Des joueurs de la Sélection nationale de football n’ont pas perçu leurs primes pour la Gold Cup de 2019. Pourtant la Fédération haïtienne de Football avait reçu l’argent
Il s’agissait d’un conte de fées. Du 16 juin au 8 juillet 2019, les 23 joueurs de la sélection nationale de football ont défié les pronostics pour se hisser en troisième position à la Gold Gup, écrasant sur leur passage le Costa Rica — balayé deux buts à un — et le Canada qui a encaissé trois buts à deux.
C’est le sifflet de l’arbitre qatari Abdularahman Al Jassim qui, en accordant un penalty très controversé, a permis à l’équipe mexicaine de casser l’élan des Haïtiens et d’empêcher Haïti de jouer la finale tant convoitée face aux États-Unis.
Deux ans après cet exploit, des Grenadiers se plaignent de ne toujours pas avoir reçu leurs primes de participation à la compétition. Au sein de la Fédération haïtienne de Football, alors dirigée par Yves Jean-Bart, un document comptable obtenu par AyiboPost atteste le paiement de la moitié des primes aux joueurs. Cinq de ces professionnels contactés nient avoir reçu de l’argent pour la Gold Cup.
Des plaintes formelles
Aujourd’hui, les joueurs de la sélection dirigent leurs complaintes vers le Comité de normalisation placé par la FIFA à la tête de la FHF, après le scandale d’abus sexuel sur mineurs dans lequel sont épinglés depuis 2020 divers anciens et actuels cadres de l’institution (parmi eux Yves Jean-Bart).
Un des membres du Comité confirme à AyiboPost avoir effectivement été contacté par des joueurs sur ce dossier. La structure qui a commencé à travailler depuis le 18 février dernier a passé des mois sans être au courant des tenants et aboutissants de ce scandale.
Selon le membre du comité s’exprimant de façon anonyme, à cause de la sensibilité du sujet, les responsables de la fédération refusent de dresser et de soumettre un état des lieux au nouveau Comité comme cela avait été réclamé depuis le 18 février 2021.
Pour le Comité dirigé par Jacques Letang, la lenteur de l’administration de la FHF à produire l’état des lieux, n’est autre qu’une stratégie visant à détruire des preuves des malversations du passé.
« Entre joueurs, on se plaint de ce traitement. À chaque fois que l’on consulte l’état de nos comptes, on n’y trouve rien », confie à AyiboPost une des stars de l’équipe, sous couvert d’anonymat.
L’un des joueurs qui chérissait le rêve de pouvoir utiliser les primes de cette compétition pour faire un don à l’hôpital public de sa commune natale se resigne aujourd’hui. « Pour te dire vrai, si c’était une affaire d’argent, nous n’aurons jamais accepté de jouer pour la sélection nationale. Pour nous, l’impératif est de faire la fierté du pays ».
Et de continuer : « Peut-être que la FHF a utilisé l’argent reçu de la CONCACAF pour réaliser autre chose ».
L’argent était disponible
L’argent des joueurs était pourtant disponible. La FHF a reçu 200 000 dollars américains de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF) pour la performance d’Haïti à la Gold Cup.
Selon une note adressée, le 9 mai 2019 par la CONCACAF, aux secrétaires généraux des organisations participantes, 30 jours avant la compétition, les fédérations ont reçu 100 000 dollars et le reste devait être octroyé dans une période ne dépassant pas 60 jours après le dernier match de l’équipe.
Outre ces 200 000 dollars américains, l’État haïtien avait versé un montant important à l’équipe nationale.
Après l’élimination de la sélection, l’ancien président de la FHF, Yves Jean Bart, confiait au Nouvelliste l’allocation d’une somme « substantielle » par l’État haïtien pour résoudre « les délicats problèmes de per diem, de primes de victoires ». Le président n’avait alors pas révélé le montant en question.
De plus, la FIFA, dans le cadre de son programme FIFA – Forward 2.0 qui s’étend de 2019 à 2022 a ajouté un million de dollars américains au montant alloué aux associations membres en plus des six millions qu’elle versait annuellement à celles qui sont incapables de générer quatre millions de dollars par an. C’est ce qu’on lit dans le circulaire no 1659 paru le 10 janvier 2019.
Une résistance tenace
Le manque de coopération des anciens dirigeants de la FHF rend difficile le travail du comité de normalisation. Cette résistance est interprétée comme une « rétorsion d’informations ». En appui avec la FIFA, le Comité a pris la décision de réaliser l’état des lieux.
Des séances des d’entrevues sont déjà réalisées avec des responsables de chaque département. Le comité envisage également d’engager une firme extérieure pour auditer la FHF.
Le secrétaire général de la FHF, Carlo Marcelin, n’a pas répondu aux appels ni donné suite aux demandes d’interviews d’AyiboPost.
Des sommes importantes
La liste des dettes s’avère importante. Selon le document obtenu par AyiboPost, la FHF doit 3 100 dollars américains à des joueurs comme Clerveaux Dutherson, Duverger Josué et Rouaud Isaac. Il faut compter 3 200 pour Bissainthe Bicou, 3 300 pour Cantave Mikael, 3 400 envers Adé Ricardo, Alexis Jimmy Bend, Bazile Hervé et Jérôme Mechack.
Charles Hérold et Christian Alex n’ont pas pu percevoir les 3 500 dollars américains de leurs salaires tout comme Désiré Jonel qui attend 3 600 dollars. Arcus Carlens, Guerrier Wild Donald, Heriveaux Zackary, Jean Baptiste Andrew et Pierrot Frantzdy attendent, quant à eux, 3 700 dollars.
Pour Étienne Derick et Geffrard Jems, la dette de la fédération est de 3 800 dollars. Quant à Alceus Bryan, Nazon Duckens, Placide Johny et Saba Steeven, la FHF n’a pas encore versé 4 000 dollars de leurs primes de match.
Cependant, il faut doubler ces montants puisque des joueurs racontent n’avoir jamais reçu d’argent pour la Gold Cup.
Cet article a été mis à jour. 10.26 4.5.2021
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