Le mandat des 119 députés de la 50e législature arrive à terme le deuxième lundi du mois de janvier 2020. Après quatre ans passés à bénéficier des privilèges des contribuables haïtiens, le bilan des députés se révèle très pauvre. Un document interne non public obtenu par Ayibopost en témoigne
C’est une échéance constitutionnelle. Le lundi 13 janvier 2020 marque la fin de la 50e législature.
Pendant les quatre années du mandat, deux des députés, à savoir : Garcia Delva de Marchand Dessalines et Rony Celestin de Cerca la Source, se sont fait élire sénateur, laissant orpheline leur circonscription respective. Un autre député, Elience Petit-frère de la circonscription Ferrier/Les perches est décédé en février 2019.
Certes, ces événements ont réduit la Chambre basse à 116 députés contre les 119 qu’elle devait avoir. Mais ils ne suffisent pas à expliquer le bilan chétif mis en exergue dans un document interne obtenu par Ayibopost.
Un bilan bien maigre
De 2016 à 2020, l’Assemblée des députés n’a voté que 49 textes de loi. De ces 49, 30 sont des projets de lois venant directement de l’exécutif et seulement 19 sont œuvres de parlementaires.
Ces textes ont été votés du 17 avril 2016 au 2 avril 2019. Les députés ont aussi participé à la ratification en Assemblée nationale de l’accord de Paris sur le changement climatique, la Convention sur la réduction des cas d’apatridie et la Convention relative au statut des apatrides.
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Sur les 19 propositions émanant des parlementaires, votées par les députés, 5 sont écrites par des sénateurs et une provient d’une commission. C’est-à-dire, les 119 députés n’ont proposé que 14 textes de loi sur les 49 votés.
De ces 49 textes de loi votés par la Chambre basse, 19 sont déjà promulgués au journal officiel Le Moniteur, 7 sont en attente de publication au Palais national et 22 se trouvent dans les tiroirs du Sénat.
Seulement 11 députés ont proposé et fait voter des textes
Pour avoir les 13 textes de loi proposés directement par des députés (le 14e émane d’une commission), la Chambre basse a pu compter sur des élus comme : Abel Descolines qui a introduit une loi sur le corps des sapeurs-pompiers, Garry Bodeau avec sa proposition de loi créant le SNGRS, Ketel Jean Philippe en collaboration avec Cholzer Chancy ont déposé la loi sur l’octroi de décharge aux anciens hauts dignitaires de l’État.
Le député Cholzer Chancy a soumis la loi portant sur la vidéosurveillance et Wuinchel Olivier celle sur les ayants droit des policiers victimes dans leurs fonctions. Dulorier Jacques signe la proposition de loi portant organisation et fonctionnement de l’Institut Médico-Légal, Garcia Delva a fait une proposition sur la promotion de la culture, Vickerson Garnier mène une loi organique portant organisation du Ministère de l’Environnement et traitant de la lutte contre le changement climatique.
Le député Alfredo Antoine Junior a proposé une loi sur la création de l’Institut National du Café, Ronald Étienne a écrit la loi qui crée la commune des Caïmites et Samuel d’Haïti a produit deux propositions portant respectivement sur les pesticides à usage agricole et le transfert des systèmes d’irrigation aux associations de planteurs.
Le 13e texte de loi est proposé par un groupe de députés dont : Joseph Manès Louis, Printemps Bélizaire, Roger Millien, Jean Robert Bossé et Bertrand Sinal. Un dernier texte de loi portant modification de la loi sur l’enlèvement, la séquestration, le rapt et la prise d’otage des personnes a été proposé par la Commission justice, Droits humains et sécurité publique de la Chambre.
Les coups ratés
Les députés n’ont finalement voté que 14 des propositions de loi émanant de ce corps. Pourtant, les membres de la chambre basse ont déposé pas moins de 51 propositions par devant le bureau. Mais jusqu’à date, ces propositions de loi demeurent « non encore votées ».
Dans la liste des députés dont le nom n’est associé à aucun texte, il y a un ceux qui attendaient la prochaine séance plénière pour déposer leurs propositions de loi devant le bureau. Une dizaine de propositions de loi se trouvent sur cette liste qui restera dans les tiroirs de leurs initiateurs.
Un bilan digne des « incompétents et des paresseux »
Le fiasco de la Chambre basse en matière de bilan s’explique selon le député de Saint-Marc, Samuel D’Haïti. « Certains textes de loi, vu leur importance, nécessitent parfois deux à trois semaines de travail afin de garantir leur utilité à la population », affirme l’élu de Saint-Marc qui souligne que certaines propositions sont rejetées après plusieurs semaines de discussion. De ce fait, elles ne sont pas comptabilisées dans le bilan.
Il indexe aussi la situation de crise que connait le pays et la fâcheuse habitude de certains députés priorisant souvent leur participation à des fêtes patronales au lieu d’être présent au Parlement.
Individuellement, Samuel D’Haïti, qui a perdu une année de son mandat, est « un peu satisfait » pour être le seul député à avoir dans son bilan deux textes de loi votés par ses pairs.
Pour sa part, le député de Marigot Deus Deroneth est moins clément envers ses collègues. Pour lui, l’échec de la 50e législature est dû au fonctionnement même de la Chambre basse, dominée par « une majorité trop acquise à la cause de la présidence et qui a trahi du coup, l’intérêt de la population et sa mission de contrôle ».
Deus Deroneth qui dit n’être pas étonné devant le score de la Chambre basse souligne que « les députés ont négligé les travaux structurels à savoir, des textes de loi adaptés à l’évolution de la société ».
Le député de Marigot confesse que les parlementaires qui ont voulu sortir de ce carcan se sont heurtés au fonctionnement clanique de la Chambre. « Quand un député veut proposer des textes de loi, il entre ipso facto dans une bataille mesquine pour savoir si l’initiateur est proche ou contre le président Jovenel Moïse ». Il soutient que ce comportement partisan des députés est la cause même de ce bilan pauvre. Ses trois propositions de loi qui restent dans les tiroirs de la Chambre basse en sont une preuve, aux dires de Deus Deroneth.
Deus Deroneth croit qu’il faut « d’autres citoyens comme parlementaires, loin de cette génération formée de gens en quête de visibilité et d’individus en quête d’immunité pour éviter des poursuites judiciaires. »
Selon lui, la Chambre basse avait « trop de paresseux et d’incompétents jouissant de la nonchalance d’une administration parlementaire. »
Qu’en dit le président de la Gary Bodeau ?
Dans un tweet publié en réaction à cet article, le président de la chambre des députés, Gary Bodeau a mis l’accent sur le fait que « plus d’une cinquantaine [de lois ont été] votées et acheminées au Sénat.» Toutefois, le parlementaire admet que la chambre qu’il a dirigé « aurait pu faire mieux». Ce tweet a été supprimé quelques minutes après sa publication.
Ce texte a été mis a jour avec la réaction du président de la chambre des députés, Gary Bodeau. 4/1/2020 22:10
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