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La Rouyonne fait peur à Léogane

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Malgré des investissements importants, les victimes continuent de s’apitoyer sur leur sort à 33 kilomètres de Port‐au‐Prince

 Lorsque « La Rouyonne » se met en colère, comme en août dernier, les riverains de cette rivière à Léogane s’attendent à des pertes matérielles importantes, tout comme la résurgence de maladies cutanées comme la grattelle ou l’eczéma.

« En période de crue, le niveau de l’eau peut s’élever jusqu’à mon cou », explique Clélie Jean-Phillipe, Petit-goâvienne de 76 ans qui dit subir des inondations de la Rouyonne depuis son arrivée dans la commune, à l’âge de quinze ans.

« Régulièrement, continue Jean-Phillipe, l’eau pénètre la maison et emporte tout ce que l’on possède : vaisselle, vêtements, meubles, etc. »

Plusieurs petits projets sont entamés dans la commune pour limiter les dégâts. Deux ans après le tremblement de terre de 2010 par exemple, des travaux ont été initiés par le Ministère des Travaux publics en vue de « curer » la rivière. En tout, 800 000 dollars américains, soit 33 millions de gourdes à l’époque, étaient alloués à ce projet.

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Le reprofilage de la berge de la rivière dont devait s’assurer l’initiative a été fait à partir de sacs remplis du sable même de la rivière, expliquent l’agronome Delando Pierre et le riverain Matherson Charlemagne, tous deux natifs de Léogâne. Les sacs sont entrés en pourriture au fil du temps, ce qui a libéré le sable et permis à l’eau de reprendre son chemin comme avant.

Il n’est pas clair pourquoi le Programme des Nations unies pour le développement, bras financier du projet, et l’État central ont permis l’utilisation de cette technique peu durable.

Le curage du lit de la rivière en soi ne suffit pas, selon les experts. « Il faut du gabionnage », préconise l’agronome Yves Raymond.

Au gabionnage doit s’ajouter le reboisement des berges, rajoute Matherson Charlemagne habitant de Léogane depuis plus de 25 ans. « Les écoliers des différentes écoles de la commune pourraient contribuer à cette initiative. »

Un réduit construit sur le toit en béton de la maison de sa mère défigurée par les maintes inondations de La Rouyonne sert d’abri à Marie José Michel. Une inondation de la rivière a complété la destruction de la maison de l’ancienne distillatrice, deux ans de cela.

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La Rouyonne a emporté à la fois toutes les marchandises de Michel et ses épargnes qu’elle estimait à environ 150 000 gourdes.

« La Rouyonne me met à nu, se plaint la dame de 62 ans. Aujourd’hui, si ma fille ne partage pas de ce qu’elle a préparé pour ses enfants et son mari avec moi, je peux mourir de faim, regrette Michel.
C’est une chose que je n’avais jamais souhaitée, que de dépendre d’un enfant. »

Lomance et la Rouyone constituent les deux principales rivières de la commune de Léogâne.

À la moindre pluie en amont, ces rivières inondent une partie de la ville ainsi que ses localités avoisinantes. Dampus, Kada, Malbourg, Buteau, Cassagne, entre autres, sont avec certaines aires du Centre-ville, les zones les plus régulièrement touchées par la Rouyonne.

Les dommages matériels déchirent l’économie des habitants des zones à risque.

À cause de La Rouyonne, Clélie Jean-Phillipe ne peut posséder de matelas à l’intérieur de son logis. À chaque fois qu’elle en achète un, la rivière pénètre sa maison, l’emporte ou le détruit.

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Les plantations et les bétails des habitants sont aussi sous la menace de la rivière. « Deux ans de cela, mon père a perdu une récolte de canne à sucre estimée à près de 50 000 gourdes ; sans compter son bétail », témoigne Matherson Charlemagne, le beau-fils de Marie José.

La Rouyonne dépose également des amas de boue et de sable sur la chaussée comme sur les trottoirs de la localité, ce qui engendre de graves accidents de circulation après les inondations.

« Je ne peux pas compter combien de fois j’ai amené des accidentés, surtout des écoliers, à l’hôpital », révèle Matherson Charlemagne.

Photo de couverture : Un homme tente de franchir, avec sa bicyclette, le débordement de la rivière Rouyonne, dans la commune de Léogâne, près de Port-au-Prince. Hector Retamal Agence France-Presse

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