Insécurité

Les bandits brûlent son fils unique et «exemplaire» à Cité-Soleil. Elle raconte.

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La mère du basketteur Bruce Wensley Lee Joseph tente de décrire les circonstances dans lesquelles elle a appris la mort tragique de son fils unique et de Brunel Michel, un ami qui l’accompagnait

Il était aux environs de dix-heures et demie du matin le 1er décembre 2022 quand le garçon de Nanette Maréus et un proche de la famille quittaient leur maison à bord d’une motocyclette. Les deux hommes se rendaient à l’École Chrétienne des Frères-Unis (ECFU) à Barrière Fer, Cité Soleil.

Bruce Wensley Lee Joseph venait tout juste de réussir son baccalauréat à l’âge de 19 ans; et une bourse lui était offerte par Baskètbòl pou Ankadre Lajenès (BAL) dont il était membre depuis 2018. Il voulait ce jour-là récupérer à l’école son dernier bulletin avant de se rendre à une rencontre prévue à midi avec BAL autour de sa bourse d’étude.

Arrivé à Barrière Fer, non loin de son ancien établissement scolaire, des individus lourdement armés ont lâchement criblé de balles les deux hommes. Et les corps sans vie sont transportés dans un camion d’ordures pour être brûlés.

Bruce Wensley Lee Joseph venait tout juste de réussir son baccalauréat à l’âge de 19 ans.

«Vers les onze heures, j’avais reçu un appel de Brunel Michel, celui qui conduisait Joseph, pour me signaler qu’ils étaient en danger à Barrière Fer à cause du déploiement des bandits de la zone. Je leur ai conseillé la prudence avant que je n’entende plus un souffle au téléphone. Je croyais pertinemment qu’ils réussiraient à s’en sortir jusqu’au moment où j’ai reçu un appel quelques heures plus tard m’informant que Joseph avait été touché par balles», s’exprime-t-elle en sanglots.

Maréus ne s’est pas laissée rongée par la désolation de la nouvelle. Elle a enfourché une moto pour se rendre sur le lieu du drame. «Je n’ai rien trouvé. Pas même un simple indice. Tout était comme à l’ordinaire», se souvient-elle ajoutant que si elle avait trouvé ne serait-ce qu’un bout d’ongle de son fils, elle serait consolée.

Selon les riverains, les bandits auraient accusés les deux hommes de voleurs.  «Joseph leur avait même montré les médailles qu’il avait dans son sac pour clamer son innoncence», ajoute désespérément la dame.

Le jeune Joseph s’est éteint sans avoir eu le temps de réaliser ses rêves.

Durant ces dernières années, de nombreux meurtres ont été commis en Haïti où les corps des victimes ne sont plus retrouvés. La psychologue Johanne Refusé qualifie cette situation comme une peine potentiellement double pour les familles.

Lire aussi : Les bandits brûlent le cadavre de leurs victimes en Haïti

En effet, le fait pour la famille haïtienne de ne pas trouver le corps du membre mort peut l’empêcher d’observer les rituels funéraires –comme c’est le cas pour la famille de Joseph– or les rituels funéraires sont d’une importance énorme dans le processus du deuil qu’elle définit comme le processus d’adaptation à la perte de l’être cher.

«Les rituels, comme le « veye » et les funérailles, aident non seulement à marquer le passage d’un temps passé à un temps futur; mais aussi à recevoir le soutien des autres. Démunir les parents du cadavre et les empêcher d’organiser les cérémonies funéraires risque la complication du deuil en le faisant prendre beaucoup plus de temps que prévu», analyse  la  psychologue.

Selon les riverains, les bandits les auraient accusés de voleurs.

Le jeune Joseph s’est éteint sans avoir eu le temps de réaliser ses rêves. Il portait en lui deux grandes ambitions, selon les témoignages. Il aspirait à être un dentiste, ensuite à intégrer la National Basketball Association (NBA).

