SOCIÉTÉ

La riche histoire d’Abraham Lincoln et son ami haïtien, William Florville

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William Florville et Abraham Lincoln entretenaient une franche amitié, et de nombreuses blagues du barbier auraient même fuité dans des discours de Lincoln quand il devint Président

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William Florville, originaire du Cap-Haïtien, naquit en Haïti le 12 septembre 1807. Vers les années 1820, autour de la fin de règne du roi Henry 1er, il s’embarqua pour les États-Unis et débarqua à Baltimore. Il se fit apprenti barbier ou coiffeur dans cette ville et gagnait tant bien que mal sa nouvelle vie. Face aux aléas sans doute ségrégationnistes des Américains nordistes, il décida de se rendre à La Nouvelle-Orléans. Arrivé sur les lieux, chez les Américains sudistes, il examina la possibilité d’être remis illégalement en esclavage.

Sur ces entrefaites, William Florville mit cap sur le Nord vers l’intérieur. Alors qu’il voyageait le long du cours de la rivière de Sangamon dans l’Illinois en 1831, il rencontra un jeune homme d’à peu près son âge avec une hache, portant une chemise rouge et qui sortait d’un bois voisin. Il s’agissait d’un jeune de 22 ans nommé Abraham Lincoln. Les deux sympathisèrent et se rendirent ensemble à New Salem, puis à Springfield dans l’Illinois.

Dans cette ville, William Florville façonna le premier salon de coiffure, le premier barber shop, et fut le barbier ou coiffeur de Abraham Lincoln pendant vingt-quatre ans. Peu à peu, grâce à ses économies, William conçut la première blanchisserie, buanderie et au fil du temps, l’homme d’affaires d’origine haïtienne devint un citoyen notable et un des principaux Noirs de Springfield. La prononciation anglaise fit que Forville devint Fleurville, et même ‘de Fleurville’ pour certains clients blancs qui le snobaient en lui accordant une descendance française. Mais le pseudonyme le plus commun de William Florville était Billy the Barber.

Billy, je veux que tu me rases et que tu me coupes les cheveux aussi, et je veux que tu le fasses comme si j’allais me marier.

Le salon de coiffure de William le barber accueillait les gentlemen de la communauté de Springfield. De bonnes blagues s’y échangeaient. William était passé maitre en la matière et Abe, sobriquet d’Abraham Lincoln, en raffolait. Il est lui aussi connu pour raconter de bonnes blagues chez le coiffeur. C’était comme le lieu de rendez-vous journalier, la « résidence secondaire de Lincoln » qui y laissait parfois même ses livres de droit. Le salon demeurait un de ses endroits préférés jusqu’avant son mariage en 1842. Florville promouvait son entreprise d’une manière originale, il était un musicien accompli qui écrivait de la poésie et jouait à la clarinette.

William Florville et Abraham Lincoln entretenaient une franche amitié, et de nombreuses blagues du barbier auraient même fuité dans des discours de Lincoln quand il devint Président. De plus, les personnages les plus proches de Lincoln étaient son barbier Billy, William Florville et William H. Herndon, son partenaire juridique et, même quand Lincoln était malade, le médecin traitant n’hésita pas à faire appel à William, qui s’était mis disponible au chevet de son ami à Springfield.    Et quand Lincoln se rendit à Washington, il comptait sur William qui avait accepté de s’occuper de ses biens. Il tint sa promesse jusqu’au bout et écrivait de temps à autre à Lincoln pour le rassurer que tout allait bien, et surtout de dire aux fils du Président que même leur chien Fido allait bien. Avant la guerre de Sécession (1861-1865), la maison d’Abraham Lincoln à Springfield se trouvait à trois quartiers ou îlets du quartier où résidait la population afro-américaine, et il connaissait fort bien leurs conditions de vie, dont la plupart toujours en esclavage.

Que le peuple soit en paix, sont les sentiments sincères de votre Serviteur.

Toutefois, le 27 décembre 1863, William Florville écrivait une lettre politique à son ami, une lettre d’encouragement « … Que Dieu vous accorde la santé, la force et la sagesse, pour faire et agir ainsi, comme retombera dans sa gloire et le bien, paix, prospérité, liberté et bonheur [sic] de cette nation. Alors quelle guerre ne sera plus connue, que la cause ou le prétexte de la guerre soit écarté, que la rébellion et la sécession n’auront plus de place à faire, et rien à demander, que tous les États n’aient pas un droit égal à exiger, alors et ce n’est qu’alors que le gouvernement sera ferme et durable, et pour cette raison, j’espère que vous avez été choisi pour un deuxième mandat pour administrer les affaires de ce gouvernement. »

Et Florville terminait ainsi : « … Veuillez accepter mes meilleurs vœux pour vous et votre famille, et mes désirs quotidiens pour vous-même que votre administration soit prospère, sage et productive de bons résultats pour cette nation, et que le temps viendra bientôt, quand la rébellion sera réprimée ; et les traîtres auront reçu leur juste récompense, et que le peuple soit en paix, sont les sentiments sincères de votre Serviteur. » (Letter from William Florville to Abraham Lincoln, December 27, 1863, Library of Congress.)

