SOCIÉTÉ

La clinique dentaire la moins chère de P-au-P résiste au Champs-de-Mars

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Cette clinique au Champ-de-Mars distribue ses services à bas coût depuis la fin des années 1980

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Une clinique dentaire est l’une des rares institutions encore en activité au Champ-de-Mars.

Avec des consultations à 1 250 gourdes, cette structure du Service Œcuménique d’Entraide (SOE) – une organisation non gouvernementale haïtienne – offre l’un des services en soins dentaires les plus bas et abordables dans la région métropolitaine à la rue Lamarre.

Alors que l’insécurité règne dans les rues du bas de la ville, la clinique organise des consultations et prodigue des soins à une population dont le pouvoir économique décroît chaque jour un peu plus à quelques encablures de la localité de Bel-Air.

Les 1250 gourdes représentent « une contribution des clients pour assurer la maintenance de l’espace et le paiement des employés. Notre objectif est d’abord d’aider et d’élargir le cadre des soins dentaires aux personnes qui n’ont pas une grande bourse », commente à AyiboPost Marly Pierre, secrétaire de la clinique.

Alors que l’insécurité règne dans les rues du bas de la ville, la clinique organise des consultations et prodigue des soins à une population dont le pouvoir économique décroît chaque jour…

Le Service Œcuménique d’Entraide a été créé en 1977 par des professionnel·le·s haïtien·ne·s. La même année, SOE oriente ses premières interventions dans le domaine de la santé communautaire avec des soutiens internationaux. L’ONG avait installé des cliniques dans plusieurs provinces du pays : Bassin-Bleu, le Plateau Central, Chambellan, et Thomonde.

La clinique du Champ-de-Mars distribue ses services à bas coût depuis la fin des années 1980.

Selon le Dr Jean Hugues Henrys, l’objectif de l’organisation depuis son lancement est de « contribuer au développement du pays de manière autonome et endogène. »

SOE ne veut pas se substituer à l’État. « Nous contribuons seulement à mettre en place et partager des programmes performants au bénéfice de la majorité de la population, avec une préférence pour le communautaire », poursuit Dr Henrys.

Dr. Françoise Ponticq - Champ-de-mars

La dentiste Françoise Ponticq prodigue des soins à un patient dans sa clinique au Champ-de-Mars le 9 mai 2024.

En 1989, SOE lance un programme de soins dentaires à travers le Groupe d’Appui pour la Santé Intégrale (GAPSI). Dans cette veine, la clinique de consultation de médecine générale aux abords du Champ-de-Mars – qui était la propriété privée de Max Henrys, un des fondateurs haïtiens de SOE – devient une institution à vocation communautaire dont la gestion est confiée au Service Œcuménique d’Entraide.

« La clinique n’est pas une entreprise privée », précise Jean Hugues Henrys. « C’est une offre de services à des coûts abordables pour la population. »

La clinique donne également des services de consultation en médecine générale, de laboratoire d’anatomie et de pathologie. Un service d’optométrie est suspendu pour des raisons techniques.

Le service dentaire est géré par le Dr Françoise Ponticq, une Française qui vit en Haïti depuis plus de trente ans. Née à Pau, une ville du sud-ouest de la France, le 11 février 1960, Ponticq venait de boucler ses études en odontologie à Toulouse en 1985 quand elle entend parler d’Haïti pour la première fois. À ce moment, elle rêvait de voyages et d’aventures, d’un paysage étranger comme cadre de pratique professionnelle.

Dr. Françoise Ponticq dans sa clinique au Champ-de-mars

Dr. Françoise Ponticq dans sa clinique au Champ-de-mars, le 9 mai 2024.

Après un programme de voyage raté dans le nord d’une Éthiopie affaiblie par des guerres intestines en 1986, elle est finalement retenue pour faire partie d’un contingent humanitaire de l’ONG Aide Médicale Internationale (AMI) en partance pour l’Île de la Tortue en Haïti.

« J’ai dû ouvrir une encyclopédie pour savoir que l’île appartenait à Haïti », confie Ponticq à AyiboPost. Elle pose ses bagages à Port-au-Prince le 11 novembre 1986.

Avec trois collègues haïtiens, Pontiq atterrit dans la localité de Haut-Palmiste, à l’Île de la Tortue, où AMI fournira, entre autres, des services de formation pour les auxiliaires et infirmières en soins dentaires de première nécessité. En 1988, l’organisation SOE invite Ponticq à rejoindre le projet comme dentiste à Port-au-Prince. Le projet en était alors à ses balbutiements. Elle commence à y travailler l’année suivante.

Marly Pierre travaille comme secrétaire pour la clinique depuis plus d’un an maintenant. Elle s’enorgueillit du professionnalisme de ses collaborateurs et de la vocation de l’institution qui trouve son écho dans le service communautaire, destiné aux personnes économiquement désavantagées.

« Notre tarif de consultation est tellement abordable que la clinique peut compter sur un solide réseau de clients », confie Pierre. « Parfois, nous sommes obligés de réorienter ailleurs des clients parce que nous n’avons pas assez de bras pour les prendre tous en charge. »

La clinique n’est pas une entreprise privée », précise Jean Hugues Henrys. « C’est une offre de services à des coûts abordables pour la population.

Dr Jean Hugues Henrys

Des clients témoignent à AyiboPost de la qualité et du tarif abordable du service.

Charles Étienne René s’est dit chanceux lorsqu’un ami lui a recommandé la clinique du SOE en 2022 pour sa femme qui souffrait de douleurs dentaires. Un dentiste avait exigé du couple 800 dollars américains pour des soins adéquats. La dame a obtenu des soins de nettoyage dentaire intermédiaires pour 2000 gourdes (environ quinze dollars) au total, selon René. SOE lui a aussi permis de verser cette somme en plusieurs versements, selon ses moyens. Depuis ce jour, l’homme pratique sa prophylaxie chaque semestre dans la clinique. « Ce sont des professionnels très patients, qui voient l’humain avant les billets », selon René.

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L’année 2024 marquera les 44 ans d’existence de SOE et plus d’une trentaine d’années de service pour la clinique, desservie par deux dentistes, un messager, et un médecin généraliste. Mais le climat d’insécurité au large du Champ-de-Mars met parfois à mal les activités de la clinique.

L’institution a révisé son horaire habituel au courant du mois de février. De 9 h à 5 h dans un premier temps, les responsables ont opté pour une fermeture à midi. « Les choses peuvent être difficiles, mais nous n’envisageons jamais la fermeture », clame le Dr Jean Hugues Henrys.

Par Junior Legrand

Image de couverture : Dr. Françoise Ponticq dans sa clinique au Champ-de-mars, le 9 mai 2024. | © Philicien Casimir/AyiboPost


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Junior Legrand est journaliste à AyiboPost depuis avril 2023. Il a été rédacteur à Sibelle Haïti, un journal en ligne.

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