À mesure que la population augmente, le marché immobilier du Cap-Haïtien explose. « Parfois, une simple chambre sans cuisine ni salon est affichée à 3 000 dollars l’an, ce qui équivaut à environ 300 000 gourdes », précise l’agent immobilier Fanfan
Laure Jean-Baptiste s’est enfuie de Port-au-Prince en juin l’année dernière en raison de l’insécurité pour s’installer définitivement au Cap-Haïtien où elle a été hébergée par un proche et a trouvé du travail dans une institution financière.
Quand l’ancienne résidente de Lalue a voulu louer son propre logement au début de l’année, elle s’est heurtée à une réalité difficile : le coût de la vie s’envole, et les nouveaux arrivants comme les habitants peinent à suivre dans cette ville « refuge » déjà marquée par un manque d’infrastructures.
« J’avais un budget de 100 000 gourdes pour deux pièces, mais je n’ai pas pu en trouver à ce prix », explique Jean-Baptiste, s’étant résolue à payer le double de son budget initial dans la localité de Cambefort.
La migration interne venue principalement de Port-au-Prince et de l’Artibonite fait bondir tous les prix.
« La demande dépasse largement l’offre, et les propriétaires en profitent », explique Lordy Fanfan, le responsable de l’agence FL Immobilier joint par AyiboPost.
Pour un simple appartement au Cap, poursuit Fanfan, il faut parfois débourser plus d’un million de gourdes — près de 8 000 dollars américains.
Selon un rapport de l’Organisation internationale pour la migration (OIM) publié en juin 2025, près de 140 000 déplacés internes se sont réfugiés dans l’ensemble du Grand Nord — regroupant les départements du Nord, du Nord-Ouest et du Nord-Est. Ce chiffre est en nette hausse par rapport aux quelque 85 000 personnes recensées en décembre 2024.
Pour un simple appartement au Cap, poursuit Fanfan, il faut parfois débourser plus d’un million de gourdes — près de 8 000 dollars américains.
La majorité des nouveaux arrivants provient du département de l’Ouest, notamment de Delmas, de Croix-des-Bouquets et de Port-au-Prince.
Selon l’OIM, le département du Nord a connu la plus forte augmentation du nombre de personnes déplacées après le Centre : une hausse de 79 % par rapport aux évaluations précédentes.
Qualifié de plus en plus comme une « ville refuge », le Cap-Haïtien subit une pression démographique constante, selon Patrick Almonor, le maire-adjoint de la ville.
L’aéroport du Cap, autrefois considéré comme secondaire, est désormais le seul à assurer des liaisons régulières entre Haïti et le reste du monde. À Port-au-Prince, seuls quelques vols charters sont organisés de manière irrégulière, tandis que les vols commerciaux vers les États-Unis demeurent suspendus.
À mesure que la population augmente, le marché immobilier du Cap-Haïtien explose.
« Parfois, une simple chambre sans cuisine ni salon est affichée à 3 000 dollars l’an, ce qui équivaut à environ 300 000 gourdes », précise l’agent immobilier Fanfan.
Face à cette montée des prix, plusieurs déplacés renoncent à s’installer au Cap-Haïtien et se replient vers des communes voisines, où le coût est plus raisonnable.
Mais les conditions demeurent précaires.
Installée depuis février 2025 à Dondon, dans le département du Nord, Schnaïda Vertus, 33 ans, peine à s’adapter à sa nouvelle vie.
Elle déplore le manque d’accès aux services de base à Dondon, située à environ 76 kilomètres du Cap-Haïtien : pas de grands marchés, pas d’hôpital bien équipé, ni de banques.
Face à cette montée des prix, plusieurs déplacés renoncent à s’installer au Cap-Haïtien et se replient vers des communes voisines, où le coût est plus raisonnable.
« Tout ce qu’on veut faire, on doit le faire au Cap-Haïtien : faire ses provisions, effectuer des démarches administratives, retirer de l’argent ou acheter des médicaments », explique-t-elle.
Comme beaucoup de déplacés ayant fui la capitale, Vertus a dû abandonner sa carrière de psychologue après avoir fui sa maison de l’Avenue Magloire en marge d’une série d’attaques de gangs en février l’année dernière.
