SOCIÉTÉ

Le calvaire des infectés du VIH sur l’île de la Gonâve

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Ils doivent débourser beaucoup d’argent, et parfois vendre leur bétail, pour obtenir des médicaments dans des centres difficiles d’accès

780 infectés du VIH reçoivent des médicaments antirétroviraux des trois seuls centres de prise en charge de la maladie à la Gonâve, selon le programme de prise en charge national de lutte contre le SIDA du Ministère de la Santé publique et de la population.

L’hôpital Wesleyen, la plus importante institution sanitaire de l’île, situé dans la commune d’Anse-à-Galets compte un espace de prise en charge et les deux autres se trouvent respectivement au centre de santé de Notre-Dame de Ti Palmiste et au dispensaire de La Source, fait savoir le docteur Kesner François, responsable du PNLS.

Manouche Jean, un médecin qui travaille au Centre Gheskio à l’hôpital Wesleyen, fait savoir que certains patients paient les yeux de la tête pour venir récupérer leurs médicaments. « Durant ce mois de mai, un infecté du VIH de la section communale du Port de Bonheur a dû vendre un de ses cabris à 2 500 gourdes afin de trouver les frais de transport pour venir prendre les médicaments », confie-t-elle.

Les centres de prises en charge du VIH à La Gonâve ne sont pas placés à des points stratégiques. La quasi-totalité des routes sur l’île est en terre battue et leur usage devient encore plus compliqué après la pluie. Cet état de fait se répercute sur le tarif de transport alors que le coût de la vie sur l’île grimpe au quotidien.

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Certains patients se découragent. « Des malades en provenance de la Gonâve vont jusqu’à traverser la mer pour aller se faire soigner à l’hôpital de Ste-Thérèse de Miragoâne au lieu de se rendre à l’hôpital Wesleyen parce que les frais de transport sont trop importants », dit docteur Kesner François du PNLS.

Le programme de prise en charge sur l’île doit changer, reconnaissent les autorités. Des discussions sont en cours avec des partenaires sur le terrain afin de mettre en place des points de distribution de médicaments (DDP), relate le docteur Kesner François.

Pour diminuer la fréquence des rendez-vous, certains malades doivent recevoir des médicaments pour plusieurs mois en lieu et place d’un mois.

En Haïti, près de 180 sites font le dépistage du VIH. Environ 160 fournissent des soins et traitements en ARV (Antirétroviral).

Le centre hospitalier de la commune de Pointe-à-Raquette, l’un des hôpitaux les plus accessibles de l’île, ne dispose pas de programme lié à la prise en charge du VIH depuis plus de sept ans. Interviewée par Ayibopost, la responsable de ce centre qui requiert l’anonymat fait savoir que le test était disponible bien avant son arrivée en raison du programme de dépistage de la tuberculose.

« Le dépistage a été suspendu vu qu’il n’existait pas de programme lié à la prise en charge dans le centre », souligne la responsable. Les cas suspects, indique-t-elle, sont transférés pour une réévaluation au dispensaire de Notre-Dame de Ti Palmiste. Ce centre se situe à une heure à moto du centre hospitalier de Pointe-à-Raquette. Le coût du trajet aller-retour est de 1 000 gourdes.

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Le dispensaire de Ti Palmiste se trouve dans une situation critique. Selon le CASEC de la zone, Content Renil, le centre n’est pas assez équipé et il ne dispose pas de médicaments pour soigner les malades. L’espace compte « un seul médecin en service social. Le médecin titulaire du centre n’est pas trop stable dans la section communale », dit-il.

Pour ces raisons, certains infectés au VIH se rendent à Miragoane et évitent l’option, très coûteuse, de Ti Palmiste où ils ne trouveront pas de médicaments.

Selon le responsable du PNLS, Kesner François, c’était L’ONG World Vision qui soignait les patients séropositifs et après, l’organisation confiait les données au centre hospitalier de Ti Palmiste.

Rosemond Delusme qui a travaillé à l’époque pour World Vision fait savoir que le programme de prise en charge des patients vivant avec le VIH est assuré actuellement par le Centre Gheskio.

Contacté par AyiboPost, Dr William Pape, qui n’est pas en Haïti en ce moment, fait savoir qu’il ne peut pas répondre aux questions par manque de temps. Le docteur Pape nous a demandé de parler à Patrice Joseph qui n’était pas disponible. L’article sera mis à jour si ce dernier accepte de fournir des précisions à AyiboPost.

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À La Gonâve, certains patients abandonnent le traitement par peur d’être stigmatisés par un membre de leur famille ou leur entourage. Manouche Jean, médecin sur l’île, déclare que la stigmatisation est l’un des plus grands défis des programmes de prise en charge des patients.

« La Gonâve, c’est comme un petit village, tout le monde connaît tout le monde, dit-elle. C’est difficile d’aller repêcher un patient. La présence d’un agent de MSPP chez un patient posera autant d’interrogations. Ce qui rend la tâche encore plus difficile ».

Selon les estimations, près 150 000 personnes vivent actuellement avec le VIH en Haïti. D’après le Dr Kesner François, l’objectif du MSPP est que d’ici 2030 le problème de VIH ne représente plus une menace de santé publique pour le pays.

Suivant les données de 2015, la prévalence est plus de 12 % chez les homosexuels et plus de 8 % chez les travailleuses de sexe, souligne le Dr Kesner François qui dit que le MSPP travaille actuellement afin de mettre ces statistiques à jour.

Plus 85 % des malades savent qu’ils ont le virus et plus de 90 % d’entre eux reçoivent chaque année un traitement en ARV, ajoute le Dr Kesner François. Dans certaines zones, les patients reçoivent des frais de transport évalué à 500 ou 1000 gourdes.

Photo de couverture : WESLEYAN HOSPITAL – ANSE-A-GALETS, LA GONAVE, HAITI

Fenel Pélissier est avocat au Barreau de Petit-Goâve, professeur de langues vivantes et passionné de littérature.

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