L’environnement des affaires se détériore au Bas de l’Artibonite depuis le début des attaques des bandes armées en 2019
Au bas de l’Artibonite, de petites entreprises ferment leurs portes les unes après les autres, à la suite des attaques perpétrées par des bandits armés de la base «Gran Grif».
L’entrepreneur Mackenson Josius en sait quelque chose. Après cinquante ans de service à la communauté, son père, Pierre, a fui le pays en février dernier. L’homme a dû fermer précipitamment sa boulangerie «Tout-à-Jésus» et renvoyé sa quarantaine d’employés après une nouvelle attaque des Tout-Puissants de «Gran Grif» à l’entrée de la commune des Verrettes.
Mackenson Josius se trouve lui-même dans une situation précaire. Selon l’entrepreneur, les opérations habituelles de son entreprise de produits alimentaires, «Kay Macken Dépôt», ont connu une diminution d’environ 40 %.
De petites entreprises ferment leurs portes les unes après les autres, à la suite des attaques perpétrées par des bandits armés de la base «Gran Grif».
En réalité, l’environnement des affaires se détériore au Bas de l’Artibonite depuis le début des attaques des bandes armées en 2019. Dans l’impunité la plus totale, ces individus volent, pratiquent le kidnapping, saisissent des biens ou détournent les marchandises, selon des témoignages recueillis par AyiboPost.
«Avant que la crise ne s’intensifie, le trajet de Mirebalais à Verrettes pour transporter 600 sacs de riz me coûtait 45 000 gourdes», confie Josius. Actuellement, «le tarif s’élève à 120 000 gourdes».
En 2021, les bandits avaient détourné un camion de 700 sacs de riz de l’entreprise. Pour éviter de fermer sa boutique, comme l’avaient fait plusieurs autres commerçants, Josius a dû emprunter quinze millions de gourdes auprès d’une banque locale.
«Avec la situation actuelle, je ne peux toujours pas rembourser ce prêt», déclare l’homme d’affaires qui rencontre des difficultés pour payer ses dix employés. Il est contraint de réduire certains salaires de 60 % pour éviter les licenciements.
Pour éviter de fermer sa boutique, comme l’avaient fait plusieurs autres commerçants, Josius a dû emprunter quinze millions de gourdes auprès d’une banque locale.
Louis-Philippe dirigeait «Pipo Quincaillerie», une entreprise spécialisée dans la vente de matériaux de construction à Petite-Rivière de l’Artibonite. En juillet 2022, il a quitté le pays pour les États-Unis en raison des attaques de gangs, fermant du coup son entreprise.
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Deux mois plus tard, Louis-Philippe est retourné en Haïti, a timidement rouvert le magasin et remboursé toutes ses dettes. Cependant, à cause de l’aggravation des attaques de bandes armées dans la nuit du 21 octobre 2022, il a décidé de tout abandonner le lendemain pour se réfugier avec sa famille dans une autre commune, dont il ne souhaite pas révéler le nom.
Depuis lors, le père de famille vit de ses économies. «J’ai des enfants à entretenir», se plaint Louis-Philippe. «Je nourris l’espoir que cela va changer un jour, parce que je n’ai rien d’autre à part mon entreprise», espère-t-il.
En réalité, l’environnement des affaires se détériore au Bas de l’Artibonite depuis le début des attaques des bandes armées en 2019.
Certaines zones deviennent de plus en plus inaccessibles, ce qui paralyse les échanges commerciaux. Cette situation affecte même les entreprises des communes qui ne sont pas directement touchées par la crise.
Par exemple, les principaux axes routiers donnant accès à Saint-Marc ont été bloqués par l’activité des gangs, mais la ville en elle-même se retrouve dans un climat relativement calme.
Même les routes alternatives de Mirebalais à Liancourt jusqu’à Saint-Marc, et de Saint-Michel de l’Atalaye à Dessalines ou Gonaïves, sont prises d’assaut par les bandes armées.
«Ceci met des villes comme Saint-Marc, Montrouis, Arcahaie dans un cercle empêchant tout échange possible, jusqu’à les asphyxier», relate Jocelyn Ulysse, membre de l’Association des Entrepreneurs de Saint-Marc (AESM).
Les routes alternatives de Mirebalais à Liancourt jusqu’à Saint-Marc, et de Saint-Michel de l’Atalaye à Dessalines ou Gonaïves, sont prises d’assaut par les bandes armées.
Tout se déroule comme s’il s’agissait d’un réseau coordonné de gangs visant à entraver la livraison de marchandises dans les environs de Saint-Marc, constate l’entrepreneur Ulysse.
Jacques Eddy Germain possède plusieurs dépôts de boissons gazeuses à Verrettes. Avant la détérioration de la situation sécuritaire, il vendait 100 caisses de boissons congelées par jour. Aujourd’hui, Germain n’atteint pas la barre des 60 caisses par jour, et les commerçants prennent plus de temps pour payer, selon ce dernier. Il se plaint du retour de produits invendus, que l’entreprise doit conserver dans des congélateurs coûteusement alimentés en électricité.
Selon un communiqué de février 2023 du Bureau des Nations Unies (BINUH), «les gangs ont instauré un climat de terreur, caractérisé par des pillages, assassinats, enlèvements, destructions, extorsions, détournements de camion de marchandises et des actes de viol sur des jeunes filles et femmes dans les communes de Liancourt, Verrettes, Petite-Rivière de l’Artibonite et L’Estère.»
Tout se déroule comme s’il s’agissait d’un réseau coordonné de gangs visant à entraver la livraison de marchandises dans les environs de Saint-Marc.
Les habitants fuient en masse, et ceux qui restent dans des communes comme Petite-Rivière de L’Artibonite vivent un véritable enfer, sans aucune présence policière depuis janvier 2023. Plus rien ne fonctionne, à l’exception de l’hôpital Charles Colimon, que les gangs laissent ouvrir ses portes pour le moment.
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Pour recevoir un transfert d’argent ou encaisser un chèque, il faut se rendre en moto à Saint-Marc, mais le coût du trajet est presque hors de portée. De plus, les quelques commerçants de Petite-Rivière qui essaient de vendre leurs marchandises au marché de Dupuy augmentent les prix.
Le marché Pont-Jour à Dessalines, qui vendait du riz non décortiqué, ne fonctionne plus actuellement. Il était sous l’emprise des bandes armées, mais l’absence de production de riz a eu des conséquences considérables sur les vendeurs et les acheteurs, selon l’ancien député Vickens Derilus, car c’était la principale source de revenus pour de nombreuses personnes.
Les habitants fuient en masse, et ceux qui restent dans des communes comme Petite-Rivière de L’Artibonite vivent un véritable enfer, sans aucune présence policière.
L’instabilité dans diverses zones telles que Petite-Rivière de l’Artibonite, Dessalines, Liancourt, etc., provoque un afflux de déplacés vers Saint-Marc ou Verrettes.
Cela préoccupe Vickens Derilus, ancien député de la commune des Verrettes, qui constate que la plupart des familles sont submergées et ne peuvent pas accueillir autant de personnes chez elles. Selon lui, la commune ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour accueillir cette multitude de personnes fuyant leur domicile.
Par Tchika Joachim et Jérôme Wendy Norestyl
© Image de couverture : freepik
Visionnez notre émission spéciale AyiboLab, réalisée en avril 2023, sur l’abandon forcé des terres par les agriculteurs en raison de la terreur causée par les gangs armés dans l’Artibonite :
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