SOCIÉTÉ

« Haïti est-il un État de droit ? » Les aspirants avocats haïtiens invités à débattre.

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Depuis 2015, le bureau des Droits Humains en Haïti (BDHH) a lancé un concours d’art oratoire sur les Droits Humains à l’intention des étudiants finissants en Droit. L’exercice est devenu un rendez-vous tous les ans pour les aspirants avocats

Le lundi 20 janvier en fin d’après-midi, le Bureau des Droits Humains en Haïti sis à la Rue 6 à Pacot commence à se vider. Certains s’apprêtent à partir alors que d’autres discutent entre eux. Laetitia Saint-Louis et Murielle Jeannot qui sont respectivement assistante à la coordination et assistante administrative au BDHH reçoivent quelques invités avant de partir.

En ce jour, les membres du BDHH se sont réunis en vue de faire les derniers préparatifs pour la 5e édition du concours de plaidoirie sur les droits humains. Ils ont déjà le thème : « Haïti est-il un État de droit ? » Maintenant, ils ne font qu’attendre les postulants qui ont jusqu’au 2 février pour se lancer.

Le Bureau des Droits humains en Haïti regroupe des juristes, avocats et étudiants en Droit. Selon la secrétaire générale de l’institution, Pauline Lecarpentier, le BDHH a une vision progressiste et inclusive. Il reçoit entre autres, des femmes qui sont victimes de violence basée sur le genre et celles qui sont en quête de pension alimentaire pour leurs enfants.

Les étudiants qui ont participé au concours de plaidoirie, même s’ils n’ont pas gagné, peuvent contribuer aux travaux du bureau en y faisant un stage. Laetitia Saint-Louis qui aujourd’hui est assistante à la coordination a participé à la première édition du concours.

Pour Pauline Lecarpentier, c’est un avantage que procure le concours aux organisateurs et aux participants. « Nous ne voulons pas d’un petit groupe fermé. Nous voulons élargir le cadre du bureau. Le concours de Droits Humains nous permet de faire cette ouverture », avance la secrétaire générale de l’organisme.

Pourquoi plaidoyer en faveur des droits humains en Haïti ?

Les droits humains selon Pauline Lecarpentier sont fondamentaux partout dans le monde, il est important d’en faire la promotion surtout en Haïti où souvent ces droits sont violés. « Le concours de plaidoirie dit-elle, est la première activité que nous avons organisée à la création du BDHH. C’est une façon pour nous d’imposer les Droits humains comme un sujet contradictoire. Les organisations internationales en Haïti traitent des droits humains aussi, mais de façon consensuelle. »

C’est pourquoi ajoute-t-elle, ce concours d’art oratoire n’est pas farfelu. « On apprend aux aspirants avocats à s’exprimer, à répondre par des arguments solides. Mais le concours leur permet aussi de s’engager en faveur des droits humains. Il leur incite à avoir l’esprit critique. »

Une expérience enrichissante 

Pour Laetitia Saint-Louis qui a participé à l’organisation du concours depuis sa première édition, un étudiant a tout à gagner en y participant. « Ce concours est très important, affirme-t-elle. C’est un carrefour de rencontre et de confrontation pour des étudiants issus de diverses facultés de droit. Jusqu’à sa première édition, il n’y avait pas encore d’initiative de ce genre même dans les facultés de droit. »

Ce concours permet aux étudiants en Droit de comprendre que l’oralité des débats n’est pas forcément ce qui se passe dans les tribunaux haïtiens.

C’est la même considération pour Woodkend Eugène qui est avocat au Barreau de Port-au-Prince. Il travaille au bureau des droits humains depuis un an et demi. Me Eugène accompagne les étudiants au BDHH dans la recherche documentaire. « Il y a beaucoup de brillants esprits dans ce pays, ce concours m’a permis l’an dernier de repérer quelques-uns. J’apprends des étudiants, ils apprennent de moi aussi. Tout en étant neutre, je leur aide à trouver des documents pour la préparation des joutes », se réjouit-il.

Selon Me Eugène ce concours permet aux étudiants en Droit de comprendre que l’oralité des débats n’est pas forcément ce qui se passe dans les tribunaux haïtiens. « C’est justement ce vide que le concours vient combler chez les aspirants avocats.» 

« Ce concours m’a apporté un sentiment de fierté » 

Esther Grégoire est la dernière lauréate de la compétition de plaidoirie sur les droits humains. Mais aussi la première femme à avoir remporté le concours. « Ce concours m’a permis de voir en moi une capacité de leadership. Il m’a apporté un sentiment de fierté », soutient la lauréate qui fait actuellement un stage au BDHH. « J’assiste les femmes qui sont victimes de violence basée sur le genre », renchérit-elle.

La gagnante est dans la dernière ligne droite de son mémoire. Elle comptait intégrer le barreau de Port-au-Prince pour devenir avocate, cependant l’insécurité lui a contraint à faire d’autres choix. « J’ai voulu intégrer le barreau de Port-au-Prince en vue de mettre en exergue ce que j’ai appris dans le cadre du concours de plaidoirie sur les Droits humains. Malheureusement, à cause de l’insécurité qui sévit dans le pays, le barreau ne fonctionne pas. J’ai donc opté pour un master en France », regrette la jeune femme.

En tant que première femme ayant remporté ce concours, Esther Grégoire encourage d’autres femmes à y prendre part aussi. « Les femmes ne doivent pas avoir peur de participer. Quand j’ai gagné l’an dernier, j’étais à ma deuxième participation. J’ai échoué la première fois, mais je me suis servi de cet échec pour aller de l’avant », déclare la lauréate d’un ton fier.

Pauline Lecarpentier a souligné en ce sens que le concours n’a pas de quotas, qu’il est ouvert à tout le monde indépendamment de son genre ou de sa provenance. Toutefois, les candidats féminins et les étudiants des écoles de Droit de province sont encouragés à y prendre part.

« Les étudiants des écoles de Droit de province auront des frais de transport pour les jours où ils auront à plaider. Par école de Droit de province, nous entendons le Cap, les Cayes, Hinche et Jacmel », lance la secrétaire générale.

Le concours durera un mois et demi. Il y aura cinq phases, donc cinq joutes. Comme prime, le lauréat sera reconnu. Il recevra également un ordinateur, un cours de français et dans la mesure du possible une formation de courte durée en France.

Laura Louis est journaliste à Ayibopost depuis 2018. Elle a été lauréate du Prix Jeune Journaliste en Haïti en 2019. Elle a remporté l'édition 2021 du Prix Philippe Chaffanjon. Actuellement, Laura Louis est étudiante finissante en Service social à La Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti.

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