Un mois après Matthew, la vie recommence dans la Grand’Anse. La nature se reverdit de belle manière et les gens reprennent petit à petit leurs activités.
4-11-2016
Au milieu des ruines de la vieille distillerie de son papa, Cherly (un homme dans la trentaine) essaye de mettre un peu d’ordre. Il s’active vigoureusement à ranger les roches, et, avec un râteau, il met de côté les pailles pour aérer un peu l’espace entourant la petite distillerie presque en ruines. « Tout va s’arranger dans les jours à venir », lance-t-il avec un large sourire au visage. « Nos fournisseurs vont lancer la production de sirop à Fonds Rouge pour alimenter notre distillerie » assure-t-il avec optimisme.
L’impact de l’ouragan Matthew est toujours ostensible dans les mornes de Calas. Les déchets sont trop nombreux pour être déjà complètement nettoyés par une population où chacun s’active à tout réparer chez soi pour reprendre son activité. L’essentiel est fait pour l’instant. Les troncs d’arbres qui obstruaient les passages sont mis en marge des rues pour faciliter la circulation des piétons et véhicules.
Serge et Cyril décrivent l’allure du paysage quelques jours après le cataclysme comme un territoire dévasté par une bombe. « Je suis étonné de voir comment, comme miraculeusement, les arbres se mettent rapidement à reverdir », me dit Cyril. Pour Serge, il n’y a pas de doute, la bonne végétation va prendre sa place dans les mois à venir.
Le charbon à gogo
Un peu partout dans les montagnes, la fumée des fours à charbon s’élève et l’odeur vous monte au nez. Les prix des sacs de charbon ont déjà baissé m’apprend-on. Au bord des rues, ils sont debout, attendant leurs éventuels acheteurs.
Bien avant Matthew, des habitants de la Grand’Anse tiraient la sonnette d’alarme pour alerter les autorités sur le déboisement de la région. La construction de la route facilitait le commerce de charbon dans le département qu’on disait le plus vert du pays. Avec le passage de Matthew, la matière première pour le charbon, en l’occurrence, le bois, est désormais disponible en abondance.
La vie recommence
Petit à petit la vie reprend dans la Grand’Anse. Il y a plus de quinze jours, ce qui restait de cime dans les arbres fracassés par l’ouragan donnait un aspect noir de brulé. Aujourd’hui, les bourgeons verts sont pléthoriques. Au milieu des ruines, l’on voit que beaucoup d’arbres n’ont pas été complètement déracinés. La tempête semble avoir laisser l’espace et les conditions nécessaires à l’épanouissement des jeunes arbres.
La vie va certainement reprendre. Tout va rapidement redevenir vert. J’en suis profondément convaincu. Un vieux manguier qui n’avait pas cédé face à la colère du vent, malgré ses racines tournées vers le ciel et les branches éparpillées au sol, commence par reverdir. L’arbre mythique de la Grand’Anse, « l’arbre véritable », reprend ses droits. Eux aussi prennent des couleurs timidement.
Comme elles l’ont toujours fait bien avant Mathieu, les marchandes des contrées lointaines arrivent leur panier sur la tête pour approvisionner une ville qui a faim. Les paniers ne sont certes pas aussi garnis qu’en septembre, cependant ils témoignent de la capacité des mornes à nourrir ses enfants. Ce matin au petit-déjeuner, l’hôtel où je suis hébergé a pu servir des figues- bananes, des oeufs et le bon café noir du terroir.
J’ai rencontré Michelle qui vient de Carrefour Sanon avec quelques bananes dans un panier vert en plastique. Tout de suite après avoir fait une belle affaire avec deux hommes elle m’expliqua : « Ces bananes ont été sous la paille depuis avant la tempête. Je les ai achetés pour 250 gourdes. Je vais les vendre en ville pour apporter quelque choseà manger aux enfants. La tempête nous a fauchés. Je n’arrive même pas à trouver une carte de recharge téléphonique ou un peu de riz [de l’aide]. »
Des gens ont déjà réparé leurs toits. À Bordes, ce fameux quartier dans les hauteurs de la ville de Jérémie, les ouvriers s’activent pour réparer l’Église de Dieu de Bordes. Le mortier est prêt et les tôles sont empilées. Une dame qui tient un petit commerce à l’entrée m’apprend que les tôles ne s’étaient pas envolées. Le toit s’était tout simplement effondré sous la force du cyclone.
Les anciennes touffes de verdure qui obstruaient la baie de Jérémie des hauteurs de Bordes, ont laissé la place à de vastes clairières. La majorité des troncs sont tout de même debout, et la verdure reprend agressivement ses droits. Le réseau électrique est sérieusement amoché. La ville est comblée de détritus çà et là.
Un phénomène terrible !
L’impact de Matthew sur la Grand ‘Anse est souvent comparé à celui d’une bombe dans un village. Il est vrai que les dégâts sont immenses, mais une bombe laisserait assurément moins de place à cette floraison d’espoir… j’imagine. L’optimisme des Grand’Anselais ne doit cependant pas occulter le fait que les gens ont faim et la réponse humanitaire est grandement questionnable. L’impact de l’ouragan est sans conteste immense. À regarder certains arbres, l’on se demande quelle est cette main géante et vigoureuse qui a pu tordre un arbre comme un vulgaire tissu sous l’essoreuse. Les palmistes ont perdu leurs tiges qui leur donnaient cet aspect hautain et fier. Les cocotiers qui ont résisté ont perdu toute leur splendeur. Il y a beaucoup moins de corbeaux qui sillonnent les airs. On ne voit plus les papillons et les abeilles butiner les fleurs. La douce musique des oiseaux et des insectes a disparu. Néanmoins, la faune et la flore se remettent de leur maladie.
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