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La seule école d’art d’Haïti va réouvrir après plus d’un an de crise

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Le jeudi 12 avril 2018, un protocole d’accord a été signé entre la direction et les étudiants de l’Ecole nationale des arts. Le protocole devrait aboutir à la réouverture prochaine de l’unique école nationale d’art du pays, fermée depuis un an. 

 

La fermeture de l’ENARTS en mars 2017 est liée aux protestations d’un groupe d’étudiants qui exige de meilleures conditions d’apprentissage. Onze d’entre eux ont été expulsés par la direction sous motif qu’ils ont vandalisé l’espace physique de l’école.

Une fois le protocole signé, les étudiants qui avaient assiégé les locaux de l’école depuis sa fermeture en mars 2017 ont vidé les lieux. Ceux-ci ont habité le bâtiment de l’école en installant bagages, ustensiles de cuisine et matériels de travail dans les salles de classe. L’administration de l’ENARTS a pu reprendre ses fonctions le mardi 17 avril 2018. Les étudiants protestataires qui avaient bloqué l’espace ont présenté des excuses, la direction s’est elle-même engagée à se pencher sur leurs revendications et a promis de réintégrer les onze étudiants expulsés.

Une crise de longue date

Il faut remonter à la fondation de l’ENARTS pour bien comprendre les causes de la crise d’après Godson Antoine. Il est le coordonnateur adjoint du Mouvement organisationnel pour la réforme de l’Enarts (MORENARTS), une association d’étudiants qui revendique de meilleures conditions de fonctionnement. « C’est une école qui a toujours connu des problèmes structurels et conjoncturels », souligne Godson Antoine. Il précise que la dernière crise est née d’une prise de conscience des étudiants des mauvaises conditions d’apprentissage.

Depuis 2015, un groupe d’étudiants avaient décidé de s’exprimer par rapport au dysfonctionnement de l’école, en adressant des correspondances à la direction de l’institution. Ces correspondances sont restées sans réponse, explique le Coordonnateur adjoint de MORENARTS. En avril 2016, la crise a entrainé la fermeture de l’ENARTS. Une assemblée générale a été créée mais l’école a rouvert ses portes sans que des solutions ne soient apportées aux problèmes soulevés. L’école s’est fermée définitivement le 13 mars 2017.

Une réunion a eu lieu le 11 Avril 2017 entre Jean Michel Lapin, directeur général du ministère de la Culture, accompagné de son conseiller-expert Arnel Bélizaire, et les étudiants. Cette rencontre n’avait fait que mettre à jour de nouveaux problèmes, et entrainé la création de MORENARTS. Des représentants des étudiants ont été convoqués au ministère de la Culture par l’ancien ministre Limond Toussaint. Suite à cette rencontre, une deuxième assemblée générale a été organisée, composée d’étudiants, de professeurs, de membres de l’administration et du personnel. L’échec de cette nouvelle assemblée générale n’avait fait qu’aggraver la crise. Des pneus ont été brulés au sein de l’ENARTS, ce qui a occasionné l’expulsion de onze étudiants.

Revendications des étudiants

Doter l’ENARTS d’un statut, définir clairement un programme d’étude, respecter l’accord signé entre le Ministère de la Culture, le Ministère de l’Education nationale, et l’ENARTS relatif à l’enseignement au nouveau secondaire, accompagner les étudiants dans leur projet de sortie, aménager l’espace physique de l’institution, former et recycler continuellement les professeurs : ce sont là les principales revendications des étudiants.

Selon Godson Antoine, le fonctionnement de l’ENARTS sous la tutelle du ministère de la Culture est une ironie du sort. « l’ENARTS a été fondée avant le ministère de la Culture. Jusqu’à date ce ministère ne dispose encore d’aucune loi-cadre, d’aucune politique culturelle. C’est pourquoi nous exigeons l’élaboration du statut de l’ENARTS » précise Godson. En effet, aucun article du décret de 1983 créant l’ENARTS n’en précise ni le statut, ni le statut de l’étudiant après avoir bouclé ses études.

Un nouveau ministre de la Culture : de l’espoir pour ENARTS ?

Godson Antoine dit ne rien attendre du nouveau ministre de la Culture, Guyler Cius Delva. Après un entretien avec lui à l’émission « Matin caraïbes », il a estimé que le ministre est limité dans ce  domaine technique qu’est la Culture. « Je crois qu’il sera beaucoup plus un ministre de la Communication qu’un ministre de la Culture », affirme Godson. Le coordonnateur adjoint de MORENARTS pense toutefois que c’est du devoir du ministre de régulariser le secteur culturel, en dotant le ministère d’une politique culturelle et en permettant à l’ENARTS de jouer un rôle clé dans ce processus.

Les membres de la direction de l’ENARTS ont été contactés pour fournir leur version des faits et apporter plus de précision sur la signature du protocole d’accord. Mais ils n’étaient pas joignables. Un cadre de la direction a refusé d’accorder une interview. Ni les étudiants, ni les journalistes n’ont accès aux locaux de l’institution, jusqu’à ce qu’à la sortie d’un nouvel avis.

Patrick Erwin Michel a étudié les Sciences Juridiques à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques (FDSE) de l’Université d’Etat d’Haïti. Il finalise actuellement son mémoire de sortie sur la pauvreté et les Droits humains. Il a également étudié l’art dramatique à l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS), ainsi que le journalisme à l’ISNAC. Son champ d’intérêt inclue le Droit, la littérature, la sociologie et les arts.

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