Ce rêve d’être dentiste qu’il chérissait depuis qu’il était en neuvième était sur le point de devenir une réalité, raconte Davidson Beaubrun, le gestionnaire du site BAL de Cité-Soleil. «Il l’avait inspiré de sa grand-mère. Celle-ci souffrait régulièrement de maux-de-dents atroces. Ayant vécu cela avec beaucoup de peine, il avait toujours voulu devenir médecin-dentiste afin d’aider ceux qui auraient à souffrir les mêmes maux que sa grand-mère.»  

Le rêve d’être médecin et joueur professionnel de Basketball à la fois ne semblait pas faire bonne union à priori, mais Joseph les portait chacun dans une main et en toute équilibre.

Il aspirait d’abord à être un dentiste, ensuite à intégrer la NBA.

Joseph était en effet un excellent joueur de Basketball. «Il pouvait jouer à tous les postes qu’on lui attribuait : meneur, pivot, center, etc.», explique le gestionnaire du site BAL.  En effet,  le mois de juillet dernier, Joseph a reçu de l’organisation BAL le prix Michael Jordan pour avoir été le joueur avec le plus grand impact positif sur le terrain de Basketball pour l’année académique 2021-2022.

Pour sa part, Jimmy Honoré, assistant directeur de ECFU, témoigne de la très bonne performance académique dont Joseph a toujours fait preuve depuis au moins en classes de 7e année fondamentale jusqu’à la Philo. «Joseph a toujours été parmi les meilleurs élèves de sa classe», a-t-il affirmé. 

Le décès de Bruce Wensley Lee Joseph a touché plus d’un. L’humilité du jeune homme couplé à son intelligence, son patriotisme et son sens de leadership a laissé des empreintes indélébiles dans le subconscient de ses proches.

Le jeune sportif avait aussi un attachement particulier pour son pays.

Selon les témoignages de son oncle Arius Maréus, Joseph a unanimement été d’une sagesse indiscutable. « Je dis cela pas parce que j’étais son oncle, on dit que tout le monde a son défaut, mais je n’arrive pas à relever un seul défaut de Joseph. Il ne s’est jamais laissé reprocher une chose deux fois. » 

L’assistant directeur croit que Joseph était un exemple et rapporte qu’il était considéré comme un conseiller dans sa classe. «Si d’ordinaire je devais m’attendre à des attitudes rebelles et irrespectueuses des élèves de philo généralement enorgueillis par leur âge de mature, je n’avais par contre rien eu à  reprocher à Joseph», dit-il.

Joseph a maintes fois été sujet de mérite de nombreuses distinctions pour son attitude exemplaire.  Le jeune basketteur venait de fêter ses quatre années au sein du BAL. Davidson Beaubrun, le gestionnaire de programmation du site de Cité-Soleil où le jeune basketteur était affecté, fait savoir que depuis son intégration, il a successivement reçu à chaque fin d’année, la médaille du joueur le plus ponctuel et tient qu’il l’aurait encore reçu ce décembre s’il était encore avec nous. 

Joseph était en effet un excellent joueur de Basketball.

Le jeune sportif avait aussi un attachement particulier pour son pays. Il croyait dans son changement. Selon Davidson Beaubrun, à maintes reprises, il s’opposait aux tentatives de sa famille qui voulait le convaincre de quitter le pays.

Le gestionnaire témoigne d’un sens aigu de service que Joseph démontrait et pense qu’il était dû à cette vision de changement pour le pays. Celui-ci rapporte que Joseph aidait toujours ses pairs du Basketball moins bons que lui si bien qu’il était considéré comme un assistant coach à BAL; il contribuait aussi, activement, dans le programme de tutorat de BAL où il aidait les autres élèves dans les matières académiques même en dehors des heures fixées; il était dévoué à aider le staff dans ses tâches de gestion du site. 

Joseph a pour cela reçu en 2021 le prix Jonel et Roland de BAL décerné à celui ayant incarné au mieux les idéaux de service et de citoyenneté durant l’année académique.

Le jeune basketteur venait de fêter ses quatre années au sein du BAL.

Pour sa part, le directeur de BAL, Dave Fils-Aimé croit que le monde mérite de connaître, le jeune modèle qu’était Joseph et pense que l’organisation doit à Joseph de faire les efforts nécessaires à cela.

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