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La liste des exactions attribuées à la BSAP s’allonge

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Les scandales ne cessent d’éclabousser ce corps, monté en dehors des règles élémentaires

Le décret de janvier 2006, relatif à la gestion de l’environnement, consacre l’existence d’un « Corps de Surveillance de l’Environnement », placé sous le contrôle de l’Agence Nationale des Aires protégées.

Selon un document de l’ANAP, traitant de la « Surveillance environnementale des unités d’aires protégées et des sites écologiques en Haïti », ce corps est appelé Brigade de surveillance des Aires protégées.

Dans ce document, il est indiqué que la BSAP « est un corps armé spécialisé dans la défense des sites écologiques […]. La BSAP a pour mission de sécuriser les Aires protégées déclarées et celles potentielles non encore déclarées et assurer la surveillance des carrières et mines de sable d’exploitation interdite. »

Pourtant, loin de pouvoir garder ses 1 207 membres à l’intérieur des 25 aires protégées déjà déclarées dans le pays, la BSAP s’incruste dans les villes et crée des scandales. La brigade n’est même pas prévue par la Constitution haïtienne.

Scandale après scandale

Le mercredi 22 juillet 2020, dans le nord du pays, un groupe de policier appréhende Youdlex Sylvestre qui circulait avec une arme à feu illégale.

Après l’interpellation, Youdlex Sylvestre a été mis en garde à vue, au sous-commissariat de l’hôpital Justinien du Cap-Haïtien. Quelques instants plus tard, une quinzaine d’hommes armés s’introduisent de force dans le sous-commissariat, pour libérer le prévenu. Ils mettent l’espace sens dessus dessous.

Ces individus armés, en uniforme vert, sont des membres de la BSAP, et Youdlex Sylvestre fait partie de ce corps lui aussi.

Ecoutez notre podcast sur la question: Bajou Kase : qui sont les agents de la BSAP ?

Le 13 novembre 2020, le journaliste Jean Rony Augustin qui anime une émission sur les ondes de la radio Ouanavision, dans la ville de Ouanaminthe, a reçu des menaces de la part du responsable de la BSAP dans le Nord-Est, Julien Ebel. Les paroles du chef de la BSAP ont été enregistrées et publiées sur les réseaux sociaux par le journaliste.

Aujourd’hui encore, Jean Rony Augustin dit se sentir en danger puisqu’aucune sanction « sérieuse » n’a été prise contre Julien Ebel.

En réaction, le responsable de la BSAP dans le Nord-Est admet avoir parlé, par téléphone, au journaliste qui est de la même région que lui. Son but, assure-t-il, n’était pas de l’intimider, mais d’éclaircir certains points que Jean Rony Augustin avait révélés dans une émission.

D’autres bavures portent la signature de la Brigade des aires protégées. Ainsi, le lundi 21 décembre 2020, un groupe de cinq policiers de l’Unité de Sécurité générale du Palais national (USGPN) prenaient la Route Nationale Numéro 3 en direction du Grand Nord.

Arrivés à hauteur de Morne à Cabris, les policiers ont été stoppés, désarmés et dévalisés par des hommes armés portant l’uniforme de la BSAP.

Réagissant à cet incident, le directeur de l’ANAP, Jeantel Joseph, garantit que les agents de la BSAP cantonnés cette nuit-là dans la zone ont apporté leur soutien aux policiers victimes, et ne sont pas impliqués dans ce qui s’est passé.

Problèmes opérationnels

Intervenant sur les ondes de la Radio Caraïbes 48 heures après l’incident du Morne à Cabris, Jeantel Joseph s’est démené comme un beau diable pour tenter de défaire la mauvaise image renvoyée par la BSAP.

Selon Jeantel Joseph, pour intégrer la brigade, le postulant doit suivre les règles établies pour entrer dans la fonction publique à travers l’Office de management et des ressources humaines.

Pourtant, des agents de la BSAP dévoilent avoir déboursé jusqu’à 40 000 gourdes pour intégrer la brigade, qui ne leur offre ni uniforme, ni arme de service, ni salaire.

Le chef de cette unité, dans le département du Nord-Est, Julien Ebel confie ces manquements.

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Le responsable de la BSAP dans le Nord-Est qui dit avoir une cinquantaine d’hommes sous ses ordres dans le département dévoile que les nouvelles recrues de la brigade ne perçoivent pas encore de salaire.

Même ce responsable, qui a intégré la BSAP en juin 2019, ne connaît pas encore la couleur de son salaire.

Cependant, Julien Ebel souligne que l’État vient d’allouer 214 millions de gourdes à l’ANAP en vue du paiement des agents. L’ANAP n’a toutefois pas encore décidé combien toucheront les membres du BSAP en fonction de leurs grades.

L’uniforme pose aussi problème au sein de cette brigade. Selon les informations recueillies, les agents se rendent à Dajabon pour acheter le tissu, pour ensuite le confier à un tailleur haïtien. Certains agents sont obligés de louer des armes à des particuliers, car la brigade ne leur en a pas donné.

Julien Ebel admet l’existence de telles pratiques, mais les minimise en les qualifiant de « fuite en avant » de certains agents.

Selon Himmler Rebu, ancien colonel de l’armée d’Haïti et ancien secrétaire d’État à la sécurité publique, la BSAP fait froid dans le dos. Pour lui, la brigade a beaucoup de points communs avec le Front révolutionnaire armé pour le Progrès d’Haïti (FRAPH). Cette entité paramilitaire a pendant longtemps terrorisé la population, à la manière des tontons macoutes.

Samuel Celiné

Poète dans l'âme, journaliste par amour et travailleur social par besoin, Samuel Celiné s'intéresse aux enquêtes journalistiques.

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