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La créativité inspirante des végétariens en Haïti pour manger sain et équilibré 

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« Ce que beaucoup de gens ignorent, c’est que l’approvisionnement en feuilles, fruits et légumes est bien plus abordable que la viande », commente une végétarienne haïtienne interrogée par AyiboPost

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Le végétarisme gagne des adeptes en Haïti. Interrogés par AyiboPost, des membres du mouvement évoquent diverses raisons pour expliquer leur refus de consommer de la viande, du poisson ou d’autres produits d’origine animale. Parmi celles-ci figurent la préservation de leur santé, l’éthique envers les animaux, la durabilité environnementale ainsi que des motifs spirituels.

Cependant, les préjugés ne sont pas loin. « Lorsque j’affirme mon végétarisme, certains qualifient ma démarche de pure folie, me taxant de prétentieux, ou du moins me prenant pour un bourgeois », déclare Wolken Casimir, futur diplômé en philosophie à l’École Normale Supérieure. Il pratique le végétarisme depuis bientôt deux ans.

Dans un pays traversé par une crise alimentaire historique, le régime alimentaire suscite des incompréhensions. « Les individus l’adoptant sont souvent perçus comme marginaux, excentriques, différents, voire comme des privilégiés économiquement, mais cette perception est erronée ! », fait savoir le tambourineur Raymond Noël, également connu sous le nom de «Welele Doubout». Il est devenu végétarien pour des raisons sanitaires à partir des années 2000.

Dans sa cuisine, Raymond Noël, surnommé « Welele Doubout », en train de préparer une purée de pommes de terre en vue de créer un plat composé.| © Jean Feguens Regala/AyiboPost

La purée de pomme de terre en préparation par Raymond Noël. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

Les idées reçues sur le végétarisme sont légion. En réalité, le régime ne se limite pas à une simple consommation de légumes. Il existe différentes sous-catégories, en fonction des aliments consommés.

Aussi, on distingue les lacto-ovo-végétariens, qui excluent la viande, mais consomment des produits laitiers et des œufs.

Les lactovégétariens, quant à eux, excluent la viande et les œufs, mais continuent de consommer des produits laitiers.

Les ovovégétariens excluent la viande, les produits laitiers et les œufs, mais peuvent inclure d’autres produits d’origine animale tels que le miel.

Dans un bol, Raymond Noël met de l’arbre à pain préparé pour son plat composé.  | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

Viennent ensuite les végétaliens, également appelés véganes. Ces derniers sont des personnes qui excluent de leur alimentation et de leur mode de vie tous les produits d’origine animale. Cela comprend non seulement la viande, le poisson, les crustacés, les produits laitiers et les œufs, mais aussi les produits dérivés d’animaux tels que le miel et le beurre, pour n’en citer que quelques exemples.

Noël prépare un plat composé à base d’épinards et de petits pois. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

Le prix de la majorité des produits nécessaires au régime a triplé ces deux dernières années à cause de l’inflation, observe James Vergneau connu sous le nom de «Rebel Layonn». L’artiste et professeur de Yoga pratique le végétarisme depuis près de 25 ans.

Rebel Layonn fait travailler sa créativité pour « manger sain et équilibré » en faisant notamment usage d’une diversité d’herbes et de feuilles présentes dans notre quotidien.

Noël s’apprête à ajouter des noix dans le bol d’arbre à pain. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

D’autres adeptes arrivent à joindre les deux bouts grâce à une approche simplifiée de la préparation des repas.

« Ce que beaucoup de gens ignorent, c’est que la viande est bien plus coûteuse que l’approvisionnement en feuilles, fruits et légumes », déclare Malaika Lamarre, végétarienne et actuelle mémorante à la Faculté Linguistique appliquée (FLA).

Un plat de riz blanc aux oeufs pochés préparé par © Malaika Lamarre.

« Grâce à la consommation d’aliments de saison, dit la PDG de «Natirèl-Ayiti», je parviens à maintenir une grande variété de choix de recettes qui me reviennent très économiquement ».

Un plat de riz collé aux pois noirs, salade verte et pommes de terre croustillantes à la sauce fromagère, préparé par © Malaika Lamarre

D’après l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), en 2020, Haïti a cultivé environ 26 000 hectares de légumes, ce qui a généré une production estimée à 120 748 tonnes.

Cependant, la production avait chuté en 2013 à 125 000 tonnes et en 2020 à 120 000 tonnes, pour la culture des produits de légumes comme la carotte, l’épinard, les pommes de terre, le chou, la tomate, la laitue ou le poireau.