À l’Acul-du-Nord, Nickson Dorvil avait tenté également de reconstruire sa vie avec sa femme et leur fille de cinq ans. « Je n’avais ni famille proche ni assez de moyens pour m’installer au Cap-Haïtien. Mais j’ai dû venir vivre ici », raconte-t-il.
Dorvil, 36 ans, habitait Turgeau, à Port-au-Prince. Il avait fui sa résidence pour des raisons de sécurité.
Comme beaucoup de déplacés internes, il dépendait du Cap-Haïtien pour presque tous ses besoins essentiels. Mais seulement trois mois après son installation, l’ancien chauffeur de taxi dont la voiture est tombée en panne a finalement dû revenir à Port-au-Prince.
« Tout ce dont on a besoin se trouve au centre-ville du Cap-Haïtien. Même pour acheter un gallon d’eau traitée, je devais descendre en ville. Avec la distance, ça revenait cinq à six fois plus cher », se désole Dorvil.
De nombreux déplacés doivent repartir de zéro, après avoir abandonné leur carrière ou leurs activités dans les zones contrôlées par les gangs.
Lire aussi : Cap-Haïtien : un marché touristique… sans touristes
Berlandine Celicourt, 20 ans, habitait à Fontamara avec sa famille. Cette étudiante à peine sortie de l’école classique souhaitait poursuivre des études universitaires. Mais elle a été contrainte de quitter Port-au-Prince pour s’installer au Cap-Haïtien en août dernier, afin de pouvoir entamer son cursus.
« Faire le trajet quotidien de Carrefour au centre-ville de Port-au-Prince pour aller à l’école serait extrêmement périlleux. Donc j’ai été obligée de migrer vers le Cap-Haïtien », explique Celicourt, qui vivait à Port-au-Prince depuis dix ans.
Originaire de la commune de Marmelade, dans l’Artibonite, Celicourt n’a pas pu s’installer dans sa ville natale, car cette commune ne dispose pas d’université.
Ces arrivées massives redéfinissent peu à peu le visage du Cap-Haïtien.
Au-delà de son rôle d’accueil, cette cité historique du Nord (une des plus anciennes villes du pays) reste l’un des symboles culturels et touristiques les plus importants du pays, à environ 220 kilomètres de Port-au-Prince.
Autrefois appelée Cap-Français, elle fut la capitale de la colonie de Saint-Domingue.
La commune est divisée en trois sections communales — Petite-Anse, Bande-du-Nord et Haut-du-Cap. Elle forme avec Limonade et Quartier-Morin l’arrondissement du Cap-Haïtien.
Elle est connue pour ses sites touristiques emblématiques tels que la Citadelle Henry et le Palais Sans-Souci. La région a longtemps attiré visiteurs et investisseurs, contribuant à faire du Cap-Haïtien la vitrine du département du Nord.
Aujourd’hui, les arrivants transforment le visage urbain du département du Nord.
Des entreprises ainsi que certains services d’institutions internationales se sont délocalisés au Cap-Haïtien.
Patrick Almonor reconnaît la nécessité d’élargir la ville et de mettre en œuvre un véritable plan d’urbanisation, désormais considéré comme « une urgence ».
Selon le magistrat, des initiatives sont déjà en cours, menées en concertation avec le Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT), afin de répondre de manière structurée aux défis posés par l’expansion rapide de la ville.
« La municipalité ne peut pas, à elle seule, résoudre la question. C’est à l’État central, de manière générale, d’y répondre », déclare le responsable, qui appelle les plus hautes instances à collaborer sur la problématique d’urbanisation de la commune.
Par : Lucnise Duquereste
Samuel Diackson Joseph a participé à ce reportage.
Couverture : Vue partielle du Cap-Haïtien. Photo : tripadvisor
► AyiboPost s’engage à diffuser des informations précises. Si vous repérez une faute ou une erreur quelconque, merci de nous en informer à l’adresse suivante : hey@ayibopost.com
Gardez contact avec AyiboPost via :
► Notre canal Telegram : cliquez ici
►Notre Channel WhatsApp : cliquez ici
►Notre Communauté WhatsApp : cliquez ici






Comments