Billy the barber ou William Florville n’était pas seulement propriétaire du barber shop. Le coiffeur était de même un adepte du multi business, un vrai entrepreneur. Il possédait une entreprise de restauration, une blanchisserie, et il était un gros investisseur dans l’immobilier. Il était aussi l’un des fondateurs de l’église Saint John The Baptist à Springfield, bien que catholique et musicien populaire, il participait activement et financièrement aux activités religieuses ou caritatives ; et en tant clarinettiste, flûtiste, il était actif dans une fanfare militaire locale. « Florville était considéré comme l’un des principaux Noirs de Springfield. Il a dirigé un mouvement visant à établir, conformément à une loi de 1855, une école financée par des impôts imposés aux citoyens de couleur et payé la publicité pour un maître d’école. » (Gossie Harold Hudson, Abraham Lincoln and Blacks During the Civil War—With Special Reference to William Florville.)

En somme, Abraham Lincoln était devenu non seulement son promoteur pour le salon de coiffure, mais il fut aussi son avocat et conseiller fiscal en ce qui a trait à ses biens immobiliers. William Florville, homme d’affaires d’origine haïtienne, devint un citoyen jouissant d’une certaine notabilité et notoriété à Springfield. Par exemple, Lincoln en 1852 écrivait à un confrère, Charles R. Welles : « J’ai un petit problème ici. J’essaie d’obtenir un décret pour notre « Billy le barbier » pour la cession de certains lots de la ville qui lui ont été vendus par Allen, Gridly et Pricket… »

Plus loin, Lincoln allait quitter Springfield pour un fameux discours à Cooper Union en février 1860. Il avait demandé à un de ses amis un coup de main pour cette affaire : « William Florville, un barbier de couleur ici, possède quatre lots à Bloomington, sur lesquels j’ai payé les impôts pour lui durant plusieurs années, mais que j’ai oublié de payer toutes les taxes… » Florville a fait un progrès économique encore plus important grâce au mécénat de Lincoln révélait G. S. Hudson. (Gossie Harold Hudson, Ibid.)

L’historien Lloyd Ostendorf dépeint d’une manière superbe, anecdotique et caricaturale la relation qui existait entre Abraham Lincoln et William Florville, dit Billy the Barber. L.Ostendorf raconte qu’un jour, peu avant le mariage d’Abraham Lincoln qui revenait d’une convalescence, celui-ci entra au salon de coiffure, trouva Billy avec son rasoir aiguisé et de l’eau fumante et il dit :

«Billy, je veux que tu me rases et que tu me coupes les cheveux aussi, et je veux que tu le fasses comme si j’allais me marier.

Billy lui répondit :

– Si je le fais, M. Lincoln, cela vous coûtera un dollar. Nous devons facturer un supplément pour le rasage lorsqu’ils vont se marier.

Lincoln rétorqua :

– « Très bien, Je suppose que je ne devrais pas danser sans payer le violoneux! »

Florville était un fin musicien et il capta rapidement l’humeur d’Abraham Lincoln qui aimait aussi blaguer. Autour du mariage de Lincoln peu après en 1842, William Florville dit Billy the Barber se présenta et rendit à son ami le dollar pour le “rasage spécial mariage” à l’heureux époux pour son mariage. (Lloyd Ostendorf, Photographs from the Past: The Story of William Florville; Mr. Lincoln’s Barber, Lincoln Herald, Spring 1977.)

 Florville était considéré comme l’un des principaux Noirs de Springfield.

Abraham Lincoln, surnommé Abe, naquit le 12 février 1809 dans le Kentucky aux États-Unis d’Amérique. Il fut le 16e président des États-Unis (1861-1865), et fut connu comme le grand émancipateur. Sa personnalité humaine, ses origines humbles, grand avocat doté d’une remarquable éloquence, il préserva l’union entre l’Amérique nordique et l’Amérique sudiste lors de la guerre de Sécession, et manœuvra à l’émancipation des esclaves aux États-Unis. Il fut l’un des plus grands et plus fameux président des États-Unis, et il demeure une figure symbolique à travers le monde. Il fut assassiné le 15 avril 1865 au théâtre à Washinton, DC.

Lors des funérailles d’Abraham Lincoln, William Florville, dit Billy the Barber, avait été invité à se joindre en première loge comme porteur honoraire parmi les dignitaires à la procession funéraire. Il choisit plutôt de marcher en arrière, endroit qui fut assigné à la délégation des Afro Américains de Springfield. Clarinettiste et musicien qualifié, il a plutôt performé dans la marche funèbre.

William Florville, né au Cap-Haïtien le 12 septembre 1807, émigra aux États-Unis vers 1820, autour de la mort de la fin du règne d’Henri Christophe, le roi Henry 1er, mourut le 13 avril 1868 à l’âge de 60 ans. Il fut enterré dans la ville de Springfield, la capitale de l’État de l’Illinois, et le siège du comté de Sangamon, aux États-Unis.

Jean Ledan Fils

Né aux Cayes en 1958, Jean Ledan fils a fait des études en Sciences Sociales à Dowling College et à New York University. Il est diplômé de la NYU en Professions Libérales avec un Majeur en Sciences politiques et un Mineur en Histoire.

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