« En général, je suis orienté vers tout ce qui est naturel, excluant les Organismes génétiquement modifiés (OGM), les pesticides et les herbicides » fait savoir James Vergneau, qui pratique l’apiculture agroforestière et s’engage activement dans la protection et la préservation de l’environnement.

« Je consomme entre 80 % et 90 % de produits locaux », dit Vergneau qui admet rencontrer des difficultés pour trouver des fruits locaux typiquement haïtiens.

Lire aussi : Certaines familles haïtiennes préfèrent le miel au sucre raffiné. Voilà pourquoi.

Les végétariens haïtiens sont souvent forcés de ne compter que sur eux-mêmes. Selon Vergneau, « jusqu’à date il n’existe aucun restaurant végétarien spécialisé dans le pays » bien que certains établissements offrent des menus végétariens.

Lisa Pierre, cheffe culinaire végétalienne et passionnée de cuisine végétarienne, nourrissait l’idée, dès 2020, de créer son propre restaurant entièrement végétalien en Haïti, baptisé « Lakou Zazou ». Son objectif était de partager son savoir-faire culinaire tout en aidant ses clients à maintenir une alimentation saine et équilibrée. « J’avais déjà trouvé l’emplacement et des investisseurs étaient également intéressés, dit la dame. J’avais tout en place, mais malheureusement, en raison de la situation d’insécurité qui sévissait dans le pays, j’ai pris la décision de renoncer ».

La cuisson est terminée. Noël finalise la préparation du repas. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

Lakou Zazou aurait été un véritable foyer pour les végétariens et pour ceux et celles qui souhaitent expérimenter un régime végétalien. Pierre voulait en faire un lieu qui met en valeur la production nationale, tout en exposant aux étrangers les différentes facettes de la culture gastronomique haïtienne. « Je souhaite sincèrement que la situation du pays s’améliore afin que nous puissions revenir et investir en Haïti », poursuit Lisa Pierre.

Les végétariens et végétaliens offrent un répit à la planète. D’après un rapport publié par la FAO en 2016, 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine sont attribuables aux chaînes d’approvisionnement de l’élevage, ce qui équivaut à 7,1 gigatonnes d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) chaque année.

« Il est essentiel de comprendre que lorsque vous réduisez votre consommation de viande et de produits laitiers, vous participez, sans même le savoir, à la préservation écologique de notre planète », affirme Vergneau. « La production animale, qu’il s’agisse de l’élevage bovin, des fermes laitières, de l’élevage de porcs ou de volailles, est une importante source de gaz à effet de serre, notamment de méthane et de protoxyde d’azote, qui contribuent au réchauffement climatique » rajoute Rebel Layonn.

La nourriture est prête. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

Loin des considérations écologiques, certains voient dans le végétarisme un mode de vie.

« Depuis que j’ai pris la décision de réorganiser mon alimentation, j’ai ressenti une plus grande attention et ouverture d’esprit, souligne Malaika Lamarre avec calme et sérénité. Je me sens également plus connectée à la nature, que ce soit à travers l’eau, la terre, et bien d’autres éléments ».

Un plat de pâtes au coulis de tomate, œufs bouillis et pain complet, préparé par © Malaika Lamarre

Wolken Casimir insiste : le végétarisme est un mode de vie. « Les gens ont du mal à accepter nos choix, mais j’ai appris à m’accepter tel que je suis, dit-il. Cette transition vers un régime alimentaire végétarien demande du courage et de la persévérance, car je peux affirmer que ce n’est pas facile au début. Cependant, c’est une expérience qui en vaut la peine ».

La table est servie chez Raymond Noël. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost

Rebel Layonn va plus loin en déclarant : « La façon dont je nourris mon corps a un impact à la fois physique et spirituel. Je vous encourage à essayer de limiter votre consommation de viande et à écouter les signaux que votre corps vous envoie. Vous réaliserez ainsi que vous vous sentirez mieux ! »

Par Lucnise Duquereste

Photo de couverture : Raymond Noël prépare une purée de pomme de terre. | © Jean Feguens Regala/AyiboPost


Découvrez notre émission spéciale AyiboLab avec James Vergneau, alias Rebel Layon, qui est végétarien depuis environ 25 ans:


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Journaliste à AyiboPost depuis mars 2023, Duquereste est étudiante finissante en communication sociale à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH).

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