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Le « nu » dans les vidéo-clips en Haïti fait débat

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Où se situe la limite entre art, érotisme et pornographie ?

Réginald Georges, réalisateur de renom en Haïti, croit dur comme fer qu’il n’y a ni de pornographie ni de dévalorisation de la femme dans les vidéo-clips haïtiens.

« Les artistes haïtiens mettent à l’écran des vidéos érotiques et sensuels, et non des vidéos pornographiques, pense le professionnel. On ne peut pas parler non plus de dévalorisation de la femme. Au contraire une femme nue qui plaît aux yeux c’est quelque chose d’artistique. »

Pour le PDG de Mage Entertainment, les vidéo-clips haïtiens mettent en valeur le corps de la femme, ce qui se fait dans pratiquement tous les marchés. Cet avis n’est pas partagé par Cynthia Maignan. La féministe croit que les femmes font l’objet de dévalorisation, voire de chosification dans ces vidéo-clips.

« Les artistes résument la femme uniquement au sexe. Selon eux la femme n’est qu’un objet qui n’a que le corps comme qualité, analyse Maignan. Ce qui est pire dans ces vidéos, quand les artistes affichent leurs possessions comme l’argent, voiture ou maison, ils incluent la femme. »

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Comme la féministe, Johny Célicourt, un analyste musical reconnu, croit aussi que les vidéo-clips des artistes haïtiens contribuent à la dévalorisation de la femme, ce qui aura des incidences sur l’avenir.

Selon l’auteur de Dictionnart, certaines vidéos haïtiennes sont associées à la pornographie « soft », laquelle est une forme de pornographie ou d’érotisme moins explicite que la pornographie « hard ». « À cause de ces vidéos, les enfants qui auront accès aux réseaux sociaux grandiront dans une culture de dévalorisation du corps des femmes », prévient Célicourt.

Le phénomène n’est pas propre à Haïti, en réalité. Beaucoup de groupes et artistes haïtiens font exactement ce que Justin Timberlake, Rick Ross, Calvin Harris pour ne citer que ceux-là, font dans leurs vidéos.

Fort souvent, les préjugés et préférences locales guident les choix. C’est ce qui explique par exemple la prédominance de mannequins « mainstream », cheveux soyeux à la peau claire dans une bonne partie des clips.

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Les vidéos qui mettent le corps de femmes en avant sont d’ailleurs très populaires. Des artistes comme Roody Roodboy ou Wendy atteignent des millions de vues en un laps de temps avec ces types de clips.

Les médias traditionnels les valorisent également. « S’il y a une critique à faire, c’est contre les médias qui diffusent à n’importe quelle heure les vidéos érotiques, et non les artistes et les réalisateurs », déclare Réginald Georges.

Faut-il renverser la tendance ? Cette question fait débat, encore plus quand les artistes qui présentent de très bonnes propositions ne sont presque jamais acclamés.

« S’il y avait des instances d’État ou privées qui récompensaient les artistes qui sortent de bonnes vidéos avec de bons concepts valorisant notre culture il y aurait moins de vidéos indécentes dans le secteur », pense Johny Célicourt.

Les idées d’ailleurs ne manquent pas. Le groupe Harmonik a valorisé des espaces touristiques du Nord et du Sud du pays dans les vidéo-clips « Enkwayab » et « Egziste » quoique ce soient deux chansons d’amour.

Nazaire « Nazario » Joinville

Cet article a été mis à jour pour clarifier une citation de Johnny Célicourt. 27.3.2012 19.46

Nazaire JOINVILLE est doté d'un baccalauréat (licence) en communication sociale à l'Université d'État d'Haïti. Il est actuellement étudiant à la maîtrise en Cultures et espaces francophones (option linguistique) à l'université Sainte-Anne au Canada. Il est aussi adjoint à la recherche à l'Observatoire Nord/Sud qui constitue le foyer principal des activités de la Chaire de Recherche du Canada en Études Acadiennes et Transnationales (CRÉAcT). Les recherches de Nazaire portent sur la musique haïtienne en particulier le Konpa, le contact des langues et la francophonie. Il est le responsable et créateur de la rubrique "Le Carrefour des Francophones" dans le Courrier de la Nouvelle-Écosse, un journal français au Canada.

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