«C’est un problème qui gangrène la vie des étudiants, tout le monde le sait, mais personne n’en parle», déplore un étudiant de l’IERAH
Face à l’augmentation des prix des copies dans un contexte d’inflation galopante, de plus en plus d’étudiants se tournent vers les nouvelles technologies. Cette alternative, offrant un accès aux ressources éducatives quasi infinies disponibles sur Internet, n’est cependant pas sans risques pour la concentration et la santé visuelle.
Daniela Joseph est étudiante en 5e année à l’Université Notre Dame d’Haïti (UNDH). Pour minorer ses dépenses de reprographie, la jeune femme de 24 ans s’est acheté une tablette tactile sur laquelle elle stocke ses documents de cours. «Cela m’a soulagée quelque peu», remarque-t-elle.
Mardochée, étudiant en médecine à l’Université d’État d’Haïti (UEH), fait de même. Le jeune homme affirme que, comme bon nombre de ses camarades, il étudie sur son téléphone portable.
Le combiné, bien que chronophage lorsqu’il sert aussi au «doomscroling» sur les médias sociaux, offre l’accès à des sites de téléchargements de livres électroniques gratuits et à une diversité illimitée de contenus à une époque ou des professeurs de qualité s’enfuient d’Haïti.
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En 2017, le pays comptait plus de 6,5 millions de connexions mobiles, 33 % de celle-ci étaient des smartphones, selon un rapport de l’association GSM (GSMA) intitulé « Global mobile trends ».
«J’ai une bibliothèque virtuelle qui regorge de livres, s’enorgueillit Adrien Roland, étudiant en Agronomie à l’UEH. Si j’en fais le décompte, je n’en trouverai pas moins de 1200».
Cette alternative, offrant un accès aux ressources éducatives quasi infinies disponibles sur Internet, n’est cependant pas sans risques pour la concentration et la santé visuelle.
Les livres électroniques, les pages de notes scannérisées ou les photos de tableaux viennent aussi avec des pépins oculaires comme la déficience numérique ou la fatigue visuelle.
Daniela Joseph, mentionnée plus haut, est myope. Si la tablette tactile qu’elle s’est procurée pour ses études l’aide à ne pas trop grignoter son budget de fonctionnement, l’appareil expose trop ses yeux à la sourde luminosité de sa liseuse.
Joseph souffre du «syndrome de l’œil sec». Elle relate que sa myopie accuse une sérieuse aggravation quand elle étudie sur son support électronique, sans ses lunettes de correction. «De 0,25 cm, qui est cependant en deçà de 1 dioptrie, je suis passée à 1,25», confie-t-elle à AyiboPost.
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Adrien Roland n’en démord pas. S’il est dépositaire d’une somme étonnante de livres électroniques, leur lecture ramène de sérieux inconvénients : «Il arrive parfois que je ne peux pas lire, mes yeux sont extrêmement fatigués et mes globes oculaires deviennent lourds comme des chapes de plomb», soutient Roland dont la myopie de -1,50 dioptrie, pâtit fort de cette situation. «Parfois, je n’arrive plus à préparer correctement mes examens à la faculté», souligne-t-il.
La lecture et l’étude sur des supports électroniques sont très fatigantes pour les yeux et peuvent déboucher à la longue sur des troubles de la vision. «La sursollicitation des yeux par la lecture numérique peut vieillir la rétine lorsque celle-ci est exposée à une dose trop forte de lumière bleue», remarque le Dr Carl Frédéric Casimir, lui-même hypermétrope.
L’usage des outils numériques ne rime pas nécessairement avec rendement académique.
Ruben Mézilien est étudiant à la Faculté des Sciences humaines (FASCH) de l’UEH. L’étudiant en travail social affirme préférer les livres papier aux livres numériques, car il développe un lien plus intime avec eux. Il explique que sa concentration en temps de lecture a pris un sérieux coup, car il est obligé de composer avec les alertes pop-up, les appels ou les messages WhatsApp qui défilent sur la barre de notification de son smartphone. «La lecture sur ces genres de support facilite le multitâche et la distraction», souligne-t-il.
«Cela peut aussi vous enliser dans une sorte de procrastination », renchérit Elinedia Despinasse, étudiante en Patrimoine à l’UEH.
La lecture et l’étude sur des supports électroniques sont très fatigantes pour les yeux et peuvent déboucher à la longue sur des troubles de la vision.
Ceux qui souhaitent revenir à l’Ancien Monde des copies dures ne peuvent pas toujours le faire facilement. Déjà, acheter un smartphone ou une tablette requiert un effort économique titanesque pour beaucoup.
Originaire de Petit-Goâve, Ruben Mézilien estime que ses maigres économies — qui proviennent en grande partie de sa mère, une infirmière — ne lui permettent pas de répondre aux exigences de reprographie de ses cours.
Par exemple Marnity Betty Manette Buisson, de L’Institut d’Études et de Recherches africaines, s’estime chanceuse. Elle a réussi à se procurer une petite imprimante à 45 000 gourdes environ.
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Beaucoup de ses camarades sont gênés parce qu’ils n’arrivent pas à assumer les dépenses de reprographie à l’UEH. «C’est un problème qui gangrène la vie des étudiants, tout le monde le sait, mais personne n’en parle », soutient Édouard Kervenson, un autre étudiant de l’institut.
Par Junior Legrand
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