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La religion nous empoisonne la vie

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« Dieu est mort mais son cadavre est bien encombrant. » Alain Badiou 

Il faudrait penser à légiférer -avant qu’il ne soit trop tard- sur les « presses évangéliques » qui, depuis tantôt cinq ans, croissent comme des champignons dans le pays. Il serait bienséant, salutaire, hygiénique même de préserver nos enfants de cette légitimation de la bêtise religieuse prenant corps depuis quelques temps dans la sphère télévisuelle. On a déjà tous les problèmes du monde, la posture normale ne serait pas d’augmenter notre dose, de collectionner et d’exposer la bêtise comme si on avait que ça à offrir. La liberté d’expression ne veut aucunement signifier la promotion de la bêtise.

Il y a une forme de légitimation de la bêtise à l’église (Protestante surtout) qui devient dangereuse. Elle est d’autant plus dangereuse quand elle laisse son territoire privé pour se propager dans l’espace public. La bêtise religieuse ne nuirait pas tant que ça si elle ne s’exerçait que dans son espace privé ; si elle ne signifiait que le simple rapport d’un individu malheureux – incapable de digérer l’idée de sa mort, avide d’éternité- avec un Dieu, un « au-delà qui n’a été inventé que pour déprécier le seul monde qu’il y ait, pour ne plus conserver à notre réalité terrestre aucun but, aucun destin, aucune tâche [2] ».

Mais quand au nom d’un Totalitaire qui se targue de tout savoir, d’être partout et nulle part à la fois, d’avoir les pleins pouvoirs ; Quand au nom d’un Dieu -peu importe son nom- des individus envahissent l’espace public, contraignant les autres à adopter leur régime de vie en l’érigeant comme le modèle par excellence, il y a lieu de crier au scandale.

Au nom de Dieu, on peut tout dire et tout faire ; on peut par exemple refuser le droit de sommeil à toute une communauté pendant 40 jours et 40 nuits sous prétexte de lutter contre Satan. Il suffit d’évoquer le nom de la plus grande star des pauvres (Jésus) pour se voir parer des plus grandes facultés. Vous connaissez sûrement cette petite phrase : « M p ap chante pou bèl vwa men pou laglwa de Dye », comme si chanter ne requérait pas une compétence spécifique, comme s’il suffisait d’évoquer le nom de Jésus (qui lui n’était pas chanteur) pour se métamorphoser en Adèle ou Emeline Michèle, R-Kelly ou Réginald Cangé.

Cette même imposture se remarque aussi dans d’autres domaines. Des pasteurs s’improvisent intellectuels haut de gamme, débitant du haut de leur chaire des stupidités portant atteinte au bon sens et à la progression de la pensée. Ici dès qu’on se fait appeler pasteur, on peut gloser sur n’importe quel sujet. Au nom d’un seul livre datant des millénaires, qui a été maintes fois copié, traduit et manipulé, ils prétendent comprendre même les approches les plus compliquées de la physique quantique. N’importe quel pasteur peut, sans aucune lueur de gêne, exposer dans un temps record la récession des galaxies, le Mur de Planck, le Boson de Higgs, la Gravitation et la Relativité. Dès qu’on a un père omniscient, (Les lois de l’hérédité aidant) en bon héritier on se targue de tout maîtriser.

Je ne sais pas ce qui m’a pris d’allumer le téléviseur. Je l’avais rayé depuis quelques temps dans le répertoire de mes loisirs. Je ne sais par quel malheureux hasard, je suis tombé sur ce pasteur bête comme on ne peut pas l’être qui m’apprend que la masturbation est une pente glissante vers l’homosexualité, qu’un homme qui se masturbe est un pédéraste en puissance, que se masturber est un acte ignoble qu’on devrait punir[3]. Mais putain !!! comment devient-on pasteur dans ce pays ? Comment un individu aussi imperméable au savoir peut avoir le culot de prendre la parole dans une église ? Voltaire avait peut-être raison de dire que l’église est une assemblée de…. suivie par les…

Je pense qu’il n’est pas trop tard de freiner cette médiatisation de la bêtise. Les ministères de la Communication, de l’Éducation, des Cultes et de la Santé Publique (mentale ???) devraient travailler de concert afin d’enrayer, d’endiguer cette épidémie dans son territoire de prédilection afin que les couches les plus vulnérables de la société ne soient pas atteintes. On ne peut pas offrir ça à nos enfants. On ne peut pas construire demain sur ces vilenies.

Cet article a été précédemment publié dans le magazine Controverses

Critique littéraire et sociologue de formation, Stéphane SAINTIL est détenteur d'une licence en Sociologie à l'Université d'État d'Haïti (FASCH) et d’un master en Comparatisme, Imaginaire et Socio-anthropologie à l’Université de Grenoble-Alpes. Il a travaillé comme animateur de bibliothèque au Centre Culturel Katherine Dunham du Parc de Martissant (CCKD/FOKAL), responsable de communication du Festival de dramaturgie contemporaine En Lisant et des Rencontres d’Octobre Soleil à Agen. En 2015, il fonde avec quelques camarades de l’Université d’État d’Haïti, le magazine Controverse Haïti, consacré aux différents débats qui animent la société haïtienne. Il est membre du comité du festival Littéraire Haïti-Monde et rédacteur en chef de la revue haïtienne des cultures Créoles, DO-KRE-I-S.

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