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Les activités parascolaires sont importantes, mais inaccessibles aux parents pauvres

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Les activités parascolaires notamment le chant, la danse et le sport sont des travaux ou exercices qui se font généralement en parallèle aux activités académiques. Elles sont capitales pour le développement des élèves, mais ont un poids économique difficile à supporter par les parents et les écoles

Pour les responsables du collège Catts Pressoir, les activités parascolaires sont nécessaires, voire indispensables au développement intégral de l’enfant. « Nous avons 282 élèves qui font de la musique (Jazz, Blues, musique classique, etc.). Il y a des élèves dans les différentes disciplines sportives de l’école (Volleybal, Basketball, natation) », explique Guy Étienne, le directeur de cet établissement dont la scolarité annuelle demeure peu accessible aux petites bourses.

Le principal avance que ces activités sont généralement des travaux non inclus dans le programme scolaire. Cependant, pour encourager les enfants, le staff de l’école comptabilise certaines activités. « Les écoliers ont des notes pour le sport et la musique et c’est obligatoire en 3e, 4e et 5e année fondamentale », précise le directeur.

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Durant plus de trente années d’expérience dans l’enseignement, le responsable du Collège Catts Pressoir a constaté que les enfants qui excellaient dans des disciplines parascolaires brillaient aussi sur le plan académique. « Les enfants utilisent leurs compétences académiques pour réaliser des activités de loisir. Dans le sport par exemple, un enfant peut faire appel à la notion de “‘force »’ apprise en classe pour expliquer une partie de jeu. »

Les retombées des activités parascolaires sont énormes

Tout comme Guy Étienne, Nastassia Colimon, psychologue et directrice de l’institution éducative La Ressource, croit que les activités parascolaires sont capitales au développement de l’enfant. « Elles augmentent la confiance en soi, permettent à l’enfant de s’imposer dans d’autres milieux en dehors des murs de l’école et développent les facultés psychomotrices, explique la psychologue. Ces activités continue-t-elle, contribuent au développement social et émotionnel de l’enfant. »

Selon la spécialiste, un enfant qui pratique un sport ou toute autre activité en parallèle aux études est moins introverti qu’un autre qui n’en pratique aucun. « Car, dit-elle, ces activités permettent d’identifier la passion des élèves et de s’ouvrir vers d’autres horizons. »

Pour Guy Étienne, toutes les écoles devraient offrir des activités parascolaires à leurs élèves. « Les établissements scolaires doivent permettre aux écoliers d’exercer une activité de loisir. Nous, à Catts Pressoir, donnons un pourcentage de 20 % dans une matière quelconque aux équipes qui représentent l’école dans des compétitions extrascolaires. »

Pour sa part, Nastassia Colimon ne pense pas qu’il est toujours évident d’avoir au sein de l’école des activités parascolaires. « C’est bien d’avoir de telles activités dans l’établissement scolaire. Cependant, un enfant a besoin de s’épanouir en dehors des murs de l’école. L’élève doit apprendre à se socialiser avec des personnes qui ne sont pas nécessairement ses camarades et professeurs », avance la directrice de la Ressource.

Par ailleurs, les deux responsables d’école se mettent d’accord sur le fait que les parents doivent contribuer au développement social de l’enfant dans le cadre de ses activités.

« C’est un travail qui doit être fait entre l’école et les parents. Ceux-ci doivent demander aux professeurs ce qu’ils pensent de la capacité de leur enfant. Ce qui leur permet de connaitre les champs d’intérêt de l’enfant et voir les atouts et talents à développer chez ce dernier. Il y a des enfants qui ont naturellement une aptitude dans un domaine précis. Dans ce sens, le parent pourrait demander au professeur de l’aider à orienter l’élève », soutient Nastassia Colimon.

La psychologue poursuit que les parents de concert avec les professeurs de l’enfant doivent identifier les faiblesses ou défis de l’enfant. « Un parent peut encourager son enfant qui est timide, poursuit la spécialiste, à faire du théâtre, pas pour le défier, mais pour lui permettre de faire face à ce qu’il redoute. »

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Toujours selon Nastassia Colimon, les parents doivent se défaire de l’idée selon laquelle un enfant qui s’investit dans les loisirs doit échouer académiquement. « Les parents doivent apprendre à l’enfant comment agencer son horaire c’est-à-dire l’aider à gérer son temps », renforce-t-elle.

Quant au directeur du collège Catts Pressoir, il affirme que les parents de son école participent non seulement aux performances académiques des élèves, mais aussi à leurs loisirs. « Nous avons des parents qui veillent sur les compétences artistiques de leurs enfants. Il y en a qui savent jouer d’un instrument depuis chez eux, le collège ne fait que les aider à s’appliquer beaucoup plus », déclare Guy Étienne.

Les activités parascolaires ne sont pas gratuites

Si les activités parascolaires sont importantes, elles ne sont pas pour autant gratuites. À Catts Préssoir, en plus des frais scolaires, les parents paient un supplément pour la musique.  « C’est un accord entre les parents et l’école. Oui, cela a un coût, mais il faut donner aux enfants la chance de réussir », lance le directeur de l’établissement.

De son côté, Nicolas Mathurin, directeur du Lycée Alexandre Pétion, se plaint du fait que l’institution qu’il dirige depuis 13 ans ne parvient pas à faire l’équilibre entre l’académique et le culturel. « Les activités académiques sont contraignantes. Celles qui sont parascolaires constituent un répit, un soulagement aux écoliers. Elles leur permettent de souffler, de sortir du cadre académique et d’apprendre à se connaître. Mais elles sont malheureusement coûteuses », raconte celui qui rappelle que l’école enseignait jadis les jeux d’échecs, la course, le karaté et le théâtre aux élèves.

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Selon Nicolas Mathurin, le lycée ne peut pas répondre aux exigences de ces activités.  « L’État exige 2500 gourdes comme frais annuels du lycée. 20 % de cet argent vont à la Direction départementale du ministère chargé de l’éducation. Nous n’avons aucune subvention et l’État nous interdit toute demande de frais supplémentaires aux élèves », regrette le directeur Mathurin.

Le responsable a ajouté que le lycée Alexandre Pétion dépense beaucoup en termes de logistiques dans les activités sportives. « Un match peut nous coûter environ 20 000 à 25 000 gourdes. Tout cela pour assurer le transport, la nourriture et d’autres mises en place », se lamente Nicolas Mathurin.

D’un autre côté, Démosthène Paul Émile, le censeur d’une école privée, La providence de Bourdon, s’apitoie aussi du faible moyen économique de l’institution qu’il codirige. « Pour garantir aux élèves des activités ludiques et instructives, les parents devraient payer, ce qui n’est pas près d’arriver. C’est à peine qu’ils arrivent à verser les frais annuels de l’établissement », reconnaît Démosthène P. Émile.

« Pour compenser ce manque, toujours selon le censeur, l’école offre aux enfants du jardin d’enfants et du primaire un cours de sport qui consiste en des exercices physiques. Pour ceux qui sont aux secondaires, nous leur faisons chanter et jouer des pièces de théâtre lors des activités récréatives. »

Selon Guy Étienne, les activités parascolaires ne devraient en aucun cas constituer un luxe.

Laura Louis est journaliste à Ayibopost depuis 2018. Elle a été lauréate du Prix Jeune Journaliste en Haïti en 2019. Elle a remporté l'édition 2021 du Prix Philippe Chaffanjon. Actuellement, Laura Louis est étudiante finissante en Service social à La Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti.

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