Le jeune peintre a grandi dans la Grand-Rue dans une cabane (un taudis) mais il ne s’est jamais senti pauvre. La peinture lui a permis d’avoir une culture que le Boulevard Jean Jacques Dessalines à lui-seul ne pourrait pas lui procurer.
Jean-Michel Basquiat se dresse avec une veste grise, une cravate noire, et ses yeux se cachent derrière des lunettes de soleil. L’artiste pose sa main gauche sur l’épaule de Picasso qui lui-même porte un t-shirt blanc, avec des yeux grands ouverts, trop ouverts. Le visage des deux hommes a l’air préoccupé. Le tableau est baptisé « Basquiat and Picasso Friends for life ». Il est signé Hérold Pierre-Louis.
Hérold Pierre-Louis réunit sur une même toile deux peintres qui ne se rencontrent que par leurs idées révolutionnaires. Il a créé ce tableau au début de son parcours artistique, en 2006. Il a fait la connaissance de ces peintres via la lecture. Certains étrangers, lors de leur visite à la Grand Rue, lui disaient que ses travaux ressemblaient à ceux des messieurs. Il était donc curieux. Il a été pendant longtemps entouré d’art, mais sa première pièce vendue représentait une personne à deux visages dont la tête était un avocat. Il l’a vendu à une Anglaise pour seulement 5 dollars américain. Il avait alors 10 ans. Pour Hérold, ce sont ces dix dollars qui ont officiellement lancé sa carrière.
Qui est Hérold Pierre-Louis ?
Le peintre est né en 1996, il est le deuxième enfant d’une fratrie de neuf. Il y a de cela huit ans, Hérold Pierre-Louis aurait abandonné l’école si ce n’était pour la peinture. Après le séisme du 12 janvier 2010, le père du jeune peintre a perdu son travail à l’institution Saint-Vincent qui a été détruite. Depuis, l’artiste n’est plus à la charge de ses parents. De surcroît, il aide sa mère avec ses frères et sœurs. La Grand-Rue n’est pas une zone où un jeune homme trouve beaucoup de débouchés. Ses options à la Grand Rue étaient: réparer des pneus d’auto et de camion ou alors, travailler dans les hôtel-bars à prostitués. Il avait choisi la peinture. Hérold voulait être artiste comme André qui l’a vu grandir.
Hérold a grandi autour d’artiste. Il a été initié à l’art tout petit par le scuplteur André Eugène, pionnier et directeur du collectif Atis Resistans. Sur la Grand-Rue de Port-au-Prince, il est presque impossible de manquer la grande barrière marquée Art Resistance et Atis Resistans devant laquelle se trouvent des réparateurs de pneus (kawoutchoumann). C’est derrière cette barrière qu’Hérold Pierre-Louis a appris à tenir le pinceau.
À l’école primaire, l’artiste était le meilleur dans son cours de dessin ; il a remporté un concours organisé par le directeur de son établissement, malgré le fait que son professeur de dessin d’alors n’appréciait pas tellement ses travaux : « Mon professeur ne dessinait pas bien, j’étais bien plus brillant que lui », s’énorgueille Hérold avec assurance. Douze ans plus tard, le gagnant de ce fameux petitconcours de dessin est devenu peintre. « Je n’aime pas trop les programmes auxquels les jeunes s’adonnent de nos jours. Je préfère les foires, les workshops et toute activité où je puisse présenter mes toiles. » Le prodige a 509 tableaux à son actif, qu’il recense scrupuleusement sur sa page Facebook. Dans sa cabane, se trouvent exposés tous ses travaux, les uns plus surréalistes que les autres. Partout, dans la chambre, même sur son lit.
Un peintre cosmopolite nourri d’un engagement citoyen
Dans l’œuvre d’Hérold Pierre-Louis on trouve une vision universelle plutôt que des questions purement haïtiennes. Il peint Michelle et Barack Obama devant la Maison blanche, d’autres étrangers et surtout des étrangers. Les visages blancs semblent le fasciner. Cela résulte peut-être de sa proximité avec ces derniers. À la Grand-Rue, les artistes organisent tous les deux ans une manifestation qui porte le nom de « Ghetto Biennale ». Cette exposition consiste en des échanges entre des travaux d’artistes étrangers et des Haïtiens. C’est dans l’une de ces activités que le jeune peintre avait vendu son premier tableau en 2006. Cette aventure l’a amené à atterrir sur le sol du célèbre peintre Christoffer Wilhelm Eckersberg, le précurseur de l’Âge d’or danois, alors qu’il n’avait que 18 ans. « C’est l’une des plus belles expériences que j’ai vécu dans ma carrière de peintre. En plus de l’atmosphère sereine qui régnait, j’ai vendu pour 700 dollars de toiles à Copenhague. »
Hérold Pierre-Louis est l’un des responsables de Timoun rezistans, un groupe qui a vu le jour aux alentours d’Atis rezistans. La structure offre un climat dans lequel les enfants peuvent se dédier à la peinture ou à la sculpture. Tous les dimanches, Pierre-Louis, Love Leonce et un autre peintre de la communauté organisent un atelier où les enfants pratiquent l’informatique avec des moniteurs. Par ses fonds personnels et des soutiens d’étrangers, Hérold Pierre-Louis aide les parents de ses enfants à payer leurs frais scolaires.
Des œuvres qu’on ne peut sonder en un seul clin d’œil
Hérold Pierre-Louis présente un homme blanc tenant un crâne avec les yeux fermés. L’homme a deux ailes blanches. Sur chacune de celles-ci git un oiseau qui ponds jusqu’à remplir d’œufs des récipients se trouvant juste en dessous de ses ailes, sans que ses œufs éclosent. La magie de cette pièce est que lors même que les œufs seraient incassables, vu la trajectoire des ailes, ils ne devraient pas tomber dans le récipient. Mais Hérold s’en fou du logique. Il est est un peintre surréalistes qui veut aller au-delà de de nos réalités
Hérold Pierre-Louis a exposé cinq fois en Haïti (Henfrasa, Institut français d’Haïti, Galerie Marasa, Ka Tilatin et Culture Création). Il est encore à l’école, en classe de seconde. Après ses études, l’artiste aimerait créer un espace où des enfants pourraient apprendre toutes sortes d’art. « Si on initie les enfants à l’art aujourd’hui, on évitera certains vices demain», explique l’artiste. Le surréalisme de l’environnement de du lakou d’Atis Rezistans semble avoir aidé Hérold aà mieux aborder la réalité de la vie.
Laura Louis
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