle-ci n’existe toujours pas.
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Conscientes du problème, les autorités locales à Torbeck agissent mais sans grande efficacité.
Le 20 novembre 2024, la Direction départementale Sud du ministère de l’Environnement et des agents de police ont confisqué un camion et interpellé trois individus impliqués dans l’extraction de sable lors d’une opération menée à Boury, première section de la commune de Torbeck.

Extraction de sable en cours sur le littoral, le 10 mars 2025. Photo : Jabin Phontus pour AyiboPost
Mais l’argent manque pour ces initiatives. Le directeur départemental Sud du ministère de l’Environnement, Jean Marc Chérizier, révèle à AyiboPost utiliser ses fonds personnels pour mener les opérations.
« La dernière fois que j’ai mené une opération conjointe avec la justice [pour la protection de l’environnement], cela m’a coûté 45 000 gourdes. La Direction départementale n’a pas de budget alloué pour ces choses », selon le responsable.

Dégradation liée à l’activité d’extraction de sable, le 10 mars 2025. Photo : Jabin Phontus pour AyiboPost
Après avoir été contactée par AyiboPost, la mairesse de Torbeck, Guidyle Joseph, annonce la publication prochaine d’un décret communal pour « formellement » interdire les exploitations de sable sur le littoral.
Par Jabin Phontus
Couverture | Vue d’un tracteur sur une plage littorale, sous un ciel dégagé et face à la mer, en train de briser des rochers. Photo : Freepik
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