ART & LITERATURE

Joël Salien, nouvelle pépite de la littérature haïtienne

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Joël Salien, un jeune écrivain haïtien, est lauréat du concours international de nouvelles organisé par l’Institut de recherches et d’applications des méthodes de développement (IRAM). Issu de l’Université d’Etat d’Haïti, il s’avère être déjà une nouvelle flamme de la littérature nationale. Mais qui est-il réellement ? D’où lui vient cette envie de raconter le monde ?

 

La littérature est un dangereux pari. C’est d’ailleurs ce risque que prend l’écrivain en voulant réduire l’infini à un nombre limité de pages. Heureusement que chaque mot est non seulement une possibilité de langage,  mais surtout porte fatalement des ferments d’éternité. Ainsi, Joël Salien mise sur des combinaisons de lettres pour traduire son rapport au réel. Il écrit d’un trait le temps qu’il faut pour changer le monde. Et le bonheur que ça coute d’y participer.

Deuxième lauréat du prix international de l’IRAM

Baby, la nouvelle pour laquelle Joël Salien a remporté le deuxième prix de l’IRAM, est un assaut à la laideur du monde. Une volée de coups  au dysfonctionnement du système. L’auteur explique que  dans Baby, un mineur en détention fait le récit de sa vie à une étudiante en psychologie venue à la prison pour effectuer des recherches dans le cadre de son mémoire de licence. Le mineur raconte les conditions de sa naissance. Son père a abandonné sa mère quand il a appris que celle-ci est tombée enceinte. Très jeune, le mineur a perdu sa mère. Il va vivre chez son oncle. La femme de ce dernier fera de lui un enfant en domesticité. Par la suite, elle le jettera dans la rue. Le mineur sera accueilli par un chef de gang qui va l’initier à la délinquance. Une nuit, il sera arrêté et se retrouvera en détention préventive prolongée. A la prison, le mineur retrouvera plus tard un garçon qui tentera de l’aider à donner une autre orientation à sa vie. « En substance, c’est un texte qui aborde les thèmes suivants : droits humains, droits de l’enfant, la construction identitaire, entre autres », résume Joël Salien.

Qui est Joël Salien?

Né en Octobre 1991 à Port-au-Prince, Joël Salien s’inspire très tôt de cette ville pour commettre ses premières œuvres, telle une infraction qu’on assume sans se plaindre. Déjà à treize ans, il écrit ses premiers contes. Cet écueil identitaire qui poursuit l’écrivain n’est jamais trop loin. Néanmoins, Joël Salien sait jusqu’ici se définir. « Mes écrits se situent dans plusieurs genres : nouvelle, essai, roman. « Écrivain » me conviendrait peut-être mieux », soutient-il. Mais si la  littérature seule, peut traduire ses vides, ses émotions et ses désirs, il ne s’est pourtant pas tourné vers l’étude des belles lettres. Il est plutôt licencié en service social à la Faculté des sciences humaines, et diplômé en Droit à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l’Université d’Etat d’Haïti. « Arrivé à l’Université, le désir d’écrire s’est refroidi un peu. En effet, je passais davantage de temps à lire et écrire des textes académiques. Cependant, la flamme ne s’est pas éteinte pour autant. Je trouvais du temps pour délecter un beau roman, écrire une nouvelle ou ébaucher un récit », confie l’écrivain.

La portée de son oeuvre

Sous sa plume, l’écriture est surement un prétexte pour prôner un humanisme désintéressé. Comme si les poésies et les nouvelles qu’il produit ne suffisaient pas, il rédige aussi des articles en qualité de défenseur des droits humains. Ses écrits sont donc des signes qu’il envoie pour pointer du doigt l’immédiat, pour agir vivement sur le réel. « En tant qu’écrivain, je fais un travail sur les matériaux dont je dispose : des mots, des impressions, des images, des sentiments. La littérature effectue un travail sur la réalité, elle la transforme au moyen de la subjectivité », explique le nouvelliste. En outre, les sujets qu’il traite portent clairement son plaidoyer pour le respect de l’essence humaine. « Je suis préoccupé par le respect de la dignité de la personne », avoue celui qui est aussi poète.

Pour lui la littérature est un espace de rencontre. « La littérature permet de dialoguer avec l’autre, de découvrir d’autres mondes, d’autres visions du monde, d’autres émotions, d’autres cultures », affirme-t-il avec ardeur. Plus qu’une passion dans son âme, la littérature est un feu qui embrase ses doigts. Pour garder cette flamme vive, il a fréquenté plusieurs centres culturels, qui, au fil temps, ont fini par l’habiter. Que ce soit le centre Anne Marie Morisset, la Bibliothèque nationale ou la Bibliothèque Monique Calixte, il porte l’empreinte de tous ces lieux d’expression et de liberté.

Si la littérature se conforte souvent au travers des sentiers incertains, l’intérêt que Joël Salien porte pour l’écriture semble ne pas être dû au hasard. « Adolescent, je prenais plaisir à lire des contes, des récits de mes manuels scolaires, les livres historiques de la bible. », se souvient-il. Et chacun de ces instants est aujourd’hui complice de la gravité de sa plume. « Pour m’endormir, j’imaginais des histoires. Parfois, je m’inspirais des contes lus ou des films vus à la télé ». Néanmoins, il y a toujours ce côté fortuit, ces évènements gratuits à l’aventure d’un matin : un brouillard qui descend trop bas ; la rencontre d’un ami.  « Ma passion pour la lecture sera renforcée lors de mes études secondaires au Collège Le Normalien. En effet, Cette période de ma vie d’écolier sera marquée par ma rencontre avec des camarades de classe passionnés par la lecture et l’écriture – parmi lesquels Phew Laroc- ainsi que par la fréquentation de la Médiathèque de l’Institut Français ».

Selon lui, sa visite à Paris n’a pas débouché sur de nouvelles perspectives. Et sa carrière d’écrivain n’affecte pas ses études de droit et de service social. « Il n y a pas de cloison étanche entre mes études et mes activités littéraires. Je poursuis mon chemin ». Affirme-t-il. Avec tous ces auteurs qu’il trimbale dans ses bagages (Dany Laferrière, Alain Mabanckou, René Dépestre, Gabriel Garcia Marquez, Catherine Cusset, Paulo Coelho) il va surement poser sous peu son prochain acte poétique. « Ma prochaine publication. Cela prendra peut-être des mois. Je n’ai pas encore de titre. Mais pour le moment, je travaille sur un projet de roman. Je souhaite pouvoir l’écrire », informe l’écrivain.

En gagnant le prix international de l’IRAM pour sa nouvelle ‘Baby’, Joël  Salien s’entête à poursuivre sa quête de soi, de sens et de l’autre. Comme avant, il continue à combler ces espaces qui lui séparent de ses rêves. Mais cette fois avec plus de confiance. « Auparavant, j’avais des doutes en ce qui concerne la qualité de mes écrits. Je manquais de confiance en moi-même. Mais, avec le prix reçu récemment, je vois les choses différemment. Mon texte a été analysé par un comité de lecture avant d’être soumis à un jury. Le prix constitue un encouragement à continuer de travailler, d’écrire et de m’améliorer », conclue l’auteur.

Patrick Erwin Michel a étudié les Sciences Juridiques à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques (FDSE) de l’Université d’Etat d’Haïti. Il finalise actuellement son mémoire de sortie sur la pauvreté et les Droits humains. Il a également étudié l’art dramatique à l’Ecole Nationale des Arts (ENARTS), ainsi que le journalisme à l’ISNAC. Son champ d’intérêt inclue le Droit, la littérature, la sociologie et les arts.

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