Des bandits en provenance de Port-au-Prince pour la plupart étranglent progressivement le département, connu pour sa verdure et une vie relativement paisible
Minuit passé, le vieil homme de 71 ans était au lit avec sa femme dans la petite localité côtière de Roseaux le 1er février dernier lorsque plusieurs hommes armés font irruption dans la maison.
Siguel Julot sera kidnappé, puis libéré contre rançon. Son cas fera l’effet d’un tremblement de terre dans cette commune du département de la Grand’Anse, située à 16 km du centre-ville de Jérémie.
Il s’agit du premier cas de kidnapping enregistré dans la zone, témoignent des habitants à AyiboPost. Ces derniers demandent l’anonymat par peur de représailles. Les bandits ont saccagé la maison où Julot habite depuis 1976. Ils ont emporté tout ce qui avait un semblant de valeur, rapporte un citoyen.
Il s’agit du premier cas de kidnapping enregistré dans la zone.
L’affaire Siguel Julot prend place dans un contexte d’augmentation des actes de banditisme dans l’ensemble du département. Des bandits de Port-au-Prince se joignent à des délinquants locaux pour terroriser la population.
«La situation va s’empirer si aucune mesure n’est prise», alerte Gérald Guillaume, responsable de l’organisation Initiative départementale contre la traite et le trafic des enfants.
Des interviews réalisées par AyiboPost auprès de citoyens, de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme laissent émerger le portrait d’un département autrefois calme, mais de plus en plus envahi par les bandits armés.
L’affaire Siguel Julot prend place dans un contexte d’augmentation des actes de banditisme dans l’ensemble du département.
Depuis 2020, au moins trois cas de kidnapping, des dizaines de braquages et de vols de motocyclettes sont rapportés par la presse.
En décembre 2020, un adolescent de neuf ans de nationalité américaine, Jay McEnroe, a été enlevé à Dame-Marie. Au moment du rapt, les ravisseurs ont assassiné le père de l’enfant. Le mois précédent, une tentative de kidnapping a été signalée à Jérémie sur l’une des filles du doyen du tribunal de première instance de cette commune.
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Rigaud Jean se trouvait dans les parages à Roseaux lors du kidnapping de Siguel Julot. Il a été assassiné sur le coup par les bandits.
Au moment du rapt, les ravisseurs ont assassiné le père de l’enfant.
Dimanche Nadine, la femme de Rigaud Jean, déclare au média local J-Com que son mari a été tué parce qu’il avait identifié au moins un des hommes armés.
Contacté par AyiboPost, le responsable de communication de la police nationale dans la Grand’Anse, Wildry Juste, a informé qu’une enquête est en cours concernant ce dossier. Il a refusé de fournir davantage d’informations sur la rançon versée par la famille.
Alors que la Grand’Anse continue sa descente accélérée dans l’insécurité, la justice est quasi inexistante dans le département. La mairie de Jérémie est dysfonctionnelle.
Les citoyens, livrés à eux-mêmes, rentrent de très tôt chez eux.
Le carburant étant indisponible dans les stations à essence, les produits pétroliers continuent de se vendre à travers les rues à des prix exorbitants. Il n’y a pas d’électricité dans le département depuis tantôt trois ans. Les activités nocturnes sont paralysées. De ce fait, les citoyens, livrés à eux-mêmes, rentrent de très tôt chez eux.
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La police ne patrouille pas dans les zones reculées privilégiées par les criminels.
En fait, le département abrite plus d’un demi-million d’habitants. Moins de 200 policiers assurent leur sécurité. Beaumont et Bonbon, deux communes qui comptent ensemble environ 35 000 personnes, n’ont aucun commissariat fonctionnel depuis quatre ans.
Le commissariat dans la commune «Les Irois» par exemple compte quatre à cinq policiers, confie Amaline Charles, un journaliste local interviewé par AyiboPost. Selon les données de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI) datées de 2015, la population de cette commune est estimée à 23 374 habitants.
Il est déconseillé de se promener seul, que ce soit le jour ou la nuit.
À Dame-Marie, trois sections communales subissent de façon répétée les actions impunies des criminels, selon un habitant de la zone interviewé par AyiboPost. Il requiert l’anonymat parce que sa maison se situe sur un territoire contrôlé par les groupes armés.
Ces groupes opèrent également dans la section communale de Chambellan. Ces individus, dit l’habitant, se spécialisent dans les braquages et vols à main armée. Ils extorquent également de l’argent aux propriétaires de véhicules et aux citoyens qui empruntent la route menant à ces localités.
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Une situation encore plus préoccupante est observée à Desormeaux, située près de Chambellan, rapporte le journaliste Ralph Simon. Depuis plusieurs années, la zone qui est maintenant considérée comme « rouge » est contrôlée par des gangs armés. Il est déconseillé de se promener seul, que ce soit le jour ou la nuit.
Photo de couverture : Andres Martinez Casares/REUTERS
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