« À certains endroits, les paysans ont abandonné le haricot et d’autres cultures pour cultiver la canne », explique à AyiboPost l’agronome Evens Joseph
Alors que certaines cultures n’arrivent pas à s’adapter face aux effets du changement climatique, la culture de la canne à Saint-Michel-de-l’Attalaye gagne du terrain.
Une étude publiée en 2020 par un groupe de chercheurs du Centre haïtien d’Innovation sur les Biotechnologies et l’Agriculture soutenable (Chibas) de l’université Quisqueya, et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) situé en France, illustre cette situation.
Certaines sections communales de Saint-Michel ont vu leurs surfaces cultivées en canne augmenter de plus de 200 % ces dernières années, selon l’étude.
Située dans l’arrondissement de Marmelade dans le département de l’Artibonite, Saint-Michel est l’une des plus grandes communes d’Haïti avec une superficie de 614 km2.
Alors que certaines cultures n’arrivent pas à s’adapter face aux effets du changement climatique, la culture de la canne à Saint-Michel-de-l’Attalaye gagne du terrain.
Connue comme principale culture de cette commune, la canne est transformée en des produits dérivés, dont le fameux « clairin Saint-Michel », jouissant d’une réputation qui dépasse les frontières d’Haïti.
« Les données recueillies sur le terrain auprès des paysans suggèrent que cela a commencé après 2010 », explique l’ingénieur-agronome Bénédique Paul, membre du Chibas, ayant réalisé la partie diagnostique agro socio-économique de l’étude.
Entourée par la montagne noire et la chaîne des Cahos, la commune de Saint-Michel de l’Attalaye présente la configuration d’une « cuve ».
Ce qui fait de cette zone un « laboratoire à ciel ouvert pour les études sur les changements climatiques en Haïti ».
À ce titre, au moins un projet du ministère de l’Agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (MARNDR) concernant l’adaptation aux changements climatiques est en cours depuis 2019 dans cette commune.
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La comparaison entre les données recueillies par les chercheurs sur six des huit sections communales de Saint-Michel en 2020 et celles issues du recensement général de l’agriculture publiées par le MARNDR en 2008 illustre ces changements.
Par exemple, à Lacedras, sixième section communale de Saint-Michel, la surface cultivée en canne passe de 8 à 64 %, soit une augmentation de 700 %. Celle de Camathe passe de 38 à 72 %. Pour la troisième section communale de Bas de Sault, la superficie cultivée en canne passe de treize à 40 %, une augmentation de plus de 200 %.
En 2021, le nombre de guildives qui transforment la canne passe de 2500 à près de 3000 en seulement six mois.
Bien qu’il ne dispose pas de chiffres mis à jour, le coordonnateur de l’association des guildives de Saint Michel de l’Attalaye, Emmanuel Alexis, reconnaît à AyiboPost une « expansion considérable » de nouveaux champs et l’implantation de nouvelles guildives à Saint Michel depuis 2021.
« Nous comptons réaliser un nouveau recensement en 2024 pour déterminer le chiffre exact. Mais il est clair que les données ont beaucoup évolué », soutient Alexis tout en admettant que l’insécurité qui sévit dans l’Artibonite affecte la production et la vente.
Nous comptons réaliser un nouveau recensement en 2024 pour déterminer le chiffre exact. Mais il est clair que les données ont beaucoup évolué.
Pour l’ingénieur-agronome Evens Joseph, co-auteur de l’étude, différents facteurs, dont l’engouement persistant pour le « clairin Saint-Michel » partout à travers le pays et l’introduction des moulins motorisés facilitant la transformation de la canne, expliquent cette expansion.
« Mais le réchauffement climatique reste l’élément clé », poursuit le chercheur.
En l’absence d’infrastructures d’irrigation, les planteurs saint-michellois pratiquent une agriculture pluviale.
Les dérégulations climatiques qui engendrent un prolongement de la saison sèche affectent le calendrier agricole.
Pour faire face aux multiples effets des bouleversements environnementaux, les producteurs saint-michelois sont obligés de développer diverses stratégies d’adaptation.
Ainsi, certaines cultures, comme le haricot, plus vulnérable à la chaleur et aux irrégularités des précipitations, sont de moins en moins cultivées.
D’autres comme le maïs le sont encore grâce à l’introduction de nouvelles variétés plus adaptées.
En 2021, le nombre de guildives qui transforment la canne passe de 2500 à près de 3000 en seulement six mois.
Le département de l’Artibonite fait partie des zones les plus vulnérables aux phénomènes climatiques extrêmes.
Un rapport publié en 2015 sur les incidences du réchauffement climatique en Haïti montre les impacts de ce dernier sur le développement de certaines cultures comme le maïs, le café et le haricot dans la vallée de l’Artibonite.
L’étude réalisée par le groupe de chercheurs du Chibas et du Cirad évoque les conséquences du changement climatique sur l’agriculture dans la commune de Saint-Michel de l’Attalaye.
Les cultures jugées moins adaptées sont de moins en moins cultivées.
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Face à ces changements, la canne se présente comme une alternative économique intéressante pour les producteurs.
Car, non seulement celle-ci arrive mieux à résister à la sécheresse, elle nécessite moins de prises en charge.
« À certains endroits, les paysans ont abandonné le haricot et d’autres cultures pour cultiver la canne », explique à AyiboPost l’agronome Evens Joseph.
Face à ces changements, la canne se présente comme une alternative économique intéressante pour les producteurs.
Sévèrement touchée par la maladie du charbon au début des années 1980, la culture de la canne à Saint-Michel-de-l’Attalaye a retrouvé son élan grâce à des recherches et à l’introduction de nouvelles variétés plus résistantes dans les champs.
Pour les chercheurs, cette production florissante cache cependant un paradoxe.
Plus de 50 % des Saint-michellois étaient en insécurité alimentaire, selon des données de 2020.
« Le retrait des autres cultures, nécessaires à l’alimentation, a des impacts sur la sécurité alimentaire des habitants », explique Bénédique Paul.
D’autres éléments, comme le problème d’approvisionnement lié au manque d’infrastructure, expliquent cette situation.
Des scénarios environnementaux montrent la possibilité que les effets climatiques s’amplifient avec les années. Particulièrement en l’absence de prise en charge adéquate.
Selon des données publiées par le programme des Nations-Unies pour le Développement en 2015, sans des stratégies claires et efficaces pour le secteur agricole de la part des décideurs haïtiens, certaines cultures peuvent perdre plus de la moitié de leurs productions.
Ainsi, en dépit de sa grande capacité d’adaptation aux températures extrêmes, la canne peut perdre jusqu’à 25 % de sa production d’ici à 2100.
Ce qui, pour Bénédique Paul, traduit la nécessité de continuer à mener des recherches et à développer des stratégies d’adaptation plus efficaces.
Par Wethzer Piercin
Image de couverture : un cutivateur de canne à sucre | lendopolis blog
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Visionnez ce reportage réalisé par AyiboPost en 2022 sur le fameux «clairin Saint-Michel» :
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